Communications ados : « Me voir, oui, mais surtout pas comme je suis et pas n'importe comment »
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«Ce que l'on sait, c'est que les adolescents ne veulent surtout pas "se
voir" en miroir dans les communications qui leur sont adressées. Mais sait-on
comment ils ont envie de se voir ? Le savent-ils seulement eux-mêmes ? Comment
faire alors pour décoder leur discours et leur parler de façon pertinente ?
Pour illustrer la difficulté de cette cible, prenons l'exemple des attitudes à
risque dans deux domaines fortement impliquants, l'alcool et les sports de
l'extrême, et voyons comment les jeunes peuvent respectivement rejeter et
plébisciter les images qu'on leur renvoie d'eux-mêmes. Les communications sur
les sports de l'extrême mettent en avant les situations où la performance
figure le "pratiquant" en victime potentielle : il est photographié à travers
un viseur-cible. Les adolescents adhèrent fortement au modèle du héros en
danger ; ils peuvent aller jusqu'à idolâtrer les riders ainsi représentés. Il
en va tout autrement dans les communications mettant en scène l'alcool. Là, les
adolescents s'opposent à toute représentation des figurants dans des situations
de prise de risque (ce qui ne veut pas dire que de tels discours ne sont pas
efficaces, bien au contraire). Pensons seulement au violent rejet et à l'effet
contre-indicatif de la communication sur les accidents routiers où l'on voit un
jeune griller, sous l'emprise de l'alcool, un feu rouge, puis la vision des
victimes de l'accident. Pourquoi l'atteinte à la vie est-elle tour à tour
adoptée et rejetée ? Dans ces deux exemples, la réponse est à chercher du côté
de la responsabilité civile. Mettre sa propre vie en danger est une posture
typique de l'adolescence (plus ou moins pratique ou symbolique) ; elle permet
de se prouver à soi-même, par la survie, que l'on mérite la vie (cf. les
pratiques ordaliques). Elle requiert passion et courage, même dans le
désespoir. Elle est, dans un sens, "héroïque" et donc aspirationnelle. Mettre
la vie des autres en danger est une faute morale, vécue comme une défaillance,
donc une absence de maîtrise et un aveu d'incompétence. Comment faire alors
pour s'adresser à eux ? S'armer de modestie, laisser de côté les recettes et
étudier, pour chaque communication, les implications de son univers de produit
et garder à l'esprit que adhésion n'est pas synonyme d'efficacité. »