Comment intégrer Internet dans sa stratégie de relation client multicanal ?
Cette année, la DMA (Direct Marketing Association) a orienté son séminaire NetMarketing 2002 vers le multicanal. Organisé conjointement par la DMA et l'AIM (Association for Interactive Marketing), NetMarketing est, depuis plusieurs années, l'un des grands rendez-vous professionnels du web marketing outre-Atlantique. Il a rassemblé environ 500 personnes pendant trois jours à New York, les 6, 7 et 8 mai derniers. Thomas Leconte, directeur du Pôle Data, et Yan Claeyssen, directeur du Pôle e-marketing d'ETO, en livrent ici une synthèse.
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Aux Etats-Unis, l'éclatement de la bulle internet, la récession et les
attentats du 11 septembre ont eu raison des utopies de la Net économie. Le
commerce électronique "Web Centric" est passé de mode... Aujourd'hui, les
professionnels du Net Marketing sont plus que jamais conscients que l'avenir du
marketing internet passe par l'intégration du Net au sein des autres canaux de
la relation client (magasin, catalogue, courrier, téléphone...). C'est la
raison pour laquelle le thème - "Interactive Marketing for Multichannel Growth
and Profits" - explicite clairement le fil conducteur des différentes
interventions de cette manifestation : comment Internet peut et doit être
intégré au sein d'une stratégie de relation client multicanal pour être
réellement efficace et générer des profits ? Mais qu'est-ce que le multicanal ?
On pourrait voir dans ce concept une nouvelle tarte à la crème imaginée par des
consultants e-business en mal de chiffre d'affaires... Pourtant, cette
expression recouvre des stratégies très concrètes qui ont commencé à faire
leurs preuves chez les annonceurs intervenants à ce séminaire : Lands' End,
Delia, AOL, MSN Shopping, J Crew, The Sharper Image, Best Buy, Compaq... Pour
Robert Friedman, président d'AOL Worldwide Interactive Marketing, le multicanal
est indissociable de la stratégie de la marque et vise en définitive à créer
chez le consommateur une expérience globale et plurielle, mais cohérente. Il
s'agit d'organiser au mieux la "customer experience", au travers de la kyrielle
de canaux maîtrisés par le leader mondial de la communication et du
divertissement. Sans aller aussi loin, le multicanal est une occasion unique de
mutualiser des coûts et d'amplifier un événement de notoriété et d'image.
Delia, qui possède un site web marchand, un réseau de magasins et un catalogue
de vente à distance, a optimisé au maximum son partenariat avec Shakira
(chanteuse du Top 10 US) pour séduire son coeur de cible d'adolescentes
urbaines de 12 à 18 ans. Plus concrètement, au fil des interventions quelques
concepts clés émergent à différents niveaux. En termes d'organisation, la
nécessité de mixer progressivement les équipes marketing traditionnel et net
marketing paraît incontournable. Chez Delia, des réunions entre les deux
équipes se font au moins une fois par semaine. Les agences sélectionnées
(certaines sortent du lot, comme Harte-Hanks) sont également multicanal et
fournissent à l'annonceur un conseil global et une synergie optimale avec les
différentes équipes internes.
Accepter les sources d'information hétérogènes
Au coeur du système, la base de données marketing doit
être à même d'accepter les différents types d'informations en provenance de
sources souvent hétérogènes. En effet, comment intégrer la somme considérable
d'informations générées suite à un e-mailing (ouverture du message, clics sur
un lien, pages visitées, achats...) à la BDD clients traditionnelle ? Faut-il
le faire ? Et si oui, dans quelle mesure ? Jusqu'à quel niveau ? Et pour quelle
exploitation ? Pour Paul Imbierowicz, manager chez Abacus, la principale
difficulté se trouve dans la mesure de l'efficacité des mécaniques multicanal.
