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«Il faut rendre la communication plus responsable», Pierre Calmard (CEO dentsu France)

Groupe de communication ayant le statut d'entreprise à mission depuis 18 mois, dentsu France valide son premier audit et entend accélérer sur ses objectifs statutaires liés à sa responsabilité sociétale et environnementale. Le point avec Pierre Calmard, CEO de dentsu France.

Publié par MARIE JULIETTE LEVIN le - mis à jour à
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«Il faut rendre la communication plus responsable», Pierre Calmard (CEO dentsu France)

dentsu France, société à mission depuis 18 mois, vient de valider son premier audit de contrôle. Cela vous renforce-t-il sur le marché?

Bien sûr, cela nous renforce à divers titres. D'une part, parce qu'il y a une validation officielle par un organisme indépendant qui valide réellement ce que l'on a fait et entrepris depuis maintenant deux ans. Et c'est toujours mieux dans la vie d'être dans les actes plus que dans les paroles. Ensuite, cela nous renforce auprès de nos propres talents, très engagés dans toute cette démarche. Cela renforce l'attachement de nos collaborateurs à l'entreprise. Dans nos métiers, nous misons sur des hommes et des femmes et donc plus mes équipes sont heureuses d'être là où elles sont et plus elles sont motivées, ont du sens de leur travail et mieux elles travaillent pour nos clients. Enfin, vis-à-vis du marché, c'est aussi très important parce qu'on est dans une époque assez turbulente au niveau géopolitique. Et puis, on a des impératifs environnementaux et sociétaux extrêmement forts qui sont bien ancrés dans la tête de la nouvelle génération et de beaucoup de consommateurs. La publicité n'a pas vraiment bonne presse dans ce contexte. Il est grand temps de faire évoluer la publicité et d'aller vers ce monde « post-publicitaire » qui consiste à réaliser une publicité plus responsable, ayant du sens et reposant sur les vertus qui étaient son fondement de départ.

Quel est le message auprès des marques qui vous consultent ? Cela cautionne-t-il la sincérité de votre démarche?

Oui parce qu'effectivement, dès qu'on entame des démarches qui sont dans cette logique sociétale, environnementale, et encore plus dans la communication, on est tout de suite suspect. Le mot greenwashing n'est jamais très loin... Or, les obligations liées à notre statut nous permettent d'éviter ce procès en intention. Et surtout, cela permet de rentrer dans les actions concrètes, loin des déclarations d'intention. Car c'est à mon avis ce qui manque cruellement dans beaucoup de domaines de notre économie en France et en particulier dans notre secteur. En effet, je constate que dentsu France est toujours le seul et unique groupe de com à avoir adopté ce statut d'entreprise à mission en France.

Pérenniser un modèle publicitaire à impact pour un groupe de communication, qu'est-ce que cela implique concrètement?

Notre mission est de concevoir la communication comme un vecteur d'harmonie sociale et environnementale. C'est quand même un choix fort qui consiste à ne pas agir dans la seule optique de vendre des produits même si ce n'est évidemment pas en contradiction avec la logique première de la publicité et de faire du business. Nous incitons nos clients à développer des produits et services qui soient de plus en plus en cohérence avec cette exigence. D'ailleurs, cela suit le mouvement de fond des consommateurs qui s'orientent vers des marques plus responsables. L'avenir est là.

Est-ce que vos recommandations sont suivies par vos clients? Autrement dit, le marché est-il plus mûr sur ces sujets?

Oui et non. Quand dentsu France est devenue société à mission, nombreux sont ceux qui ont pensé que je prenais un risque pour mon business mais tous nos clients nous ont encouragés la démarche. Le bémol, c'est que nos clients, tout comme nos concurrents, pour certains, ont du mal à passer de la parole aux actes. Et c'est là où nous avons un rôle à jouer. Par exemple, nous incitons depuis plus de deux ans les annonceurs à mesurer l'empreinte carbone de leurs campagnes de publicité et à l'optimiser dans le temps. Mais dans les faits, les réticences sont encore très fortes, sur le marché français comme global d'ailleurs.

Pourquoi tant de frilosité?

S'engager dans une démarche comme celle-ci rajoute un système de contraintes dans un pays qui déjà croule sous les contraintes sans parler de la loi Sapin dans notre secteur... le deuxième frein, c'est la jurisprudence Danone. Le premier grand groupe à devenir société à mission, a vu son président être remercié six mois plus tard. Même s'il ne faut pas faire de raccourcis... cela a marqué les esprits.

