Des Chinois tout verts
À LIRE AUSSI
L es choses sont aujourd'hui connues ; la Chine est l'un des pays les plus
pollués du monde, certaines de ses villes sont parfois irrespirables et les
écologistes sont mal vus, voire parfois emprisonnés. Se demander aujourd'hui si
ce pays peut devenir la puissance écologique du XXIe siècle peut donc sembler
être une pure provocation tant la tendance actuelle du développement économique
chinois va à l'encontre de cette supposée tendance verte. Et pourtant… Si on
faisait l'hypothèse qu'après avoir voulu copier et rattraper l'Occident, la
Chine était en train de se démarquer du modèle occidental ? C'est en tout cas
l'une des hypothèses avancées par certains sinologues, comme François Jullien,
pour qui en Chine « l'attrait pour l'Occident commence à s'infléchir ».
L'analyse de François Jullien rejoint celle d'autres observateurs, notamment de
Charles Wassmer, responsable de la prospective du groupe PSA : « Les Chinois
savent très bien que l'écologie va devenir une valeur centrale de la
civilisation du XXIe siècle. Ils sont donc en train de réorienter toutes leurs
réflexions dans ce sens. Ils vont peu à peu apporter la preuve qu'un pays peut
être à la fois économiquement performant et écologiquement correct. Ils veulent
devenir un modèle pour les autres. » Une analyse que semblent confirmer les
nouvelles orientations prises par le gouvernement chinois en matière
d'aménagement et de transports urbains dans le cadre du nouveau plan
quinquennal (2006-2011), dont les deux points clés sont “autonomie
technologique” et “écologie”.
Sauter une génération
Dans le secteur automobile, les Chinois sont en train de sauter la génération du moteur à essence pour passer au moteur propre, sur lequel ils investissent énormément. Depuis 2001, près de 800 brevets liés aux voitures électriques ont été déposés par la Chine, et plus de 340 millions d'euros ont été investis dans la recherche sur les batteries. Les Chinois savent que c'est en inventant le moteur propre qu'ils ont le plus de chances de concurrencer l'Occident. Le premier résultat de tous ces efforts devrait bientôt se faire sentir. Ainsi, le constructeur Qingyuan prévoit de sortir à la fin de cette année une berline électrique, la XS 20. Alimentée par des batteries au lithium rechargeables en 40 minutes, elle devrait disposer d'une autonomie de 320 kilomètres et pourrait atteindre les 130 km/h. Son lancement est prévu, début 2008, aux États-Unis. Si les Chinois inventent la première voiture 100 % propre, c'est leur modèle qui deviendra la référence en matière automobile. En 2010, la Chine prévoit de produire 1,5 million de voitures électriques.
Un nouveau modèle urbain ?
Sur le plan architectural, un premier virage vert est là aussi engagé. En 2008, devrait être inauguré, à Guangdong, l'un des plus ambitieux gratte-ciel écologiques du monde : le Pearl River Tower. Cette tour de 69 étages devrait être autosuffisante. De vastes turbines à vent installées dans la façade assureront chauffage et ventilation, tandis que l'énergie solaire réchauffera l'eau dont une partie viendra des pluies récupérées. En termes d'urbanisme, les Chinois ont compris que les villes actuelles ne sont pas durables et au lieu de faire de la cosmétique, ils conçoivent tout de suite des villes entièrement pensées autour de l'écologie. Le grand projet d'urbanisme vert chinois a pour nom Dongtan qui se veut la première ville au monde 100 % écologique. Construite à l'est de Shanghai, elle devrait accueillir 500 000 habitants en 2040 – dont 50 000 dès 2010 – et a vocation à devenir autosuffisante en énergie et en nourriture. Ces mutations dans la façon de concevoir les villes interviennent alors que le pays annonce vouloir construire près de 400 villes nouvelles d'ici 2020. S'ils réussissent leurs projets actuels, le modèle urbain du XXIe siècle a de grandes chances d'être chinois. Ce sera la fin du modèle américain qui a dominé l'imaginaire du XXe siècle.