Les clés pour adapter ses campagnes en un clic... et quelques secondes
Action, réaction ! Construire sa stratégie de marketing en temps réel ne signifie pas réagir à chaque action du consommateur... mais détecter les bons insights et le bon contexte.
Si le temps réel "absolu" est une utopie - il existe évidemment toujours un temps de latence de quelques secondes minimum entre une action et sa réaction -, adapter sa campagne en temps réel, en fonction des actions des consommateurs, n'a rien d'impossible. "Personnaliser une publicité ou un site Web sont des actions déjà réalisables en temps réel, relève Paul Colas, directeur en stratégie Data chez Artefact, qui nuance: L'enjeu aujourd'hui réside plutôt dans la capacité à gagner en pertinence dans cette personnalisation. C'est ce que rendent possible des modèles de prédiction qui, eux, sont capables de répondre à la fois intelligemment et en temps réel". Ainsi, pour l'expert, l'enjeu n'est plus seulement d'envoyer un message à la bonne personne, mais de détecter "le bon moment" pour entrer en communication avec elle. "Grâce aux données contextuelles, les marques vont pouvoir détecter les micro-moments d'attention des consommateurs", poursuit-il.
Etam l'a bien compris. Pour améliorer la performance de ses e-mails marketing, l'enseigne a fait appel à Actito, plateforme de marketing automation, et à Notify, agence digitale dédiée au marketing d'intention, qui a installé sa technologie propriétaire sur un carrefour d'audience de 350 sites partenaires (Webedia, Nielsen, M6 ou, encore, Prisma Media), soit 20 millions de profils uniques et 1,5 milliard de points de contacts hebdomadaires. Objectif: capter le moment de disponibilité à l'achat des internautes. "Sur les plus de 616 000 clients Etam reconnus dans ce carrefour d'audience, nous avons travaillé sur deux segments, explique Frédérique Dubreuil, IT Project Manager d'Etam. Un premier, témoin, avec un envoi à heure fixe et un second avec un envoi en temps réel quand le client se connecte sur les sites partenaires de Notify - transmettant les informations à Actito." Trois mois après le test, la marque affiche des taux d'ouverture de 17 % pour la population témoin et de 30 % sur le second segment, et un chiffre d'affaires supplémentaire sur la population "Notify" par rapport au "témoin" de + 2,2 millions d'euros.
Détecter le "moment client"
À l'instar de la problématique d'Etam, il n'est pas si simple, pour les marques de détecter le "moment client", soit la phase d'achat. Marketshot travaille à mettre en place des campagnes programmatiques pour cibler les personnes en acte d'achat, à partir des données intentionnistes et des données de vie récoltées sur son site de comparateurs en ligne (automobile, télécom, finance, immobilier et énergie), Choisir.com... croisées aux données des marques. "Nous pouvons construire des segments sur mesure pour les annonceurs et cibler des personnes qui s'intéressent à un modèle concurrent, par exemple", explique Eric Cholet, président et cofondateur de Marketshot. Ces données "fraîches" identifient les clients sur le point d'acheter, parce qu'ils sont en phase de recherche active sur les comparateurs (consultation des fiches produits et de conseils) ou que leur comportement indique un moment de vie déclencheur de futurs achats (à l'instar d'un déménagement). Collectés en temps réel, ces insights sont envoyés vers une DSP qui les active en moins de 3 heures, de manière individuelle. Depuis 2016, Marketshot intègre également les données de comparateurs concurrents. Mais, attention, ces données sont rares et périssables.
Générer du contenu différent à chaque ouverture
Capter le bon moment, tel est donc bien l'enjeu du marketing en temps réel. La solution Marketing Suites de Cheetah Digital offre ainsi la possibilité de "générer des contenus spécifique à l'ouverture des campagnes en fonction de la géolocalisation, détaille Samantha Michaux, Head of proposition EMEA. Ainsi, le message change à chaque ouverture en fonction des coordonnées du terminal du client, avec un délai de moins de 50 millisecondes", poursuit-elle, détaillant les données les plus utilisées en temps réel: géolocalisation, météo, terminal, jour et heure ou, encore, flux sociaux. Ces données de contexte doivent, ensuite, être croisées à des données d'achat et de comportements d'achat en ligne. Mais, l'un des enjeux de la collecte en temps réel se trouve dans le prédictif, notamment la détection de clients sur le départ. "L'information collectée en temps réel doit être mixée à des informations structurées sur les clients, et l'ensemble préprocessé, complète Philippe Jaoui, Director Global Product Manager de Cheetah Digital, afin de détecter les clients sur le départ et réagir rapidement. Cela permet d'obtenir 10 % de gain supplémentaire dans la détection du churn."