Quels exemples de campagnes publicitaires pouvez-vous citer illustrant cet engagement sur les 18 derniers mois?

Oui, de nombreuses campagnes sont emblématiques. Pour Groupama, dentsu a réalisé une campagne sur les gestes qui sauvent en s'affichant dans l'univers des jeux vidéo et sur Twitch. C'est une cible qui n'est absolument pas naturelle pour Groupama. C'est un enjeu sociétal très important pour sensibiliser les jeunes générations aux gestes qui peuvent sauver des vies. Cet annonceur a accepté de préempter un territoire totalement inconnu. Cette communication a été extrêmement bien relayée, percutante, innovante, et d'un point de vue sociétal, très intéressante. Autre exemple, à l'international. La campagne « Piece of Me » pour KPN, un opérateur téléphonique en Hollande, qui portait sur le harcèlement scolaire. Ils ont pris le sujet à bras-le-corps en reconnaissant une part de responsabilité. Ils ont accompagné leur spot d'une chanson qui est devenue un tube aux Pays Bas avec tellement d'écho qu'une loi est passée au Parlement néerlandais obligent les opérateurs téléphoniques à une forme de contrôle. Là, c'est un impact direct sur la société. C'est ce genre de campagnes qu'il faut multiplier pour changer les choses sur le long terme. Et c'est de plus en plus la responsabilité des publicitaires.

Et dans le secteur automobile?

Ce secteur illustre le fait que bien souvent le marché va plus vite que les législateurs. Notre client BMW ne fait plus de campagne pour des véhicules thermiques depuis bien longtemps. Ils ont largement devancé la législation et je trouve que de temps en temps, le marché fait son job, l'intelligence collective fait son job et c'est pour ça qu'on a besoin d'agences de communication qui sont sociétés à mission pour pousser des campagnes responsables.

dentsu France renouvelle sa qualité de société à mission. Quels sont vos objectifs pour les deux prochaines années?

Nous allons accélérer sur nos trois objectifs statutaires à savoir contribuer à rendre la communication plus responsable en aidant nos clients et nos partenaires à décarboner l'ensemble de leurs dispositifs. Nous allons continuer d'encourager toutes les solutions les plus écologiques possible. Le deuxième point, c'est la promotion de la diversité et de l'inclusion. Longtemps, le secteur de la publicité a été caricatural (notamment les pubs pour vendre des voitures dans les années 80) or je pense que la pub peut contribuer positivement au changement des mentalités. Je crois à la force de la pub. À l'instar des toutes premières campagnes de Benetton qui a rendu visible certaines minorités. dentsu France a lancé sa propre publicité marque employeur pour du recrutement et nous mettons en avant justement les situations de handicap, etc. La pub, ça marche. Notre troisième objectif est de donner à chaque collaborateur les moyens de contribuer au changement de nos métiers à son échelle. Notre mode de management est moderne. Un comité, en dehors des instances de direction, permet de faire émerger d'autres choses au-delà de la dizaine de personnes qui contrôlent la boîte et qui n'écoutent qu'eux-mêmes. Il faut faire remonter l'inspiration qui vient des employés. C'est une philosophie, un système de gouvernance que chaque entreprise devrait faire sienne.

Être société à mission depuis 18 mois, en termes de business pour le groupe, ça a généré quoi en termes de chiffre d'affaires incrémental?

C'est compliqué à donner un chiffre précis, mais je constate que nous finissons l'année 2024 avec une croissance de plus 15 % sur la partie média. C'est quasiment trois fois l'évolution du marché. Autrement dit, les investissements médias de nos clients augmentent trois fois plus vite que le reste du marché. dentsu France est le groupe de communication qui progresse le plus vite. Donc je me dis que quelque part, on ne s'est pas trop trompé et que l'incidence est plutôt positive.

Vous faites partie d'un groupe international, japonais. Comment êtes-vous perçu, entité française, là-bas?

Je m'attendais à avoir toutes les peines du monde à expliquer aux Japonais l'intérêt d'un statut de société à mission. Mais, ils m'ont donné leur accord très rapidement, parce que justement, c'est assez amusant, mais il y a une proximité culturelle forte entre la France et le Japon, et j'ai scandaleusement utilisé le concept d'harmonie pour expliquer justement cette logique de société à mission. Il y a une corrélation très forte entre le statut qu'on a adopté en France et la stratégie mondiale de dentsu, qui est imprégnée par le besoin d'avoir un impact sur la société. La France a été le premier pays du groupe à adopter un tel statut dans le monde. Nous sommes suivis par l'Italie et bientôt l'Espagne.

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