Drive : rencontre du 7e format
La France, grâce au drive, renoue avec l'inventivité dont elle avait fait preuve en créant les formats grands Magasins ou hypers. Leur nombre (+ de 2 000) dépasse désormais le nombre d'hypers. Modèle gagnant, avec un taux de pénétration de 15%, leur potentiel de croissance est le plus dynamique.
Je m'abonneAvec l'expansion du modèle Drive, les consommateurs français vont-il aimer faire leurs courses ? Qui sont ces nouveaux shoppeurs avec "souris d'ordinateur" et "volant de voiture" ? Qu'achètent-ils ? A quelle fréquence ? InVivo BVA, la filiale grande conso de BVA, a décrypté, pour le cabinet de conseil stratégique Roland Berger, ce qu'il faut bien appeler le phénomène franco français du Drive (1). Un phénomène dont tout le monde parle et qui attise les appétits de la grande distribution et constitue un enjeu de croissance important pour les marques. Le chiffre d'affaire du modèle (+ 2 milliards d'€ en 2012) devrait tripler à l'horizon 2015 et 5 millions de français plébiscitent cette nouvelle façon d'acheter. En effet, le Drive arrive, avec une note 8,3/10 en troisième position (taux de satisfaction), après les "courses au marché" (8,3/10) et les "courses dans le petit commerce" (8,2/10).
On peut raisonnablement s'interroger sur l'effet nouveauté, voir buzz du format ... Ce qui est certain c'est que les deux leaders (Leclerc et Auchan) ont les moyens (connaissance client) et la force de frappe (notamment en maillage du territoire) nécessaires à faire prospérer, ce que Olivier de Panafieu, directeur associé du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger, qualifie de "miracle économique pour un canal de vente physique". Avec un panier moyen 2,5 fois supérieur à un charriot d'hyper, les "drivers-shoppeurs" ont un profil très "intéressant" pour tous les acteurs : 43% ont un profil CSP+ et 71% vivent dans un foyer composé de 3 personnes ou plus et 30% d'entre eux disent vouloir "l'utiliser plus souvent". Enfin, ces "grands consommateurs" ont la sensation (à 73%) de gagner du temps ... "C'est partiellement faux " explique Laurent Dusollier, partner chez Roland Berger "car en réalité le temps de courses est, peu ou prou le même qu'en hyper. 45 minutes pour le Drive et 42 pour un hyper classique.L'utilisateur de Drive ne retiendra que le retrait qui dure en moyenne 8 minutes. Il ne comptabilisera pas le temps passé sur son ordinateur à construire sa liste évaluée à 24 minutes et le temps du trajet d'environ 13 minutes ". En réalité, le retrait s'effectue en sortant du bureau car le Drive est sur le chemin (62%)... Donc c'est du temps optimisé pour le consommateur.
6ème révolution du commerce
"Le modèle Drive est très français " poursuit Olivier Blanchet, directeur d'In Vivo BVA. C'est le sixième format après le commerce de proximité, les grands magasins (Aristide Boucicaut l'inventeur du "tout sous le même toit" en 1852 avec le Bon Marché), les supers et hypers, les cash & carry, le hard discount (ces deux derniers sont venus d'Allemagne), le e-commerce et enfin le Drive.
L'essayer c'est l'adopter ?
Le taux de fidélité du Drive est (encore) très haut. En effet, 97% des clients restent fidèles après un seul essai. Car c'est "un gain de temps" (73%), "c'est pratique " (37%) et "ça permet de mieux maîtriser le budget " (18%). La majorité des adeptes (36%) remplit son coffre deux fois/mois et 22% une fois/semaine. "Nous avons noté que ces consommateurs fréquentent en moyenne 4 circuits différents de distribution, contre 3 pour les non utilisateurs. Le Drive est le cinquième circuit pour eux " décrypte Olivier Blanchet, directeur d'In Vivo BVA "Si 99% d'entre eux fréquentent encore un hyper et/ou un super, ils ont 72% à s'y rendre moins souvent" poursuit-il. Pas de réel cannibalisme (encore) donc...
Un emerchandising reste à inventer
Si l'accueil et la livraison sont appréciés, la mise en avant des produits, le choix ou encore la navigation entre les univers catégoriels sont à améliorer. Dans certains cas, les sites sont un "copié-collé" du catalogue de l'hyper. L'opportunisme du format ne pérennisera sans doute pas le modèle chez les enseignes qui n'investissent pas dans un emerchandising puissant. "L'omni client est plus avancé que son enseigne. Pour lui, peu importe les canaux pourvu qu'il ait le bon produit au bon moment " continue Olivier de Panafieu avant d'expliquer "l'expérience eshopping n'est pas encore au rendez-vous. C'est encore un grand chantier que devront mener de concert les marques et les enseignes ". Mais faut-il une offre spécifique pour le drive ? Quelques marques travaillent sur une offre Drive Only ... Sur le packaging notamment pour les pondéreux (vrai sur l'alcool avec de la bière Kronenbourg) que les experts nomment les "hyper méga pack". Des offres "gigognes" sont à l'étude également qui complèteraient l'offre en magasin en quelque sorte. Les "drive promotions" ne sont pas encore bien comprises par le consommateurs ... sont-elles d'ailleurs pertinentes sur ce canal ? Les acahts plaisir (ou du dernier mètre) n'existent pas sur ce format non plus ... Quelle doit-être la politique de fidélité de enseignes et des marques sur le nouveau circuit ? "Nous sommes à l'étape zéro du modèle " continue Laurent Dusollier du cabinet Roland Berger. Les pure players de l'e-commerce conseilleront-ils les géants de la grande distribution sur ce petit miracle économique qu'est le Drive ?
Car, une seule et même personne, aussi compétente soit-elle, ne peut pas penser en cinq formats différents en même temps (on exclut le commerce de proximité et le hard discount).
Marketing Magazine dans son enquête Marques du mois d'avril , reviendra sur le sujet Drive...
En savoir plus ?
Sur le Pure Player du modèle Chrono Drive (lire l'article que nous avions consacré à cet acteur dans Marketing Magazine)
Sur l'étude Référenseigne de Kantar (septembre 2012)
Sur l'étude Drive anti crise de Symphony IRI (avril 2012)
(1) Méthodologie : 950 utilisateurs du Drive dont 450 "addicts"- terrain semaine du 26 novembre 2012