Disney est-il le plus grand urbaniste du XXIe siècle ?
Et si, de façon paradoxale, la baisse de fréquentation des parcs de Disney prouvait leur formidable succès ? Explications.
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Lorsqu'en 1996 à la Biennale d'architecture de Venise, les critiques
découvrent que la réalisation du pavillon des Etats-Unis a été confiée à
Disney, nombreux sont ceux qui s'offusquent de l'intrusion de la World Company
dans un secteur jusque là réservé “aux artistes”. Une réaction attendue qui
démontre la très grande méconnaissance du rôle de Disney dans l'urbanisme
contemporain.
Un modèle sans auto
Petit retour en
arrière. Contrairement à une idée reçue, les parcs Disney n'ont pas pour
origine les personnages des dessins animés, mais une vraie vision “urbaine” du
père de Mickey. Le premier déclic a lieu à l'occasion de la visite de la Foire
de San Francisco de 1939. Il découvre alors une mini-ville avec des pavillons
thématisés, mais surtout une ville à taille humaine et sans voiture. La passion
de Disney pour les trains le pousse à visiter en 1948 le Chicago Railroad Fair
où il fait une expérience, visiter la ville et ses alentours en train
uniquement, qui guidera ses choix futurs. Ces différents éléments donnent
naissance en 1955 au modèle Disneyland entièrement organisé autour de sa Main
Street desservant les différents univers observables à partir d'un train
faisant le tour du parc. Mais, rapidement, Disney va se sentir à l'étroit à Los
Angeles et ses ambitions urbaines vont le conduire à acheter en Floride un
immense territoire de 10 000 hectares (soit deux fois la surface de Manhattan
!) sur lequel il va mettre en application ses grandes idées urbanistiques.
L'une des idées fortes sera la mise en place d'un réseau de transport en commun
(monorail, train, bateau) faisant de Disneyworld la première ville de la
seconde moitié du XXe siècle conçu autour du rejet de la voiture.
Incubateur urbain
Et un examen plus approfondi des
éléments qui ont fait le succès de Disneyland et Disneyworld montrent combien
ces parcs furent les incubateurs des grands principes urbanistiques
actuellement en œuvre dans nos villes. Citons cette architecture du réconfort
faite d'un façadisme généralisé et qui s'applique aussi bien dans les centres
commerciaux (voir Val d'Europe) que dans les centre villes rénovés ou dans les
néo-villages de nos périphéries. Citons aussi cette valorisation des transports
en commun face à la voiture (voire Paris aujourd'hui) et tout le discours
visant a promouvoir de nouvelles densités urbaines. On peut encore citer Disney
comme modèle du fun shopping (voir la 42e rue à New York conçue sur le modèle
Disney Village), mais aussi les “cités privées” dont Celebration est l'une des
réalisations les plus emblématiques. Et Disney en est même arrivé à faire
figure de sauveur de ville, comme le prouve la récente ouverture du Walt Disney
Concert Hall destiné à revitaliser le down town de Los Angeles. Les récentes
inquiétudes des aménageurs de Marne-la-Vallée qui craignent qu'une éventuelle
fermeture du parc Disney sape tout le développement de l'Est parisien, vont
dans le même sens. Bref, aujourd'hui, le modèle Disney s'est généralisé dans
nos villes. Ce qui explique en partie la désaffection des parcs Disney. En
effet, pourquoi aller à Disneyland alors que tous les ingrédients sont
aujourd'hui au cœur de nos villes ou de nos vies. Reste donc à l'entreprise
Disney à trouver de nouveaux imaginaires capables de contrer la banalisation de
son modèle. Pas simple, alors que tout son succès est justement fondé sur la
répétition de “ce qui a déjà marché”.