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Le courrier s'affranchit des frontières 3/3

Devant les échéances successives de l'ouverture des marchés postaux à la concurrence, opérateurs institutionnels et sociétés de routage définissent leur stratégie. Mais la perméabilité culturelle et structurelle à la libre concurrence reste variable d'une entreprise à l'autre.

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Postes/routeurs : accords opportunistes ou partenariats ?


Partenaires légitimes des différentes Postes européennes, les sociétés de transport et de routage ont pour la plupart passé des accords avec celles-ci. DPGM a ainsi signé avec des routeurs comme Arvato, Diffusion Plus, RDSL, Interoutage, Eurodirect... Accords commerciaux où l'opportunisme semble plus flagrant que la notion de partenariat. En installant en Alsace une grosse partie de ses infrastructures de routage, Eurodirect Marketing a tissé des relations historiques avec le voisin allemand. La société abrite d'ailleurs dans ses murs une cellule de la Deutsche Post. Mais Alain Gazard, P-dg d'Eurodirect, tient à nuancer la portée de ce rapprochement : « Nous sommes dans une relation client/fournisseur. Je préfère éviter de parler de partena-riat avec les acteurs postaux. » La division Courrier International de La Poste serait, pour sa part, en train de réfléchir à des offres spécifiquement conçues pour les routeurs. Offres sur la teneur desquelles l'opérateur ne peut « à ce jour, pas s'exprimer davantage ». « La libéralisation est une évolution de droit. Mais dans les faits, nous n'avons pas attendu le 1er janvier 2003 pour travailler avec les routeurs. Nous avons axé notre offre sur l'injection directe (postage aux conditions du pays de destination, ndlr) », explique Olivier Bertaux, responsable du pôle développement et ventes export de La Poste Courrier International. Aujourd'hui, La Poste dit vouloir aller plus loin dans le développement de son offre, en proposant aux routeurs des services « plus affinés et plus optimisés ». Le véritable partenariat serait-il réservé aux relations interpostales ? La Poste française a ainsi signé avec son homologue italienne un accord portant sur le segment du colis rapide, marché dont l'opérateur français détient 10 % des parts européennes. Mais peut-on aller jusqu'à imaginer que, sur l'ensemble des segments du courrier international, des filiales de Postes européennes passent des accords pour attaquer plus efficacement les marchés locaux ? La démarche de Spring pourrait-elle faire des émules ? « Spring est un broker, nous sommes un acteur postal », assène Bertrand Buisson pour Deutsche Post Global Mail. Pour un acteur comme Deutsche Post, la présence en France via sa filiale DPGM est avant tout une occasion de jeter les bases de cette stratégie internationale et d'étudier les moyens les plus efficaces de s'attaquer au marché domestique français dès que les lois européennes l'autoriseront. « Nous réfléchissons à la configuration future de ce marché et aux moyens d'y prendre la meilleure place », affirme Bertrand Buisson, qui n'écarte pas l'idée de passer dans un futur proche des accords avec d'autres réseaux locaux. On parlerait déjà, au sein de Deutsche Post, de rapprochements possibles avec la Poste autrichienne. Néanmoins, selon le directeur général de DPGM France, les partenariats avec des concurrents directs ne sont pas pour autant à l'ordre du jour : « Nous voulons jouer en indépendants ».