L'analyse des retours dépend du niveau d'information que l'on récupère de
chaque source. Il est donc essentiel de chercher à optimiser la qualité des
données en provenance de chaque source et de les homogénéiser. Au niveau de la
mécanique marketing elle-même, il est indispensable de distinguer le canal
d'action du canal de réaction qui gère le retour du destinataire du message. Un
canal d'action peut et doit renvoyer vers plusieurs canaux de retour. L'intérêt
est de combiner les canaux entre eux en fonction du coût et de l'adaptation du
canal par rapport à la cible et à l'objectif de la mécanique. Le graphique ici
présenté est éloquent. Il donne pour un canal d'action le pourcentage de
clients qui utilisent un autre canal pour passer à l'acte d'achat. Il explicite
clairement les renvois intercanaux les plus efficaces et les plus rentables
(catalogue vers Internet/ Internet vers magasins...). Le client multicanal est
en outre plus intéressant pour l'annonceur. Tout d'abord, parce qu'il permet de
réaliser des économies (un e-mail de relance coûte 10 fois moins cher qu'un
mailing de relance ou encore une commande sur le Net coûte 4 à 8 fois moins
cher qu'une commande par téléphone). Mais aussi parce qu'il consomme plus. Chez
un vépéciste généraliste multicanal, un client monocanal génère en moyenne un
chiffre d'affaires de 591 $ par an, un client utilisant deux canaux génère 745
$ et un client utilisant trois canaux génère 995 $.
La place importante de l'e-mailing
Outil de marketing direct on line par
excellence, l'e-mailing a bien entendu tenu une place importante durant ce
séminaire (7 sessions sur 22 !). Rapide, peu coûteux, interactif et
terriblement efficace, l'e-mail marketing est, dans la panoplie des différents
supports de communication on line, le seul qui a prouvé sa rentabilité et donc
sa pérennité. Une société comme Gap envoie plusieurs dizaines de campagnes par
mois et possède une base d'e-mails de près de 6 millions d'adresses. Beaucoup
d'annonceurs ont testé avec succès l'utilisation de l'e-mail pour générer du
trafic sur des points de vente physiques. Selon Brian Kubiac, la newsletter de
Lands' End augmente la fréquentation de ses magasins de plus de 10 %. Mais,
surtout, de plus en plus d'annonceurs n'hésitent pas à utiliser l'e-mailing
conjointement à une campagne de marketing direct traditionnelle. Le taux de
retour est alors optimisé de près de 20 % ! Comme l'a souligné Cynthia L.
Brown, Vice President d'Experian, « l'e-mailing permet également de suivre le
comportement d'un destinataire prospect même si celui-ci ne passe pas de
commande. » La profondeur des informations retour d'un e-mailing permet à
l'annonceur de mieux connaître ses prospects pour mieux les transformer par la
suite. Enfin, l'e-mail rend possible un véritable marketing comportemental.
Pour Sue Westerman, Vice President of Marketing Analytics d'Harte-Hanks, « les
messages promotionnels sont davantage axés sur le comportement du prospect ou
du client que sur un calendrier préétabli d'offres commerciales. » Toutes ces
réflexions montrent l'intérêt des professionnels du Net marketing américains
pour les mécaniques multicanal. Loin d'une stratégie abstraite et trop
conceptuelle pour être appliquée à la réalité du terrain, fût-il virtuel, ces
premières expériences prouvent que le Net est un excellent relais de gestion de
la relation client. Cependant, pour Angela Kapp, d'Angela Kapp Consulting,
ex-Senior Vice President of the on line division of The Estee Lauder
Compagnies, avant d'acquérir telle ou telle solution informatique de CRM
multicanal, il est essentiel de se poser les bonnes questions : « Savoir ce que
l'on va faire, pourquoi on va le faire, comment, avec qui et avec quel outil de
mesure des retours ? ». Bref, de ne pas négliger l'objectif marketing au profit
de la technologie. Dépassant même la problématique du multicanal, la
présidente de Delia a rappelé l'essentiel : « Concentrez-vous sur vos clients
ou votre marque, pas sur un canal ! (Focus on customer or brand, not on a
channel !) »