Provoquer des visites incrémentales en magasin
Au pays du marketing en temps réel, nul doute que le digital est roi. "La qualité du message pour gagner en notoriété et en part de marché demeure la clé du marketing. Mais, le digital a apporté une dimension real time primordiale aux stratégies, contextualise Nicolas Rieul, Chief Strategy & Marketing Officer de S4M, spécialisé dans le programmatique mobile. Le retour sur investissement d'un clic ou d'une impression se calcule dans la journée." Or, rappelle Nicolas Rieul, 90 % des transactions se font en offline, "dans le monde réel qui est le laissé-pour-compte du marketing en temps réel". "Le facteur de changement sur le marché est l'effacement des frontières online et offline grâce au mobile." Au coeur de la réconciliation des deux univers se trouve plus précisément la donnée de géolocalisation, indispensable pour cibler les consommateurs avec des bannières publicitaires, des vidéos ou des spots audio en fonction du lieu visité dans la vie réelle. "L'idée est d'adresser cette publicité personnalisée à ses propres clients pour les fidéliser, explique le Chief Strategy & Marketing Officer de S4M, et aux clients de ses concurrents pour susciter leur intérêt et influer sur leurs choix."Avec sa technologie full-stack Fusio (DSP, adserver, adbuilder et DMP), dont la nouvelle version a été présentée lors du Mobile World Congress à Barcelone, en février, S4M offre l'opportunité aux annonceurs de gérer leurs campagnes de drive-to-store, avec réactivité - l'activation est possible en 1 journée. La solution permet d'analyser en temps réel les visites en points de vente (grâce au device ID), de mesurer les visites incrémentales et d'optimiser, via une brique d'intelligence artificielle, les campagnes de publicité en Dynamic Creative Optimization (DCO) sur la base de ces visites additionnelles en magasin.
Créer du trafic dans les points de vente physiques, tel était ainsi l'objectif l'enseigne de prêt-à-porter Kiabi, à l'occasion des fêtes de fin d'année 2017. Dans cette optique drive-to-store, la marque a lancé, avec Mobext et Havas Media, la première campagne Dynamic Creative Optimization (DCO) en audio."C'est dans le contexte de création du nouveau territoire de communication de Kiabi, en août 2017, qui met en avant une offre universelle pour femmes, hommes et enfants, que la campagne a été imaginée", contextualise Jihane Osman, directrice conseil d'Havas Médias Group. L'idée: les créations publicitaires digitales sont automatiquement optimisées au fur et à mesure de leur diffusion. Trois variables évoluent: le produit, la géolocalisation et la date. Ainsi, trois catégories de produits distincts ont été sélectionnées: un sweat à message pour femme, un pull à imprimés pour homme et un t-shirt réversible pour enfant. En fonction de la localisation du mobinaute, un message l'invite à se rendre dans l'un des magasins de sa zone géographique (19 zones différentes pour 350 points de vente ont été déterminées). Enfin, un compte à rebours, à partir du 13 décembre, annonce le nombre de jours restants jusqu'à Noël. "Il était important de créer du trafic en magasin et non sur Internet, en raison des contraintes de livraison incompatibles avec les idées de cadeaux de dernière minute", précise Ornella Gallo, chef de publicité, media de Kiabi. 570 messages différents ont été adressés sur Spotify, Soundcloud et les webradios d'NRJ Group et d'AdWave. Résultat: un trafic incrémental de 43 points sur la population exposée aux messages par rapport à la non-exposée, et une moyenne de 25 minutes passées en magasin.
Optimiser ses campagnes digitales
Afin d'optimiser le temps de gestion et de lancement des campagnes digitales, ainsi que les coûts de production, Club Med a aussi fait le choix d'un dispositif DCO, accompagné par l'agence Biborg depuis 2017. La feuille de route ? "Construire en DCO trois campagnes qui, jusqu'à présent, étaient construites en dur", contextualise Chloé Walter, Account Manager au sein de Biborg, en fournissant à la marque des créations "templatisées" et un document de configuration des bannières. Textes, visuels (créés par Club Med) et les dates sont regroupés dans une base de données. Résultat: le groupe n'a plus besoin de faire appel à des prestataires extérieurs. "Une campagne DCO permet à chaque pays dans lequel est déployé Club Med de gérer en toute autonomie ses formats publicitaires, sans passer par une agence créa dès qu'il s'agit de lancer une nouvelle campagne de bannières", expliquent Nathanaëlle Tran, Online Media Manager Europe Afrique et Marie-Lorraine Herrmann, chargée de media online senior - partenariat au sein de la direction marketing de Club Med. La première campagne lancée est celle d'acquisition, en novembre 2017, en France, Belgique et Suisse - étendue depuis en Europe (Allemagne, Italie) et en Afrique du Sud.
