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Idée reçue : la RSE, ce n'est pas rentable

Publié par Clément Fages le

De Yuka à l'entrée en vigueur de la loi PACTE, la RSE est un thème majeur des derniers mois. Alors que fausses promesses et greenwashing font les choux gras des émissions d'investigation, voici quelques exemples qui démontrent qu'il est possible de concilier business et actions qui ont du sens.

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Ça coûte trop cher

Faire de la RSE nécessite souvent des investissements, mais certaines actions ne coûtent rien, comme l'explique Brieuc Saffré, directeur général de l'agence Wiithaa : "La startup "Adopte un bureau" propose aux entreprises qui déménagent de récupérer gratuitement leur mobilier, qui est retapé et proposé à la vente ou à la location, à des prix moins chers que ceux du neuf !". Et même quand le prix des produits responsables est plus élevé, leur durée de vie l'est souvent aussi ! De plus, les bénéfices peuvent prendre des formes multiples : "Les entreprises de plus de 500 salariés doivent dresser un bilan carbone. En s'associant à Reforest Action ou au CRPF, elles peuvent financer la reforestation et diminuer d'autant leur bilan carbone", avance Hélène Tauzin, professeure à l'ESI Business School. Elle est rejointe sur ce point par Brieuc Saffré : "La start-up Phoenix permet aux GSA de faire des dons aux associations en contrepartie de crédits d'impôt. C'est plus rentable que de payer quelqu'un pour brûler ou rendre les invendus impropres à la consommation...".

La bonne pratique : Stéphanie Fellen, fondatrice de la marque textile Made & More, donne l'exemple de Pocheco, spécialiste de la production d'enveloppes, cité dans le documentaire Demain : "Sur 25 ans, ils ont dépensé 15 M€ pour poser des panneaux solaires et végétaliser leur toit, installer un système de récupération des eaux de pluie ou encore mettre en place un parc de voitures électriques pour leurs salariés. Au total, 20 M€ ont été économisés ! " Malheureusement, la crise du marché de l'enveloppe a forcé l'entreprise à se séparer de 70 emplois sur 127 l'été dernier.

Ça n'ouvre pas de débouchés

"Tim Cook se plaint que ses clients veuillent réparer eux-mêmes leurs iPhone, car cela a un impact sur son business", indique Brieuc Saffré. À l'inverse, Seb en fait une nouvelle activité. Un vrai changement de paradigme selon Stéphanie Fellen : "Avant, il fallait produire vite et en quantité pour rester compétitif. Dorénavant, être compétitif, c'est aussi conserver la qualité et le savoir-faire. On peut miser sur une meilleure exploitation des ressources existantes, comme les déchets. Avec Made & More, de nombreux produits sont basés sur des chutes de tissus !". Un principe qu'a compris La Poste qui, via sa filiale Recygo (montée avec Suez), récupère les déchets papiers des entreprises, avant de les traiter et de les revendre aux papeteries françaises plutôt qu'à l'étranger. "C'est mieux que de faire tourner ses camions à vide après leur tournée, et c'est une activité à plusieurs dizaines de millions d'euros, qui emploie des personnes en insertion", détaille Brieuc Saffré.

La bonne pratique : Hélène Tauzin évoque les entreprises à mission, qui, grâce à leur engagement, s'emparent parfois de nouveaux marchés et devraient se multiplier depuis l'entrée en vigueur de la loi PACTE. L'entreprise Nutriset, spécialiste des aliments dédiés aux enfants victimes de malnutrition, est numéro un dans son secteur et réalise un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros, pour seulement 200 employés !

Autre exemple : Depuis 2016, Lidl vend les fruits et légumes "abîmés ou défraîchis" pour 1 euro la cagette de 3 à 5kg. Auparavant, l'enseigne les donnait aux Restos du Coeur, mais l'association n'ayant pas les moyens d'assurer la collecte sur l'ensemble du territoire, de nombreux produits étaient jetés. Désormais, 50% des gains sont reversés à l'association. Résultat ? Lidl ne jette quasiment plus de fruits et légumes et n'a pas perdu de CA sur son rayon primeur. Au total, 3 millions de cagettes ont été vendues ces deux dernières années !

Ça n'est pas différenciant

Veja et Faguo en France, Allbirds et Patagonia aux US... une marque à mission attire les consommateurs qui désirent moins une marque pour l'imaginaire qu'elle leur offre, mais soutiennent celles qui ont un impact positif sur la société. Et cela vaut aussi pour la marque employeur. "Les patrons sont de plus en plus confrontés à la difficulté de garder les millennials et leur savoir-faire dans leur entreprise. Or en début d'année, 30 000 étudiants des grandes écoles ont signé un manifeste "Pour un réveil écologique", s'engageant à ne pas travailler pour des entreprises polluantes. Les gens sont de plus en plus sensibilisés et de mieux en mieux informés", explique Stéphanie Fellen, citant la prise de position de l'influenceuse Enjoy Phoenix, ou certains reportages qui incriminent les entreprises les moins responsables, malgré les apparences. Avec Hélène Tauzin, elle évoque également l'importance croissante accordée à la RSE par les investisseurs, tant institutionnels dans le cadre des financements européens, que privés.

La bonne pratique : Les exemples d'entreprises et marques axant leur modèle et leur communication sur la RSE se sont multipliés, de Bonduelle au Slip Français, en passant par Fleury Michon, Danone, L'Oréal et bien sûr la CAMIF, qui s'est relancée avec Emery Jacquillat sur un modèle responsable, et a notamment fermé son site e-commerce lors du dernier Black Friday.

Ça n'est pas indispensable

"Depuis des années, Michael Porter, l'inventeur des 5 forces de Porter, met en avant la notion de valeur partagée. Il ne faut pas penser seulement au niveau de l'entreprise, mais au niveau de l'écosystème. Ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre", avance Brieuc Saffré. Ce qui détériore l'environnement ou la société détériore aussi le futur de l'entreprise. "De la multinationale à la PME, toutes les entreprises doivent penser à la pérennité de leur activité, qui peut être impactée par le dérèglement climatique ou même la mise en place d'une nouvelle taxation, si elles ne commencent pas, dès aujourd'hui, à réfléchir à un modèle décarboné", ajoute Stéphanie Fellen, rejoignant ainsi Jean-Marc Jancovici, nommé l'an passé à la tête du Haut Conseil pour le climat : "Le changement, on peut l'accompagner ou le subir, mais, dans ce cas, le coût est souvent plus élevé".

La bonne pratique : Un exemple phare de ce type de prise de conscience est celui de Nespresso, selon Brieuc Saffré : "Derrière l'engagement de Nespresso se cache un double constat. Du fait de leurs mauvaises conditions de vie, les producteurs de café ne veulent souvent pas transmettre leur exploitation et leur savoir-faire à leurs enfants. De plus, le réchauffement climatique menace les zones les plus propices à la culture du café. Nespresso s'est alors engagé pour éviter que son business model ne soit remis en cause à l'avenir"

Pour aller plus loin :

L'engagement RSE des marques, une nécessité pour 65% de Français

La notion de RSE encore méconnue dans le retail


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