Le courrier s'affranchit des frontières 2/3
Devant les échéances successives de l'ouverture des marchés postaux à la concurrence, opérateurs institutionnels et sociétés de routage définissent leur stratégie. Mais la perméabilité culturelle et structurelle à la libre concurrence reste variable d'une entreprise à l'autre.
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Restructuration de l'offre chez DPGM
En s'engageant
dans une politique d'acquisitions, avec DHL, IAE, Deutsche Post a monté son
ratio d'affaires à l'international de 2 % à 29 % en trois ans. Le groupe
ambitionne de figurer au premier rang mondial en matière de logistique. DPGM a
procédé à une restructuration de sa palette de produits, proposant désormais
une gamme de prestations standard pour toutes les destinations internationales.
« L'activité de Deutsche Post Global Mail, dans l'ensemble des pays où
l'entreprise s'est implantée, s'est d'abord concentrée sur les flux à
destination du marché allemand, explique Bertrand Buisson. Les clients pour
lesquels nous travaillons aujourd'hui en France sont encore les clients avec
lesquels nous avons historiquement ciblé l'Allemagne. Aujourd'hui, nous voulons
passer du statut de player allemand à celui de global player. » Chiffre
d'affaires visé par DPGM France sur ce marché international ouvert ? On n'en
saura rien. « Nous voulons faire migrer le chiffre d'affaires futur de
l'Allemagne vers l'international. L'Allemagne devient véritablement une
sous-partie dans notre stratégie », se contente de lâcher Bertrand Buisson.
Parmi les clients
de Deutsche Post Global Mail, Cyrillus. A l'extérieur du marché français,
l'enseigne du groupe La Redoute commercialise ses produits en Belgique,
Autriche, Suisse, Allemagne, Angleterre et au Japon. En France, Cyrillus
réalise 80 % de son chiffre d'affaires dans le commerce de détail et 20 % avec
la vente par correspondance. En Allemagne, la VAD pèse 75 % de l'activité. Pour
l'envoi de ses quatre catalogues annuels, de ses vagues de mailings et de ses
colis, la marque de vêtements a choisi de travailler avec Deutsche Post Global
Mail.
Grands comptes et PME, des catégories aux contours trompeurs
Autre entreprise ayant choisi de faire jouer le début de
concurrence sur le marché international des Postes, Plume Direct. L'agence
spécialisée dans le marketing relationnel travaille régulièrement sur des
opérations d'envergure internationale. Pour accompagner le lancement d'un
produit B to B, le prestataire devait expédier 21 000 brochures vers 105 points
un peu partout dans le monde. Une opération complexe : pratiques postales
variées et non maîtrisées, nécessité d'un acheminement rapide et homogène, sans
oublier les contraintes budgétaires dictées par l'annonceur. L'agence a jugé
que la prestation de Deutsche Post Global Mail était plus compétitive que celle
proposée par l'opérateur français. Process mis en marche par Deutsche Post
Global Mail : Transmail, un service garantissant l'envoi en une seule fois de
l'ensemble des mailings, les tarifs dépendant des destinations et du format des
documents expédiés. L'opérateur est venu récupérer les documents à l'agence
pour les envoyer sur le Hub géant de Francfort, où ont été gérés le tri et
l'affranchissement. Le courrier a alors rejoint les autres expéditions
internationales de Deutsche Post. Deutsche Post Global Mail s'est plutôt
positionnée sur le marché grands comptes, en concurrence ici avec la division
courrier international de La Poste. Autre approche du côté de Swiss Post, qui,
à partir de son bureau français, s'intéresse aussi à la clientèle des PME. «
Nous ciblons les entreprises orientées essentiellement vers l'étranger qui
expédient des envois en nombre. Les secteurs concernés avant tout par le
marketing Mail sont le tourisme, les lettershops et la VAD », explique Martine
Reymond, responsable de la communication chez Swiss Post International, qui
parle d'un objectif de 5 % de parts de marché sur le segment aujourd'hui ouvert
à la concurrence en France. Mais, en matière de cour- rier international,
grands comptes et PME entrent dans des catégories aux contours trompeurs. «
Cibler d'emblée les grandes entreprises, souligne Bertrand Buisson, c'est
prendre le risque de s'adresser à des nébuleuses disposant de filiales à
l'étranger », et donc sans aucun intérêt au vu des limites légales actuelles de
l'ouverture à la concurrence. La filiale française de l'opérateur germanique a
d'ores et déjà communiqué auprès de sa cible potentielle : annonces presse,
mailing sophistiqué auprès d'une cible privilégiée de 1 800 entreprises et
mailing "allégé" sur la totalité de la base de DPGM France. Communiquer auprès
des entreprises, grandes ou petites, pour dire quoi ? Pour Gilles-André Ioset,
P-dg de Koba, l'offre des opérateurs postaux « n'est pas très claire, surtout
au niveau de la tarification ». Et d'affirmer : « Nous entrons dans une phase
transitoire, qui devrait durer jusqu'en 2004, où les acteurs non postaux ont
finalisé ou quasiment finalisé leur offre, mais où les acteurs postaux n'ont
encore rien construit de bien précis. » De fait, il semblerait que les routeurs
s'interrogent devant les montages déployés par ces mêmes opérateurs postaux
avec lesquels ils ont passé des accords commerciaux. Avec lesquels, du moins,
ils restent susceptibles d'en passer.
