Communication écrite : la douce révolution
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Pour Boris Eloy, directeur de l'Ujjef (voir encadré p. 60), « on ne produit
plus un support ; le support devient la résultante d'une stratégie ». Si cet
adage n'est pas encore forcément une réalité dans toutes les entreprises, il
témoigne cependant de l'évolution de la perception de la communication écrite
qui recouvre les supports internes (journaux d'entreprise ou réseaux),
corporate (rapports et plaquettes) et externes (consumer magazines). Le premier
constat est celui du foisonnement des supports, qui se diversifient et
s'adaptent à chacune de leur cible. Les techniques de ciblage et de
fidélisation sont passées par là. Et le produit éditorial de l'entreprise s'en
est, à l'instar de la presse magazine, inspiré. Le second constat concerne
l'évolution des supports de l'écrit sous l'impulsion du contexte multimédia.
Tout d'abord, « les stratégies de contenu sont de plus en plus conçues en amont
dans une logique multisupport, assure Laurence Vignon, Dg de l'agence Textuel,
du groupe TBWA. Un magazine papier sera ainsi décliné, ou enrichi ou segmenté
dans une logique on line. »
Le Web régénérateur
Si un
gros grain de folie web a soufflé à une époque sur la communication écrite, il
est vite retombé. « Tout le monde a cru qu'une entreprise qui n'était pas dans
l'e-communication était condamnée à mourir, ironise Hervé Francès, directeur et
fondateur de l'agence indépendante Oko. On a compris ensuite que le on line
était un média de contenu, pas un média d'émotion. Ceci dit, cette vague on
line a énormément régénéré l'écrit. Elle a montré que l'on pouvait écrire
autrement. » Le on ou off line s'articule ainsi de mieux en mieux : les médias
d'actualité étant, par exemple, conçus plutôt sur le Web, les médias d'analyse
sur le papier. C'est un rythme à deux temps de plus en plus systématique. Ces
évolutions commencent à toucher les organisations des entreprises.
« La production de l'information, interne, réseaux, externe, etc., coûte
nécessairement cher et manque de cohérence, note Jean-François Variot, P-dg du
groupe Image Force, qui compte l'agence Sequoia. Les entreprises veulent
rationaliser leurs processus papier et web. »
Selon les experts, on trouve parfois des responsables d'édition, chapeautant
toutes les productions écrites de l'entreprise. Cependant, c'est encore rare et
les intervenants de la communication écrite restent très variés. La
communication écrite n'entre donc pas dans une nouvelle ère mais continue sa
révolution douce. Celle qui fera, à terme, inverser les demandes des appels
d'offres. Les entreprises ne demanderont plus “Je veux un journal interne”,
mais “Je veux décliner tel message à mes salariés”.
Trois questions à Boris Eloy, président de l'Ujjef. « Le secteur s'est professionnalisé peu à peu »
Quelle place tient la communication écrite dans l'histoire de la communication ?
Ce que l'on peut dire, c'est que la communication écrite a été certainement l'une des premières communications de l'entreprise. Dans les années 50, on trouvait d'un côté la réclame, de l'autre des supports écrits. L'Ujjef a d'ailleurs été créée en 1947. Au départ on avait simplement les “house organs”, comme on les appelait, les journaux internes.
Y a-t-il eu un âge d'or de la communication écrite ?
Je ne dirais pas cela comme ça. On en est arrivé à un moment
à quelques excès, dans les années 90. Certaines entreprises ont disposé de leur imprimerie interne. D'autres, comme Citroën, avaient créé leur propre agence d'information en interne. A la Banque Populaire, on recensait alors 45 titres différents ! Comment s'est déroulée la professionnalisation du secteur ? Progressivement. En interne, grâce à l'évolution des dirigeants d'entreprise et à l'embauche de professionnels de la communication. Et en externe, grâce à la création et au développement des agences spécialisées. La presse d'entreprise a défini peu à peu ses propres règles. Le journal interne, qui traitait de la vie de l'usine, s'attache aujourd'hui à la présentation des nouveaux métiers et stratégies de l'entreprise. Le journal externe, aide à la vente ou catalogue produits, est devenu un support de prise de position de l'entreprise sur un marché. Et le rapport annuel est passé du statut de revue de comptes à celui de véritable support de communication.