L'hyper-personnalisation: pour qui et comment?
Grâce aux nouvelles technologies d'analyse de données, l'hyper-personnalisation est fortement utilisée par les marques pour se démarquer. Mais comment et pour qui se fait vraiment cette démarche ? Les réponses, dans cette tribune de Laurent Blassin, Head of Marketing Consulting chez Fabernovel.
Exigences consommateurs toujours plus fortes, besoin de se différencier sur sa marque ou son produit, capacités technologiques décuplées ces dernières années grâce au machine learning: l'hyper-personnalisation a le vent en poupe.
Et pour preuve : Netflix via sa page d'accueil personnalisée, Spotify via sa curation de musiques ou encore la jeune startup Prose proposant des produits de soin sur mesure ont réussi à créer un véritable avantage concurrentiel en proposant des expériences quasi-uniques pour chacun de leurs clients.
Derrière ces success-stories se cache une réalité complexe, notamment à l'heure où le monde de la donnée vit un tournant avec le RGPD et l'abolition du cookie tiers. Il faut donc savoir se poser les bonnes questions avant de s'engager dans la démarche : l'hyper-personnalisation pour qui et comment ?
Opportunités de l'hyper-personnalisation
Le concept est dans la bouche de tous les directeurs marketing, et pour cause, la promesse est belle ! Celle d'atteindre le Graal : adresser le bon message ou le bon produit à la bonne personne au bon moment.
L'émergence de technologies prédictives, grâce au machine learning, a fait éclore ce concept et considérablement amélioré les expériences clients. Nourrie par la donnée, l'hyper-personnalisation peut s'appliquer aujourd'hui aussi bien à la création de produits uniques, qu'à des recommandations d'offres personnalisées qu'encore à des campagnes publicitaires répondant parfaitement au besoin de chaque prospect.
L'hyper-personnalisation répond avant tout à un besoin consommateur: 91% d'entre eux sont plus susceptibles d'acheter auprès d'une entreprise qui les reconnaît et leur fournit des offres et recommandations pertinentes. Et 83 % sont mêmes prêts à jouer le jeu de partager leurs données pour permettre aux marques de personnaliser l'expérience.
Mais attention, l'hyper-personnalisation n'est pas adaptée à tous et pour tous les usages: alors, comment savoir si l'on doit se lancer ?
Se poser les bonnes questions
Ce n'est pas la première fois que l'on voit une telle promesse liée à la donnée. Il suffit de se souvenir du " mirage " des DMPs, entraînant des milliers voir des millions d'euros d'investissements pour au final créer des " coquilles vides " inutilisables et inutilisées par les grands groupes.
Au-delà d'un retour sur investissement nécessaire à mesurer dans le cadre d'une telle démarche à coûts potentiellement élevés, il faut aussi et surtout en évaluer la pertinence.
Évidemment, les premières questions à se poser et premières barrières sont autour de la collecte et la gestion de vos données : 65 % des entreprises considèrent " la gestion, la qualité et la disponibilité des données comme une difficulté majeure " dans une démarche de personnalisation.
S'ajoute à cela le sujet de la maturité interne : 91% des entreprises déclarent que l'organisation interne est l'obstacle principal à l'(hyper)-personnalisation. Il faut donc s'assurer du recrutement et formation des bons profils (data analyst, data scientists) mais aussi de la gouvernance établie entre expertises marketing et techniques.
Mais est-ce vraiment suffisant de prendre uniquement ces deux critères en compte ? La réponse est très probablement non. Car pour être efficace, l'hyper-personnalisation doit émaner d'un réel besoin lié à son service, produit ou modèle économique.
Voici cinq critères qui, à mon sens, peuvent justifier de se lancer dans une démarche d'hyper-personnalisation : Curation, Conseil, Valeur, Premium et Marché. Ces critères portent aussi bien sur votre raison d'être que le contexte de votre activité.
Si l'un ou plusieurs d'entre eux sont nécessaires et au coeur de la stratégie de votre entreprise ou votre secteur, alors l'hyper-personnalisation peut être pertinente.
La nécessité de Curation, qui semble être le critère le plus évident nécessitant une démarche d'hyper-personnalisation, est particulièrement adoptée par les pure-players digitaux. C'est cette capacité à proposer le bon produit, la bonne chanson, lorsque des milliers voire des millions d'offres sont à disposition. Amazon ou Spotify, mais aussi des retailers comme Asos en ont fait la recette de leur succès.
Le besoin d'aller plus loin sur le Conseil: aider ses clients, par la technologie, à s'orienter vers ce qui leur correspond le mieux. Les acteurs de la beauté sont d'ailleurs des pionniers pour créer de nouveaux usages avec des technologies de diagnostic de la peau basées sur l'IA et d'hyper-personnalisation des recommandations de produit, comme L'Oréal avec son outil Modiface par exemple.
La notion de "Valeur": elle renvoie à la proposition de valeur d'une marque ou d'un produit. Intègre-t-elle une notion de personnalisation ? Dans l'exemple de Nike ID, qui vise à proposer au consommateur de créer sa basket sur mesure, la démarche d'hyper-personnalisation apparaît comme clé. C'est le cas également pour Prose qui a bâti son modèle sur la création de produits parfaitement adaptés à nos besoins. Ces exemples mettent la démarche au coeur de leur modèle.
La volonté de travailler le Premium: cette notion de premium renvoie généralement au sentiment pour le consommateur de se sentir privilégié, voir unique. Et se sentir unique passe donc par des propositions uniques : cela est tout à fait pertinent dans le cadre de programmes de fidélité premium. Accor l'a bien compris en lançant en 2019 son nouveau programme, mettant en avant l'expérience mais surtout la personnalisation au coeur de la proposition de valeur.
La contrainte de la Concurrence: bien que réducteur, il est important de se poser la question si ses concurrents ont déjà adopté une démarche qui peut leur procurer un véritable avantage concurrentiel. Et agir en conséquence.
Le client comme point central
Ces angles d'analyses permettent donc d'appuyer le fait que l'hyper-personnalisation ne sera impactante et pertinente que dans des cas spécifiques, avec un risque d'avoir des effets nuls voir négatifs sans réel questionnement préalable.
Au-delà de ces interrogations, le sujet qui doit obséder tout marketeur est de satisfaire et répondre au besoin de son client. Car la limite reste fine entre hyper-personnalisation et intrusivité.
Alors, il faut se mettre à leur place : quels avantages vont-ils tirer de l'hyper-personnalisation ? Est-ce que cela est pertinent pour eux ?
Les lois autour de la donnée (RGPD) et mutations du marché de la publicité (abolition du cookie tiers) vont également dans ce sens : laisser le consommateur maître de ses choix, ne collecter que ce qui est nécessaire, faire l'emphase sur sa donnée propriétaire.
Trouver le bon contrat avec ses clients entre collecte de donnée et expérience utilisateur enrichie est le défi d'aujourd'hui car l'honnêteté et la transparence sont les clés d'une relation client réussie.
Laurent Blassin :
Arrivé chez Fabernovel en 2016 après avoir passé plus de 2 ans dans les équipes marketing de Google, Laurent pilote aujourd'hui l'activité de Marketing Consulting, accompagnant les clients de Fabernovel sur de nombreux sujets sales & marketing (stratégie média et communication, CRM & fidélisation, e-retail, ...).
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