Tribune libre : "Positionnement large ou ciblé, le dilemme du chef de produit"
Le positionnement des offres nouvelles est un choix parfois délicat pour les chefs de produit. Adresser un public large ou viser des cibles spécifiques ? Le choix est parfois cornélien. L'insight consommateur joue un rôle dans la décision de positionnement. Le point de vue de Marc Papanicola.
Je m'abonneVoir large pour capter un maximum du marché, au risque d'adopter un discours trop général et peu différenciateur. Voir ciblé pour gagner en différenciation et en pertinence, au risque de passer à côté d'autres segments de marché. Ce dilemme se matérialise notamment par deux questions centrales étroitement liées : quels bénéfices mettre en avant et auprès de quel(s) public(s) ?
L'articulation entre les insights consommateurs et le positionnement de l'offre
Les insights mettent en relief des points de tension qui révèlent des opportunités marché. Chaque bénéfice produit est une réponse à au moins un insight comportant une tension. La sélection des insights à traiter est donc absolument stratégique car elle déterminera les tensions consommateur que l'on va adresser. La pertinence de ces choix va grandement conditionner l'attractivité de l'offre. Mais on peut commettre deux types d'erreurs : voir trop ciblé ou voir trop large.
Voir trop ciblé : il arrive qu'un chef de produit ait une vision préconçue du ciblage de niche auquel son offre doit s'adresser. Il positionne alors son offre dans l'esprit de cette seule niche. Or, la proposition de valeur pourrait correspondre à un public parfois plus large ou à une autre cible, faisant perdre à la marque la possibilité de capter certaines parts de marché. Le positionnement exclue alors des cibles qui auraient pu être éligibles. Cette posture marque souvent le poids des idées préconçues dont peut être prisonnier un chef de produit. Ce n'est cependant pas le cas le plus fréquent.
Voir trop large : une offre peut présenter un grand nombre de bénéfices et la tentation est alors forte de valoriser l'ensemble de ces bénéfices afin que tout consommateur puisse se reconnaître dans au moins l'un d'entre eux. Mais à multiplier les bénéfices communiqués - dans l'espoir de couvrir tout le marché - on demande trop d'efforts de décryptage et de compréhension à chaque consommateur. Ce dernier aura alors du mal à saisir les partis pris et la proposition de valeur apparaîtra difficilement lisible en regard des attentes personnelles du consommateur. L'offre perdra en clarté et donc en attractivité. Un tel scope trop large est souvent le révélateur de ce que le chef de produit n'a pas tous les éléments pour trancher avec certitude et se forger une conviction. C'est un cas assez fréquent.
Les insights comme clé d'arbitrage
Alors qu'une offre peut répondre à de nombreux insights, savoir sélectionner les insights les plus puissants c'est adresser les tensions marché les plus fortes, et donc choisir les bénéfices les plus pertinents que l'on va mobiliser en réponse. Sélectionner des insights c'est aussi identifier les populations qui y sont les plus sensibles. Ce travail d'évaluation des insights conduit donc à un parti pris clair sur les bénéfices à mettre en scène et un profilage précis des populations auxquelles on devra s'adresser. Evaluer et profiler des insights donne donc les clés de positionnement d'une offre et sécurise les choix stratégiques.
Parcours
Marc Papanicola a créé insightquest après avoir dirigé différentes sociétés d'études marketing (dont Research International France, Synovate France). Son activité est spécialisée dans le conseil en positionnement d'offres ; la formation des équipes études, marketing, R&D et communication sur l'utilisation des insights ; ainsi que la réalisation d'études sur les problématiques du management des insights.