Le consumer magazine dans tous ses états
Image, relation, attachement, fidélité…, les vertus du magazine de marque représentent le Graal pour les marques en quête de rayonnement auprès des consommateurs. Attention toutefois, ce média, parmi les plus intéressants de la panoplie des outils marketing, est aussi le plus exigeant, et ce sur le long terme.
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A la frontière de la publicité et de la presse, de la communication et de
l'information, entre la fidélisation et la conquête client, enfin entre la
marque et le consommateur, le consumer magazine occupe une place de choix dans
l'arsenal marketing de la relation client. Acte de communication suprême, il
permet à la marque de prendre la parole pour s'adresser, en direct, à ses
clients en instaurant une relation de confiance, voire de complicité, qui
s'apparente en tout et pour tout à celle qui lie le lecteur à un titre de
presse.
Arrivé tardivement en France, dans les années 90, bien après son
apparition en Angleterre, pays pionnier en Europe de ce marché, le concept de
magazine journalistique au service des marques intégrant une dimension
transactionnelle a connu une discrète évolution en volume. Comme en
savoir-faire, au point, pour certains de ces produits, d'être vendus en
kiosque. Doit-on y voir un signe de maturité du marché ? Pas si sûr, d'après
Laurence Vignon, directrice générale de l'agence Textuel, qui estime que des
efforts de pédagogie restent à faire auprès des marques qui investissent ce
créneau. L'enjeu est de taille : il s'agit d'établir un contact et d'entretenir
une relation continue avec les clients.
Un média fragile
On dénombre, d'après le dernier recensement de Carat
Expert qui date de 2 000, environ 150 consumer magazines en France. C'est peu
comparativement au nombre d'enseignes présentes dans l'Hexagone, d'autant que,
de l'aveu même des professionnels, la croissance de ce marché s'inscrit dans la
plus molle des stagnations, les volumes des nouveaux magazines lancés par les
marques réussissant à peine à combler la disparition des plus anciens. Bref,
plus que tout autre support de communication, le magazine de marque apparaît
comme un support fragile en ce qu'il semble assujetti à un cycle de vie en
boucle qui freine le plein épanouissement de ce marché, tout en stimulant
l'esprit de très forte compétition qui y sévit.
Plusieurs raisons à cela :
coûteux, laborieux et des plus impliquant sur le long terme, le magazine de
marque est bien souvent le premier outil supprimé en cas de restrictions
budgétaires ou de conjoncture morose. Un “fusible” que l'on fait sauter au
moindre signe d'éternuement du marché. « C'est un investissement important pour
l'entreprise qui doit s'engager sur du long terme avec un concept verrouillé.
Certes, le ticket d'entrée est élevé, mais c'est un creuset pour mener nombre
d'actions dans la durée », prévient Laurence Vignon.
Une fleur à la boutonnière des marques
A l'instar d'un titre de presse, le
consumer magazine doit trouver puis fidéliser son lectorat avant de prouver sa
pertinence. Pourtant, d'autres objections sont exprimées par les marques,
notamment celles relatives à l'efficacité et à la difficulté de mesurer le
retour sur investissement de cet outil. Pourtant, c'est à ce positionnement sur
le fil du rasoir que le consumer magazine doit son prestige et la séduction,
toujours intacte, qu'il exerce auprès des marques. Reflet narcissique de ses
valeurs, vecteur suprême de son discours auprès du client, le consumer magazine
demeure, au sein de l'arsenal marketing, la fleur à la boutonnière des marques
qui le publient. Sa grande force ? Ce n'est pas tout à fait de la pub, pas tout
à fait de la presse, mais bien un acte de générosité de la part de la marque et
qui doit être perçu comme tel par le client. A condition qu'il remplisse les
objectifs très spécifiques qui lui sont affectés.
Nourrir la marque
Les agences sont unanimes. La presse de marque répond à
deux objectifs majeurs : le relationnel au sens large, à vocation fidélisante,
et le transactionnel qui vise à augmenter la durée de vie du client par le
renouvellement de l'acte d'achat. « On parle de magazines de marque ou de
magazines clients, selon l'ancrage du titre à la marque - c'est le cas de
Danoé, magazine de marque où Danone intervient sur le thème de la nutrition
-, ou à l'offre comme Envie de Plus de Procter & Gamble, qui exploite la
logique transactionnelle », précise la directrice générale de Textuel. Dans
les deux cas, la fonction primordiale d'un tel magazine est de nourrir la
marque, voire de contribuer à son émancipation.
Ainsi pour TGV de la SNCF.
Au départ, cet acronyme de train évoquait une simple notion d'outil de la
SNCF, en aucun cas une marque à part entière. D'où le lancement d'une réflexion
stratégique initiée par la SNCF et qui a abouti, en 2000, à la naissance de TGV
Mag. « Le titre est venu nourrir la notion de temps qualitatif passé à bord du
train favorisant ainsi l'émergence de la marque TGV », commente Laurence
Vignon. Une marque dont, cinq ans plus tard, nul ne saurait contester
l'identité.
Communiquer oui, mais en toute légitimité
Dans une moindre mesure, le consumer magazine servira des objectifs de
recrutement (voir le cas Pixmania) tout en nourrissant l'image de marque auprès
des lecteurs. Chez L'Agence, un tiers des publications sont adressées à des
clients dans le cadre d'opérations de fidélisation. « Le recrutement est un
objectif beaucoup plus récent, mais efficace sur une cible connue », explique
Annabelle Cotte, directrice du planning stratégique de L'Agence. « En règle
générale, ce support répond à deux besoins : le commerce et l'image, même si il
est aussi mis au service de la création de trafic en point de vente »,
précise-t-elle.
