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Préparer l'après, et réfléchir à la place de sa marque dans la société
C'est un message qui revient constamment dans les différents témoignages des professionnels que nous avons sondés : il faut dès à présent sonder l'après. Cela tombe bien, car beaucoup n'ont que ça à faire actuellement ! "Pour la première fois depuis longtemps, les marques ont un peu de temps devant elles pour penser, façonner, dessiner la place qu'elles occuperont au sein de la société, au-delà de leur simple fonction commerciale. Prenons ce temps off comme une opportunité." Pour cela, il appelle à "prendre le temps d'agir, rester humble et cohérent avec sa ligne de conduite", afin de préparer l'après", alors que les marques s'inscrivent désormais dans un contexte d'appel à la déconsommation, sous fond de crises écologiques et sociales qui, après les gilets jaunes, sont mises en relief par cette période de confinement, explique ainsi Wilfried Klucsar, co-fondateur de l'agence Dix Sept Paris.
Il est rejoint sur ce point par Gautier de Richoufftz, président de l'Agence Hands : "au-delà du court-terme, nous devons tous prendre la mesure du changement sociétal qui s'opère et de la place de l'homme dans son environnement, de la place de l'homme dans le monde. C'est plus que jamais notre rôle d'agence d'accompagner les marques et les entreprises dans cette mutation." Il conseille aux marques de "trouver le juste équilibre entre témoigner l'empathie qui sied à un moment de bouleversement émotionnel pour les audiences, et les distraire en continuant à produire du rêve ou du jeu. De façon plus générale, les marques doivent maintenir coûte que coûte leur activité et leur production et quand elles en ont les moyens acheminer leurs produits." Reste que cette crise va marquer durablement la façon de faire du business. Au-delà de la plus que probable récession économique, qui va impacter la production et la consommation de biens et services, les marketeurs vont se confronter à de nombreuses et nouvelles problématiques : comment communiquer dans cette année olympique qui n'en est plus une ? La consommation va-t-elle vraiment être dopée lors de la fin du confinement par un effet de rattrapage ? Ou va-t-elle être marquée par la décroissance, les gens adoptant de nouveaux comportements plus responsables, ayant fait des stocks ou vus leurs revenus diminuer... Enfin, va-t-on observer comme en Chine l'adoption de nouveaux comportements omnicanaux, avec une consommation accrue de produits frais via Internet ? La fin du confinement sera-t-elle également plombée par les faillites à répétition de petits commerces, bars et restaurants, comme le soulignait Kantar lors de la présentation des résultats de son étude ?
En attendant de trouver les réponses à ces questions, on retiendra la tribune de Pierre Calmard, dg du pôle média de Dentsu France, qui en appelle à une renaissance : "pour les agences, dont les résultats économiques sont mis à mal depuis plusieurs années, la crise actuelle peut constituer une opportunité, voire une chance. Nous démontrons déjà collectivement une capacité de réaction rassurante. Nous avons adapté en un temps record nos organisations à un télétravail généralisé [...] Nous conseillons nos clients sur les stratégies à adopter dans ce contexte inattendu, reportant des campagnes, adaptant les leviers et les messages, reformatant les approches. Nous gérons, mais nous gardons le regard braqué sur l'avenir. Car ce qui compte, c'est l'après. Quelle que soit l'ampleur de la crise, nous en sortirons un jour. Les marques ont leur rôle à jouer - et elles ont déjà pour la plupart déjà agi pour le bien commun, avec célérité et pertinence [...] À l'heure de la reprise, seront gagnantes les marques qui n'auront pas oublié de communiquer, tout en ayant réussi à adapter leurs messages. Le silence n'est pas toujours d'or, il peut être coupable. Être présent dans les moments difficiles, dans le quotidien des Français, fut-il meurtri, marque une occasion de démontrer ce que les consommateurs recherchent désormais avant tout: le respect. Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour." Lui aussi en appelle à soigner les médias. "Le jour d'après, la pire situation serait de se retrouver collectivement prisonniers d'un petit nombre de plateformes ou de médias globalisés, dans un oligopole de pensée qui risque de déteindre très vite sur un cartel de solutions dictant formats, tarifs et conditions d'accès aux consommateurs."
Pour aller plus loin :
"Rester humble et cohérent avec sa ligne de conduite": Wilfried Klucsar (Dix Sept Paris)
"Tirer profit du temps qui nous est donné pour préparer demain": Gautier de Richoufftz (Hands)
Pierre Calmard: "La renaissance doit tous nous guider collectivement"