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[Interview] Navi Radjou: "Arrêtez de vendre plus, soyez frugal !"

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[Interview] Navi Radjou: 'Arrêtez de vendre plus, soyez frugal !'

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les directeurs commerciaux?

Les directeurs commerciaux peuvent émettre des craintes quant à l'innovation frugale. En effet, les responsables des ventes redoutent certainement que les produits simples ne cannibalisent les articles haut de gamme, plus rentables. Les forces de vente sont généralement incitées à vendre les produits les plus chers aux clients. Une possibilité est de créer deux équipes commerciales : l'une dédiée aux produits frugaux, l'autre au haut de gamme. C'est ce qu'ont fait Procter & Gamble et Renault (une force de vente dédiée à Renault, l'autre à Dacia). L'autre possibilité est d'utiliser les synergies entre les deux gammes de produits et d'encourager les forces de vente au cross selling. C'est ce que fait Siemens pour la vente de ses équipements médicaux. Les appareils d'entrée de gamme sont vendus à des "petits" clients sensibles aux prix, en espérant dans l'avenir une montée en gamme.
Ensuite, il faut surtout que les managers commerciaux s'ôtent de l'esprit qu'il leur faut à tout prix vendre plus. Cette attitude n'est pas tenable sur le long terme. D'ailleurs, beaucoup d'entreprises passent de la vente à la location, autrement dit, à la vente de services. Ce fut notamment le choix d'Interface, un fabricant mondial de moquettes, qui propose désormais à ses clients l'installation, l'entretien et le remplacement de dalles de moquette moyennant un forfait mensuel. De même, Philips déploie des offres de service d'éclairage pour ses clients professionnels suivant des contrats de dix ans. L'avantage pour le client : une plus grande souplesse.
Reste que les directions commerciales, tout comme les entreprises, ont encore beaucoup de mal à sortir de la hiérarchie pyramidale et à réduire la complexité de leurs organigrammes. Or, si un management descendant peut s'avérer utile en cas de crise exceptionnelle, il ne permet assurément pas la flexibilité et l'agilité nécessaires à l'innovation frugale.

Est-ce que l'innovation frugale est l'apanage des start-up?

Il est vrai que, dû au peu de moyens dont elles disposent, les start-up développent naturellement un côté frugal. Cependant, de grandes entreprises parviennent aussi à adopter cette stratégie. C'est notamment le cas d'Unilever, qui est bel et bien une entreprise pratiquant l'innovation frugale. En partant de l'expérience client, le géant des biens de consommation a créé quelques produits innovants et des succès commerciaux.

Dans ce cadre, Unilever a développé le savon Lifebuoy pour les marchés asiatique et indien. Compte tenu du fait que les gens se lavent les mains durant dix secondes alors qu'il en faudrait 20 de plus, et que le prix d'un savon ne peut excéder cinq roupies (soit sept centimes d'euros), Unilever a planché sur un savon tuant les microbes en dix fois moins de temps que ses produits lavant habituels, tout en respectant le budget indiqué. Résultat : la marque Lifebuoy est l'une des plus rentables du groupe, avec 10 % de croissance des ventes annuelles enregistrées en 2013. Dans la même logique, Unilever a développé des déodorants et des lessives plus concentrés, réduisant ainsi la taille des packagings, ce qui lui fait économiser des frais de production, de stockage, de livraison, etc.

À lire:


"L'innovation frugale", ou "Comment faire mieux avec moins", Navi Radjou et Jaideep Prabhu, éditions Diateino, mars 2015.





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Propos recueillis par Laure Tréhorel

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