S'engager au maximum à respecter les normes de qualité
La critique la plus fréquente
portant sur une segmentation trop artificielle entre flux de gestion et trafic
spécifiquement marketing direct. « L'offre tem'post de La Poste, par exemple,
est à l'origine sensée correspondre aux courriers de gestion. Mais, outre
l'aspect tarifaire, quelle différence avec les courriers MD, qui relèvent tout
autant d'un modèle industriel ? », demande le patron de Koba. L'exemple de
Deutsche Post Global Mail est à cet égard également significatif. Pour les
expéditions de marketing direct comme pour l'ensemble des autres catégories
d'expédition à l'international, l'opérateur propose les trois mêmes niveaux de
service : Priority (3 à 8 jours), Standard (8 à 14 jours), Economy (plus de 14
jours). Tout comme elles doivent communiquer de manière plus transparente sur
leurs paliers de tarification et ce qu'ils recouvrent, les Postes européennes
doivent également s'engager au maximum dans une politique de respect des normes
de qualité. Une étude menée par International Post Corporation situe à 74 % le
ratio de livraison des courriers internationaux à J + 3 (95 % en moins de 5
jours). En Europe, la qualité de service s'est sensiblement améliorée, avec un
gain de 25 points entre 1994 et 2000 sur la proportion de courriers livrés à J
+ 3. Il n'est pas rare d'entendre des annonceurs stigmatiser la piètre qualité
de la Poste française en matière de respect des normes de service, notamment de
temps de livraison des mailings. Mais, de l'avis général, les choses
s'arrangent. « La Poste est rendue un peu fébrile par l'agressivité commerciale
de certains concurrents européens, signale Laurent Charpentier, président de
Cifea DMK. Elle s'est d'ores et déjà engagée dans une stratégie davantage
orientée client. » En fait, il semblerait que la perspective de
l'internationalisation des marchés ait poussé l'opérateur français, comme ses
concurrents d'ailleurs, à prendre conscience de l'enjeu directement lié à la
qualité de service. « Déjà en 1995-96, La Poste avait fait preuve d'un certain
nombre d'améliorations. On n'est pas encore dans le plus clair, mais on est
dans le moins opaque », remarque Gilles-André Ioset. De son côté, Deutsche Post
a rebondi sur les directives européennes en matière de déréglementation des
marchés pour automatiser 85 % de ses processus (contre 25 % avant la
dérégulation).
Courrier international : 7,4 milliards de plis dans le monde
Selon l'Union Postale Universelle, réseau regroupant les services postaux de 189 pays, près de 20 millions d'envois postaux sont acheminés au-delà des frontières nationales, ce dans le monde entier. En 2001, le trafic annuel d'envois internationaux s'est ainsi élevé à 7,4 milliards de plis, soit 1,6 % du volume postal total enregistré. Les pays industrialisés génèrent 72 % du trafic postal international. En deuxième position, on trouve la région Asie-Pacifique (11 %), viennent ensuite les pays arabes (6 %), l'Europe centrale et orientale et la CEI (5 %), l'Afrique (4 %), l'Amérique latine et les Caraïbes (2 %). Les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne font partie des pays qui exportent le plus de courrier.
Une déréglementation en trois étapes : 2003, 2006, 2009
En mai 2000, la Commission européenne a adopté une proposition de directive visant à modifier la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux. Le 6 décembre 2001, le Conseil de l'Union européenne a adopté une position commune autour d'un calendrier - avalisé par le Parlement de l'UE - adoptant deux étapes, en 2003 et 2006, pour la libéralisation graduelle et contrôlée du marché postal. Ce calendrier tenant également compte des caractéristiques nationales des pays pour le maintien du courrier international sortant dans le domaine réservé (hors concurrence). Le Conseil de l'UE demande à la Commission européenne d'évaluer par une étude prospective, l'impact, pour chaque pays, de l'achèvement du marché intérieur des services postaux sur le service universel à l'horizon 2009. A l'aune des résultats de cette étude, le parlement et le Conseil confirmeront, le cas échéant, la date de 2009 pour l'achèvement des marchés intérieurs. Sous-division de L'Union Postale Universelle, PostEurop, association regroupant les opérateurs postaux publics européens, s'est officiellement réjouie de la décision des instances de l'Union européenne. Rejointe ici par Consignia, important acteur de la distribution de courrier et de colis sur le marché britannique et à l'international.
Libéralisation : l'exemple suédois
La Poste suédoise a de tout temps été en concurrence avec d'autres opérateurs, notamment avec la Dadge Poste, qui détient une part de marché non négligeable sur le segment des colis. Si l'abolition du monopole en 1994 a permis l'entrée de nombreux nouveaux acteurs locaux, il a fallu attendre plusieurs années avant qu'ils ne trouvent une réelle assise. Aujourd'hui, certains ont acquis une part importante du marché national. Les compétiteurs traitent en effet 15 % du volume total du courrier en Suède. Le cas de City Mail est éloquent. Créée en 1991, cette société s'est d'abord concentrée sur les envois groupés et sur des marchés locaux. Après avoir cédé deux tiers de son capital à l'opérateur britannique Royal Mail, City Mail a pu s'étendre au sud et à l'ouest de la Suède et couvre aujourd'hui 40 % de toutes les adresses du territoire scandinave. La société réalise 10 % des envois groupés et 5 % du volume total du trafic lettres.