Lire aussi : Optimisez vos stratégies en live
"La mise à jour automatique se fait sur les offres de réduction, les taglines, ou encore le nom des offres", précise Chloé Walter. La deuxième campagne, de display retargeting, sera live en juin 2018 au Royaume-Uni, et verra s'optimiser en temps réel les bannières en fonction des consultations sur le Web, tout en respectant la charte graphique de la marque. Enfin, l'année 2018 se terminera par une campagne de branding. "Il faut s'assurer que les stratégies média et créative soient cohérentes et uniformisées, conseillent les professionnelles du Club Med. Objectifs, formats... doivent être connus en amont, car la créativité est limitée en DCO. L'enjeu est de construire un socle commun qui peut servir plusieurs stratégies." À noter que la campagne DCO s'optimise en moins de 2 heures, le temps que l'outil rafraîchisse les flux. Deux heures sont nécessaires pour former chaque nouveau pays à l'outil. "La campagne de DCO est rapide, si le cadrage est clair en amont (cahier des charges, tests), ce qui nécessite 1 à 2 mois", précise Chloé Walter.
Personnaliser son site Web en temps réel... ou ses affichages
Sur le site Web de la marque, aussi, le temps réel opère, afin de personnaliser le parcours d'achat des clients. Nosto, solution qui adapte les sites e-commerce en fonction du comportement des visiteurs, agit en ce sens. "En fonction des interactions du client avec les pages du site, dont les fiches produit, de la géolocalisation, des tendances de la boutique en ligne (le stock, par exemple) et du comportement de navigation de l'ensemble des visiteurs, explique François Bouquet, Head of Business Development France de Nosto, nos algorithmes proposent des recommandations de produits sur l'ensemble des points de contact entre le visiteur et la marque." La marque Texto, confrontée à la difficulté d'offrir une expérience personnalisée aux prospects de son site Web, en fonction d'un comportement unique sur son site, a ainsi fait appel à la plateforme Nosto. Des blocs de recommandations ont été ajoutés sur le site et au sein des emails. Résultats: 17 % d'augmentation du panier moyen, un retour sur investissement des Facebook Ads de 18 € pour 1 € dépensé et 29% de taux de clic sur les emails de relance panier (avec un taux de conversion de 12%).
Mais, le temps réel s'opère également en affichage sur les écrans numériques. "Grâce à notre plateforme Smart Content, les annonceurs peuvent modifier leur communication en temps réel en fonction des data que nous mettons à disposition", fait part Isabelle Schlumberger, directeur général commerce marketing et développement de JCDecaux France, convaincue que le contexte est roi. Ainsi, en fonction des données de météo, d'actualité, de flux RSS, de géolocalisation ou, encore, les indices UV, les marques peuvent faire évoluer leur visuel, leur film ou encore la langue dans laquelle est diffusée la campagne.
Garder la granularité des informations
Mais, pour réussir un véritable temps réel, encore faut-il des outils de collecte de données, d'orchestration et d'activation intégrés, prêche Grégoire Frémiot, VP Sales et Marketing de Mediarithmics, solution de DMP, DSP et DCO. "Tout le monde peut faire de la collecte et de l'activation en temps réel, ce qui est clé est de ne pas perdre la finesse de l'information collectée, entre le passage de la DMP à la DSP", poursuit-il. Avec quel effet ? "Grâce à la data collectée sur les sites e-commerce, 3W, opérateur de solutions data, media et études, est capable de proposer en temps réel sur la page de confirmation de commande, une publicité ciblée en lien direct avec l'achat qui vient d'être réalisé et le profil de l'acheteur, explique Grégoire Frémiot. À titre d'exemple, un internaute pourra se voir proposer un logiciel anti-virus, un clic et quelques secondes après sa commande de PC."
Sur le même thème
Voir tous les articles Cross canal