Live shopping : la nouvelle révolution "retail media"?
Face au succès du live streaming, les enseignes, dont l'activité a été confiné e, ont vite saisi l'intérêt de convertir en ventes l'engagement autour de ces formats, faisant du live shopping un moyen d'atténuer l'impact de la crise et d'innover pour l'avenir.
Je m'abonneLes marques n'ont pas attendu la crise sanitaire pour se saisir du live shopping comme un moyen d'augmenter les taux d'engagement et de conversion autour d'un contenu : « Ce n'est pas nouveau, si on se rappelle du premier live d'Etam sur Facebook, il y a déjà quelques années ! Ce qui l'est, c'est le développement du haut débit pour tous et l'accessibilité à des outils de captation de qualité, analyse Damien Landesmann , vice-président EMEA de Socialbakers. Cela facilite la création de ces contenus, plus authentiques, interactifs, donc plus engageants et à même de créer de la conversion. L'audience peut poser des questions et lever des doutes sur l'utilisation ou la disponibilité d'un produit, et il sera plus facile de scénariser un produit et de jouer sur un stock limité pour pousser à l'achat », ajoute-t-il, avant de partager l'une de ses récentes expériences : « Je suis tombé sur un live Amazon, dans lequel deux mères de famille américaines, assises en legging dans leur canapé, vantaient les mérites d'un appareil à pancakes pour les enfants. Elles étaient sans cesse interrompues par leurs enfants, jusqu'à ce qu'ils commencent à cuisiner. C'est la clé ! Un contenu authentique, grâce auquel les parents qui le regardent verront tout de suite l'intérêt d'acheter ce produit, d'autant qu'il coûte 25 dollars et que le stock est limité. »
Un développement rapide en 2020
Répandue en Asie grâce à Alibaba, et popularisée en 2016 par le « See Now, Buy Now », de Burberry, la pratique du live shopping semblait, en Occident, l'apanage des marques les plus innovantes et tendances, chères au coeur des nouvelles générations connectées. « L'aspect générationnel est très fort. On le voit avec le succès de Twitch dans le gaming, mais aussi de TikTok et de Snapchat... Les nouvelles générations sont toujours en live, et s'attendent à retrouver la même expérience avec les marques », ajoute Damien Landesmann. Certaines marques mettent ainsi le live shopping au centre de l'expérience offerte à leur clientèle, à l'image, outre-Atlantique, de Beautycounter qui, avant même le confinement, s'est mis à filmer tout ce qui se passait au sein de son flagship de Los Angeles : la marque de cosmétiques informe ainsi ses fans sur les nouveautés, et permet à ses vendeurs et vendeuses de partager conseils et astuces comme ils ou elles le feraient en magasin. La pandémie, en coupant ce flux de visiteurs physiques, aura poussé des marques aux profils bien plus variés à s'y essayer, pour garder le lien avec leurs clients et assurer un minimum de ventes. « Il y a eu un transfert des budgets vers les événements digitaux, comme les lives, pour répondre à des problématiques de lancement de produits, par exemple. Dans ces conditions, autant ajouter une couche e-commerce pour capitaliser sur les audiences du live et faire de la transformation », estime Sophie Noël, directrice générale de l'agence Heaven, qui a vu une forte hausse du nombre de briefs fondés sur le live shopping l'an passé.
Idem pour les plateformes : d'Amazon à YouTube en passant par Facebook, Instagram, Snapchat et Tiktok, toutes proposent des formats de lives « shoppables ». Il faut y ajouter les solutions permettant d'en créer directement sur son site. On peut citer l'enseigne Cultura qui, avec Caast.tv cet été, a fait animer par ses vendeuses et démonstratrices un live dédié à la peinture sur aquarelle, diffusé sur la fiche du produit. Destiné aux membres de son programme Cultur'addict, le live a permis de tripler le nombre de mises au panier de ce produit sur le site de l'enseigne. Plus récemment, Walmart s'est essayé au live-shopping sur TikTok mi-décembre 2020 via l'opération « Holiday Shop-Along Spectacular » : dix stars américaines de la plateforme, connues pour leur appétence pour la mode, ont animé une heure de show, le tout en portant des vêtements vendus par l'enseigne que les utilisateurs pouvaient acheter directement sans quitter le réseau social. On citera, enfin, l'association entre l'enseigne Leroy Merlin, la marque AEG et l'influenceur Renaud Bauer, spécialiste du bricolage et de la soudure sur YouTube. Les ventes d'AEG sur le site de Leroy Merlin ont bondi de 270 % dans les premières 48 h du live.
Les quatre ingrédients du live shopping
En matière de formats et d'usages, les possibilités sont innombrables : « On ne vend pas une voiture comme un rouge à lèvres, mais il y aura toujours un petit groupe de passionnés intéressé pour découvrir en exclusivité un nouveau modèle, pour échanger avec une personnalité du secteur et, in fine, pour commander. Les keynotes d'Apple étaient un modèle du genre, pourtant, c'était, à l'origine, un événement de niche. Toutes les marques doivent s'y intéresser, comme le prouve, par exemple, Leroy Merlin. La consultation des tutoriels explose en ligne, et quasiment tous les internautes ont déjà regardé un tutoriel », explique Damien Landesmann, rappelant l'importance du chat pour créer de l'interaction. De là à qualifier de live shopping les expérimentations mises en place par les enseignes qui permettent aux clients de prendre rendez-vous pour échanger avec leurs vendeurs en direct ? « Pouvoir parler directement avec un conseiller est un élément essentiel du live shopping, mais nous misons beaucoup sur la dimension "spectacle" que l'on y associe. Le fait d'échanger en one to one n'est pas visible par les autres, ce qui perd de son intérêt », répond Sophie Noël. Elle liste les quatre éléments indispensables, selon elle, pour réussir un live shopping : « Un concept narratif, qui colle à la cible et respecte l'image de la marque ; un produit ou une gamme qui se prêtent à ce type de format ; une ou des personnes animant le live. Soit des vendeurs/euses, influenceurs/euses, cette dernière solution permettant de toucher une communauté et de nouvelles audiences ; une plateforme pour diffuser le live, en interne (site de l'annonceur) ou en externe (réseau social), dans le but d'offrir la meilleure expérience possible. »
Faire du live un levier pour attirer une audience qualifiée à qui vendre ses produits, tout en proposant un contenu de qualité respectant l'image de la marque, parfois dans des délais très rapides. Des demandes souvent difficiles à concilier pour les marques au moment de monter un événement ad hoc. D'où le développement de sites comme Jumble, qui veut développer une plateforme réunissant différents live de marques, tout en proposant à ces dernières une solution clé en main pour les produire et les promouvoir. « Les marques maîtrisent leur image, ce qui n'est pas toujours le cas avec les influenceurs et sur les plateformes où il faut de plus payer pour obtenir du trafic », avance Nathalie Gueyne, à l'origine de ce « Twitch » du live shopping avec Laurent Fabre. Ils espèrent profiter du contexte pour séduire, alors que « le taux de transformation sur un live est de 15 à 35 %, contre 1 à 1,5 % sur un site e-commerce selon les benchmarks d'iResearch, Gartner ou Deloitte. Nous observons aussi que c'est un bon moyen de faire de l'upsell (+35 %) et de faire des promotions sans écorner l'image de marque. Le nombre de retours sur les produits vendus en live est divisé par deux par rapport à la normale, et le chat et l'analyse des verbatim nous permettent d'apporter de nombreux insights aux enseignes sur la manière d'améliorer leurs offres et leurs contenus. »