Jérôme Toucheboeuf, AACC : « Le marketing client est une affaire de contenus et non d'outils »
Pour le président de la délégation customer marketing de l'Association des agences-conseils en communication (AACC) et directeur général de FullSIX, les marques doivent réfléchir au fond et au sens des outils et des canaux et non à leur forme. Une petite révolution dans l'univers du marketing.
Je m'abonneLe consommateur est-il de plus en plus méfiant à l’égard des marques, et pourquoi ?
Oui et non. Beaucoup de Français se disent méfiants à l’égard des marques, mais une proportion similaire déclare les adorer. Ce scepticisme ambiant vaut aussi en politique, en économie… Ce que l’on sait de façon quasi certaine, c’est que le consommateur consulte trois sources d’information avant d’acheter. Il cherche à se ré-assurer et à se forger sa propre opinion.
Ce n’est donc pas une affaire de canal …
Non, puisque le marketing client n’est plus une affaire de canal, mais une affaire de contenu et de sens. Les entreprises doivent prendre conscience de la nécessité de discuter avec les consommateurs. Il faut qu’elles disent “leur” vérité, et si elles ne souhaitent pas discuter, il faut qu’elles le disent également. Car, la priorité aujourd’hui, c’est la transparence. Pourquoi ? Tout simplement parce que la transparence suscite la confiance. Bien sûr, l’outil facilite la communication et la diffusion du contenu, mais il n’est pas capable de le créer. Ce n’est plus une problématique d’outils, mais d’utilisation de l’outil : à quoi sert-il ? comment l’utiliser ? quel sens veut-on lui donner ? comment faire pour ne plus être guidé par les outils sous la pression d’un timing accéléré ?
Le marketing client est donc à l’aube d’une grande mutation ?
Le marketing client va sensiblement évoluer dans les dix prochaines années. Nous sommes passés d’une communication descendante sur le mode déclaratif : “Mangez-en, c’est bon”, à une autre forme de message, qui garde le “Mangez-en, c’est bon”, mais qui fournit la preuve par l’expérience de ce qu’il annonce. De fait, le marketing va se centrer sur le sens du message, le sens de la relation avec le consommateur et le sens du contenu proposé. Seule cette nouvelle posture génèrera la préférence du consommateur, et cela, malgré le prix.
Quelles sont les conséquences pour les marketeurs ?
Elles sont énormes, car cela revient à transformer un métier tel qu’il est pratiqué depuis près d’un siècle. Il faut dialoguer, intégrer des community managers, faire évoluer les programmes de fidélité, repenser les parcours d’achat et le point de vente au regard du digital ; garder bien sûr une récompense en valeur marchande, mais fournir aussi aux clients fidèles davantage de valeur ajoutée et de dialogue grâce a une meilleure connaissance client.
Dans certaines activités, ce dialogue existe déjà.…
Oui, notamment dans les activités fortement concurrentielles. Mais les entreprises qui proposent une vraie expérience client ne le font pas savoir, ou du moins ne le valorisent pas suffisamment. Plus encore, cette démarche est une question de stratégies de marques. A-t-on envie de discuter avec les clients ? S’en donne-t-on les moyens ? Concentre-t-on les forces de l’entreprise dans ce sens ? Le client communique beaucoup d’informations aux annonceurs, il a une consommation mature ; en échange, il attend une offre et un service beaucoup plus personnalisés. Le rôle de notre délégation au sein de l’AACC est de faire comprendre ces nouveaux enjeux et de valoriser cette expertise au marché.
Justement, quelles sont aujourd’hui les missions de la délégation customer marketing ?
Nos missions se répartissent en deux grandes familles : la réflexion et la compréhension des enjeux. Le travail de réflexion consiste à prendre le temps de travailler sur les fondamentaux de notre métier et les nouveautés susceptibles de l’impacter à court et moyen terme. La seconde famille de missions vise à faire prendre conscience aux agences et aux marques que les enjeux ne sont pas uniquement dans les moyens. Nous avons rêvé du haut débit, des réseaux sociaux, de la vidéo en ligne, etc. : aujourd’hui, tout cela existe. Nous sommes passés à l’ère du post-digital. Reste à savoir comment on utilise ces outils le plus intelligemment possible… Tout le monde a l’œil rivé sur la dernière nouvelle technologie : c’est bien, mais cela ne doit pas occulter ce que l’on dit et ce que l’on propose aux consommateurs.