Quoi qu'il en soit, il doit impérativement apporter de
l'information au lecteur, qu'il s'agisse d'une information relative à l'univers
produit de la marque, ou à l'univers de valeurs auxquelles la marque souhaite
être associée aux yeux de ses clients. En prenant garde, toutefois, à la nature
et à la qualité des informations. « La prise de parole ne doit en aucun cas
porter sur des sujets qui seraient étrangers au territoire d'expression
identitaire des valeurs de l'enseigne », ajoute Virginie Chorée, directrice du
pôle Publishing de L'Agence.
Ainsi, une rubrique “Astro”, dont on sait qu'elle
comble les lecteurs de la presse généraliste grand public, insérée dans un
consumer magazine autour du bricolage, ou un dossier sur la faim dans le monde,
au sein d'un magazine dédié à l'univers de la consommation industrielle risque
d'entraîner le rejet du lecteur. A coup sûr, ces errements éditoriaux ne
manqueraient pas de rejaillir de manière négative sur l'image de la marque qui
s'en ferait l'ambassadeur.
Comment La Poste séduit les jeunes
A l'agence Because (groupe DDB), « les consumers tels qu'on les aime », dixit Yves Camus, président de l'agence, se retrouvent plutôt dans le camp des magazines de marques où l'on entretient une relation presque affective avec le lecteur. Un exemple des plus aboutis : le magazine Bagoo de La Poste. Destiné à une cible jeune, les 18 - 25 ans, ce magazine parle de tout ce qui a trait à l'univers de cette tranche de population, c'est-à-dire les loisirs, la musique, les sorties, l'actualité sur les stars, etc. Tout sauf, et c'est le principal intérêt de la démarche, des produits de La Poste. Tiré aujourd'hui à 600 000 exemplaires, pour un objectif initial de 100 000 exemplaires, Bagoo permet à La Poste d'offrir à ses lecteurs un vrai “plus” par rapport à la concurrence, en développant avec les jeunes une relation basée sur la complicité et la générosité. Une cure de jouvence pour la marque jaune.
Plus récemment, Bagoo s'est doublé d'une extension on line qui vient enrichir et compléter le support papier. « Le on line est un territoire pertinent pour la marque, qui va y développer un discours plus axé sur le transactionnel, alors que ce même discours porté sur le magazine papier s'en trouverait décrédibilisé », indique Yves Camus. La recette du succès de Bagoo ? Un magazine pour les jeunes fait par des jeunes, qui parle des activités des lecteurs. C'est l'exemple même du support ciblé, tant en ce qui concerne les sujets traités que la diffusion, réservée aux seuls abonnés, à l'instar d'un titre de presse spécialisée.
Pour autant, peut-on assimiler Bagoo à un support de presse ? Rien n'est moins sûr, d'après Yves Camus : « Même si la démarche est généreuse et s'abstient de toute velléité transactionnelle, le magazine de marque ne doit jamais céder à la tentation de la presse qui a une tout autre vocation. Bien qu'il trouve sa justification dans le traitement journalistique de l'information, la confusion des genres est à éviter.»
Pixmania : le consumer pour installer la marque
Le but : inscrire la griffe Pixmania dans la mémoire du grand public, et dans le marbre d'un secteur en pleine ébullition où il entend jouer un rôle de premier plan. Deux supports, Pixmaniac et Métromania, ont donc vu le jour, chacun répondant à un objectif distinct d'une stratégie globale. « Ce sont les deux volets d'une même approche, à la fois relationnelle et transactionnelle », introduit Ping-Ki Huang, directeur de la communication de Pixmania.
Objectif commun aux deux supports : faire connaître toute l'étendue de l'offre du site auprès d'un public le plus large possible, sachant que le premier vise plutôt à renouveler l'acte d'achat, soit à augmenter la durée de vie du client, tandis que le second doit surtout permettre à l'enseigne de toucher une population la plus large possible, et pourtant ciblée.
D'où la nécessité de différencier la stratégie de diffusion du duo. Ainsi, pour toucher le client au moment le plus propice, c'est-à-dire lorsqu'il vient de consommer, un exemplaire de Pixmaniac est glissé dans son colis. « Ce système nous permet d'amortir les coûts de diffusion et d'ajuster les volumes d'impression en fonction d'un calendrier prévisionnel portant sur le nombre de nouveaux clients acquis par Pixmania », révèle Ping-Ki Huang. La recette est différente pour Métromania (300 000 exemplaires), le magazine généraliste destiné à installer la notoriété de l'enseigne.
Comme le suggère l'intitulé de ce support, contraction des marques Métro et Pixmania, il est le fruit d'un partenariat de ces deux acteurs. Sa diffusion profite de la force de frappe du quotidien gratuit auquel il est associé - 600 000 exemplaires sur les principales villes de France -, et de la cartographie des bouches de métro. Pour toucher les étudiants, il suffit de programmer une diffusion sur les seules zones de sorties de métro à proximité des établissements scolaires ou des facultés dans les villes concernées. Une alliance “gagnant-gagnant” où, en échange d'une contribution au financement de la diffusion de Métro, Métromania profite de la notoriété du titre de presse.