Gilles Babinet (Captain Dash): "Démocratiser la culture de la data"
- Les recrutements de Chief Digital Officers ou Chief Data Officers permettront-ils d'acquérir cette culture de la data ?
Les Chief Digital Officers ou Chief Data Officer peuvent faire de la pédagogie dans l'entreprise, répondre aux questions autour de la collecte de la donnée... C'est dans cet esprit que ces postes doivent se développer. D'ailleurs, selon un récent travail d'analyse que je viens de réaliser en partenariat avec Les Echos, on s'aperçoit que la situation a bien progressé en un an. Pour autant, c'est au CEO d'avoir une vision de l'entreprise de demain et de faire en sorte de casser les silos. Si la data n'a pas d'impact sur l'organisation, elle perd une grande partie de son sens. Le problème de fond, c'est que la transformation digitale reste trop lente du fait des problèmes de culture, d'expérience, de génération...
- Quels types de datavisualisations peuvent aider les directeurs marketing ?
"Avec le Big Data, le marketing tel que nous le connaissons a vocation à disparaître pour une culture beaucoup plus globale et une expérience plus intégrée."
Cela peut être des choses très simples mais qui ne sont pas utilisées très souvent. Puisque l'omnicanal est une vraie révolution, il est intéressant de mettre en relation les différents investissements de l'Inbound Marketing avec le trafic et les ventes générées sur les différents canaux. On peut aussi créer des corrélations entre la météo et les ventes, voir les résultats d'une campagne de publicité nationale sur différentes cibles socio-démographiques... On connait tous la maxime de l'homme d'affaires américain John Wanamaker : " La moitié de l'argent que je dépense en publicité est gaspillée. Le problème, c'est que je ne sais pas laquelle ". Nous rencontrons de nombreux directeurs marketing qui gèrent des budgets de centaines de millions d'euros et se résignent encore à ne pas savoir. La data peut les aider à rendre leurs investissements marketing plus productifs.
- Quel rôle cela peut-elle avoir sur la relation client et le taux de transformation des ventes ?
On peut toujours mesurer le comportement du consommateur final pour essayer de diminuer le taux d'attrition et faire progresser les ventes, mais la question de la relation client s'inscrit plus largement au coeur de la culture digitale de l'entreprise et de la compréhension commune des objectifs. Certains secteurs de la grande consommation sont encore complètement dans la culture de la palette. Quand on commence à dessiner la relation avec le client final à partir de la donnée, cela change complètement la manière de travailler.
- Quels pans du marketing seront les plus impactés par la généralisation de la culture de la data ?
La puissance du Machine Learning dans les tâches basiques aura de grosses répercussions sur les métiers. Sur certains types de diagnostics, ces technologies d'intelligence artificielle, qui sont une prolongation du Big data, obtiennent déjà des taux de réussite bien supérieurs à ceux des humains. Avec le Big Data, le marketing tel que nous le connaissons a vocation à disparaître pour une culture beaucoup plus globale et une expérience plus intégrée. On voit déjà que ce niveau d'expérience fonctionne le mieux chez les acteurs les plus intégrés. L'un des facteurs d'efficacité de Google, c'est que nous ne voyons même plus que nous cliquons sur des liens sponsorisés, tellement ils sont intégrés. Les grands métiers de la communication et du marketing devront sans doute repenser totalement leur façon de fonctionner et leur raison d'exister car les annonceurs communiqueront davantage dans le rebond, avec des communications très verticalisées. Le Brand Content n'est peut-être d'ailleurs pas une étape ultime, mais plutôt intermédiaire dans ces évolutions.
- La data suscite souvent des peurs chez les utilisateurs. Faut-il craindre le développement de datablockers, sur le modèle des adblockers ?
C'est à la régulation de traiter les questions de comportements non éthiques. D'ailleurs, si on devait bloquer la data, que bloquerait-on ? Les mails, les FTP, les chats ? Cela n'a pas grand sens... Pour ne pas laisser de trace numérique, certaines personnes refusent de se faire géolocaliser et finissent souvent par avoir des informations moins pertinentes. Face à ce constat, on finit par se lasser et par accepter d'être géolocalisé.
- L'Union européenne a adopté en avril un nouveau règlement général sur la protection des données personnelles. Témoigne-t-il d'une réelle ambition de l'Europe dans le numérique ?
Ce texte, qui entrera en vigueur en mai 2018, est assez structurel sur le traitement des données à caractère personnel et des règles relatives à la libre circulation des données, même si sa portée a été largement atténuée avant l'adoption de sa version définitive par le Parlement européen. Il y a une vraie volonté de la Commission d'investir les sujets qui touchent au numérique mais ce n'est jamais suffisant et les réflexions sur ces nouvelles compétences ne sont pas harmonisées.
- Constatez-vous cette même volonté à l'échelon national ?
C'est un des drames de la France. J'en ai déjà parlé dans les rapports de l'Institut Montaigne auxquels j'ai participé, notamment Pour un " New Deal " numérique, paru en 2013, et Big data et objets connectés, faire de la France un champion de la révolution numérique, en 2015. Quand je vois la puissance de compréhension de la nouvelle génération, cela me conforte encore plus dans ma conviction qu'il faut réussir à dépasser le gap générationnel. Tout cela reste principalement un problème d'éducation.
- Sur quels sujets le Serial entrepreneur que vous êtes travaille-t-il en ce moment ?
Je travaille énormément sur le potentiel de l'Afrique, un continent en plein développement qui ne souffre pas des pesanteurs liées aux étapes intermédiaires des modèles anciens. Lors du symposium Africa4tech qui se déroulera du 2 au 5 novembre au Maroc, nous voulons montrer qu'il y a un modèle digital africain sur l'énergie, la santé, l'agriculture et l'éducation. L'innovation africaine peut insuffler une nouvelle vision du numérique. Il faudrait créer un grand partenariat avec l'Afrique pour miser sur le futur.
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