Zones rurales : un ticket d'entrée trop élevé


Reste que, même pour un opérateur très bien préparé structurellement et culturellement à l'internationalisation des marchés, la dérégulation progressive des trafics postaux ne lèvera pas tous les obstacles aux implantations locales. Les perspectives ne sont pas toutes dégagées. « Il y a de réelles opportunités en termes de prise de parts de marché sur les grandes places, note Gilles-André Ioset. On l'a vu en 1995, lors des grandes grèves postales, tous les grands centres urbains étaient desservis dans d'excellents délais par des acteurs alternatifs. » La compétition n'est cependant pas la même sur l'ensemble du territoire. Si les grandes plaques urbaines, des villes comme Lyon, Marseille, Paris, Bordeaux, peuvent se trouver "attaquées" par d'autres opérateurs que La Poste, la chose est moins évidente pour les territoires ruraux ou semi ruraux. Or, c'est aussi là que le marketing direct trouve ses zones de ciblage. Mais, pour des opérateurs "alternatifs", postaux ou non postaux, le ticket d'entrée y est d'autant plus élevé que La Poste y a tissé des réseaux solidement éprouvés. Toutefois, les sociétés spécialisées dans la distribution toutes boîtes, par exemple, avec leur maîtrise des circuits de distribution, disposent d'atouts réels. Puisqu'elles peuvent, depuis le 1er janvier, distribuer des plis de plus de 100 grammes avec un pavé adresse, elles pourraient très bientôt apparaître sur cette première tranche de dérégulation. Côté routeurs, l'engagement dans la dimension internationale vient assez logiquement s'indexer sur la force de frappe et sur les volumes effectivement expédiés. Une entreprise comme Cifea DMK, pour laquelle l'activité de routage (100 millions de plis par an) vient se greffer sur une prestation de service informatique en traitement de l'adresse, le pas n'est pas encore franchi. « L'écrasante majorité de notre trafic se fait sur le national, remarque Laurent Charpentier. Nous travaillons avec les Postes anglaise, allemande et hollandaise sur des opérations ponctuelles et de manière opportuniste. Et, jusqu'à présent, toujours pour des expéditions vers leur marché domestique. » Aujourd'hui, pour Cifea - qui dispose d'une cellule postale intégrée - l'internationalisation n'est pas encore, selon les mots de son P-dg, « une question stratégique ».

Koba en phase de construction


Le discours est tout autre chez Koba. Si le prestataire n'affranchit aujourd'hui vers l'international que 4 % de son trafic, il traite des flux suffisamment volumineux (170 millions d'euros d'affranchissement) pour s'intéresser de près à une évolution des marchés vers l'international. Pour autant, dans cette perspective, Koba n'a pas encore finalisé d'accords commerciaux avec qui que ce soit, acteurs postaux ou non postaux. « En matière de partenariats, nous sommes en phase de construction », précise Gilles-André Ioset, qui affiche une « réelle volonté d'aller vers les marchés internationaux ». Reste pour Koba à construire son approche pour la faire "coller" aux différentes éta- pes de la déréglementation. Démarche d'ores et déjà amorcée. « Nous sommes en train de décomposer l'ensemble de notre trafic en catégories », signale le P-dg. Depuis jan- vier 2003, le postage des plis de plus de 100 grammes est ouvert à la concurrence. Chez Koba, cette catégorie représente 50 millions de plis. « Quel est pour nous l'intérêt économique de ce marché ? Que devons-nous et que pouvons-nous proposer ici à nos clients ? Quelles sont précisément les offres respectives des opérateurs postaux ? C'est à tout cela que nous réfléchissons », explique précise Gilles-André Ioset. Les incidences directes de l'internationalisation des marchés postaux ne sont pas les mêmes selon la taille et la catégorie des acteurs concernés. Chez Eurodirect, la déréglementation, avant même d'exister réellement, a déjà des effets directs. Fin décembre, le groupe était en effet en train de céder le contrôle de son activité de routage à l'allemand Bertelsmann. Ce, via la création d'une holding dirigée à 60 % par le groupe allemand et à 40 % par Eurodirect : EDMLS (Euro Direct Marketing Letter Shop). Qu'est-ce qui pousse un des acteurs majeurs du routage en France (environ 38 millions d'euros de chiffre d'affaires sur cette activité) à en céder ainsi la maîtrise ? Le souci de la rentabilité. « Nous avons perdu beaucoup d'argent avec le routage. Contrairement à un groupe comme Diffusion Plus, qui a depuis longtemps fait des choix stratégiques positifs en termes d'organisation industrielle et qui bénéficie d'une unité géographique forte, nous n'avons peut-être pas toujours fait les investissements judicieux. Et le fait de nous être dispersés sur plusieurs sites ne facilite pas la massification », explique Alain Gazard. D'où, selon ce dernier, le « besoin de s'adosser à un groupe financièrement plus important ». Bertelsmann et Eurodirect devaient finaliser fin 2002 la cession du contrôle des activités de routage au sein de EDMLS. Celles-ci étant vouées, à court terme, à un rapatriement géographique en Alsace.

Muriel Jaouën

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