Danone, l'innovation et la crise
Les crises, avec les remises en question qu'elles entraînent et les énergies créatives qu'elles exigent, accouchent parfois de belles réussites. Mais dans ce contexte économique difficile, quelles innovations proposer? Décryptage à travers l'exemple de Danone.
En période de crise, l'erreur serait évidemment de faire le dos rond en attendant que ça se passe, lançant une référence par ci par là pour tenter de faire croire aux consommateurs que l'on reste une marque dynamique... Disons-le tout net, une marque qui n'innove plus est condamnée à court terme. En effet, comment justifier sa place en linéaire sans différence positive? Prenons l'exemple du linéaire ultra-frais et regardons au-delà des grands de la catégorie, des marques de distributeurs et des premiers prix, les produits dont la place en rayon ne se discute pas... «Mamie Nova» avec ses pots gourmands aux variétés de mélanges improbables, «Malo» le classique des connaisseurs nostalgiques avec ses pots tronconiques et paraffinés, «Sojasun» qui a su créer et dynamiser le segment Soja, «Les Deux Vaches» qui ose le bio rigolo... Attention, je ne veux pas ici encourager la rupture pour la rupture. Avec son yaourt rose qui nourrit la peau de l'intérieur - ce qui constitue une véritable rupture de code - Danone est allé à l'échec. Il y avait certes rupture mais elle ne correspondait pas au bénéfice attendu par la consommatrice à qui ce produit était destiné. «Essensis a été impacté par le contexte de crise et la baisse du pouvoir d'achat», a estimé Danone fin janvier, dans un communiqué AFP annonçant l arrêt en France du produit, deux ans après son lancement.
Et si, plus que la crise, il s agissait plutôt du pouvoir de «non- achat» du consommateur qui a joué pleinement son rôle ici? Car la baisse de revenu n'a jamais empêché le succès d'une bonne innovation. En revanche, elle précipite sans doute l'échec des produits non adaptés...
Trouver un véritable bénéfice produit
Un succès se caractérise toujours par un juste rapport entre le bénéfice et le prix: on est loin du simple rapport qualité-prix d'hier. Et ce bénéfice doit être ressenti comme tel par le consommateur. Si c'est le cas, le consommateur sera prêt à dépenser. Danone l'a prouvé lui- même avec le succès historique d'Actimel. La «petite dose santé du matin», malgré son prix relativement élevé, apporte des bénéfices clairement perçus comme tels par le consommateur. «En quelques secondes, je le prends, je le bois, je le jette et j'ai ma dose de produit laitier, qui plus est, qui est bonne pour ma santé.» Tous les parents qui luttent pour faire avaler quelque chose à leur enfant le matin comprennent la valeur du fameux bénéfice de cette «dose» de yaourt dont le succès ne se dément pas malgré d'innombrables copies.
Que penser alors du dernier-né de notre leader mondial, décidément très dynamique: Danone Eurosco pack? Une initiative «saluée par tous les experts de la marque» si l'on en croit Marketing Magazine (numéro 127, page 31). Je n'aurais pas la prétention d'appartenir à ce groupe de sages mais, pour ma part, je continue à m'interroger sur la pertinence de ce produit destiné sans doute à ceux qui, en temps de crise, veulent du Danone pas cher, c'est-à-dire aux consommateurs de marques de distributeurs (MDD) et de premiers prix. Le nom Danone est le seul bénéfice différenciateur affiché ici. Ce bénéfice sera-t-il suffisamment perçu pour que le consommateur change de produit? La marque ne risque-t-elle pas, justement, de descendre très bas dans le rayon? A l'heure où les MDD rivalisent d'innovations pour se différencier et apporter de la valeur au marché, une grande marque comme Danone fait, avec ce produit, le chemin inverse pour ne pas se couper de la clientèle grandissante de prix bas. Qui seront les innovateurs de demain? La crise peut décidément changer beaucoup de choses...
Xavier Terlet, président de XTC World Innovation
(www.xtcworldinnovation.com)
Xavier Terlet (XTC World Innovation):
«La baisse de revenu n'a jamais empêché le succès d'une bonne innovation. Mais elle précipite l'échec des produits non adaptés.»