Les Rencontres de l'Udecam, reflets d'une communauté engagée
Jeudi 6 septembre, s'ouvriront, salle Pleyel, les Rencontres de l'Udecam sur le thème des Nouvelles Communautés. L'occasion de faire le point avec ses membres sur les enjeux à venir de celles des agences media.
Je m'abonne"Une marque, un média ou une entreprise qui n'engage pas une communauté a-t-il encore un futur à l'ère du digital ?" La question, cruciale, posée par Raphaël de Andreis, président du Havas Village France, en préambule des Rencontres de l'Udecam, résume l'état d'esprit des agences média. Malmenées par la concurrence agressive de nouveaux acteurs, ces dernières n'ont, en effet, d'autres choix que de réinventer leurs pratiques pour demeurer incontournables. Et proposer à leurs clients de nouvelles orientations pour l'optimisation de leurs campagnes. "Face à un monde globalisé qui dilue de plus en plus ses repères culturels traditionnels, le consommateur a besoin de se sentir appartenir à une communauté, géographique, sportive, événementielle ou de passion", poursuit le président de l'Udecam. Un phénomène encore renforcé par le boom des réseaux sociaux, qui, entre eux, jouent le rôle de caisse de résonance. "Instagram constitue un relais d'audience mondiale pour le groupe Facebook", explique ainsi Mathieu Morgensztern, CEO de GroupM.
Une nouvelle donne de laquelle tous peuvent tirer leur épingle du jeu. "La culture de la marque doit désormais rencontrer celle de ces communautés, poursuit l'ancien directeur général Europe d'Accenture. Et c'est là que nous retrouvons toute notre expertise, car cela implique un changement profond d'écriture créative. Il ne s'agit plus d'être des copywriters, mais des storytellers, et il ne nous faut plus imaginer des campagnes, mais plutôt de véritables programmes pensés pour durer. Et surtout, le point de départ n'est plus un brief, mais un échange avec ces spécialistes de ces micro-communautés, et non plus des experts des consommateurs." Ceux qui s'y lancent, d'ailleurs, ne le regrettent pas. Tel est le cas de l'agence belge Social.Lab, rachetée, en 2013, par Ogilvy (qui appartient, au même titre que GroupM, à WPP). Son habile intégration des contenus et de l'amplification via les plateformes sociales a, en effet, boosté son activité, si bien que la société, forte de 300 collaborateurs, est désormais présente à New York, Los Angeles, Chicago, Paris, Londres, Amsterdam, Madrid, Singapour et Dubaï.
Miser sur le "mass individuel"
L'autre difficulté, c'est de s'adresser à un ensemble mouvant. Finie la statique ménagère de moins de 50 ans. Et bienvenue à la trentenaire, qui aime autant le yoga que la bière, et qui peut bien vouloir, le soir, assister à un match de boxe pour chercher, le lendemain, un massage ayurvédique... et tout l'inverse la semaine suivante! "Les anciennes cibles marketing ne sont plus pertinentes, et sont remplacées par des communautés non seulement éclatées mais au comportement souvent surprenant, insiste Pierre Calmard, CEO d'iProspect. Ainsi, un rouge à lèvres, initialement conçu pour des femmes de 45 ans, pourra séduire des trentenaires... car il correspondra aux styles de vie de ces deux typologies de clientes. Pourquoi? Car la consommation est aujourd'hui drivée par d'autres critères que les seuls profils socio-démographiques."
"Nous ne sommes pas sans constater que le digital et la prédominance des data ont rendu le monde et nos métiers de plus en plus complexes, confirme Gautier Picquet, CEO et président de Publicis Media France. Et, chose encore plus ardue, nous devons dorénavant nous adresser à des ensembles changeants, ouverts et mobiles. L'enjeu est donc de pouvoir, à chaque instant, les reconnaître et les écouter."
Pour ce faire, l'ensemble de l'écosystème de la publicité et des médias n'a, là encore, d'autres choix que de changer profondément ses mécanismes, pourtant éprouvés depuis des années. "Trop longtemps, nous avons un peu saupoudré tout le monde. C'était la logique même du mass-media, à laquelle nous devons aujourd'hui préférer le mass individuel, qui consiste à adresser la bonne personne à l'endroit adéquat et au moment opportun, et ce, via la création adaptée", insiste Gautier Picquet.
Facile à énoncer, ce nouveau mantra de toute direction marketing qui se respecte se révèle, pour autant, complexe à déployer. "Nous savons déjà relier la consommation d'un produit à un profil. Grâce à l'analyse combinée des données search, des comportements dans les médias, nous sommes en mesure d'identifier des cibles très originales, nécessitant des stratégies média d'un nouveau genre. Et pourtant, les discours et les contenus ne sont pas encore assez différenciés en fonction des profils visés", regrette Pierre Calmard, également General Manager Pôle Media et Performance chez Dentsu Aegis Network France. Et de donner l'exemple des États-Unis, où les agences sont sorties de la création publicitaire au profit d'une explosion de contenus toujours plus divers, et adaptés à la large panoplie de besoins des marques. "Nous sommes un pays très conservateur, qui peine à se débarrasser de sa logique Top-Down et de ses vieux réflexes pour concevoir son mix-marketing. Or, il est plus que temps de partir des préoccupations des consommateurs pour imaginer des stratégies Bottom-Up", poursuit l'expert, auteur de L'Homme à venir (Éditions Télémaque).
L'enjeu, donc, pour les agences média, est de prendre note de ces évolutions, et d'intégrer de nouvelles compétences capables de transformer les data en contenus efficaces. "Tant chez les annonceurs que dans les agences média, les jeunes recrues sortent moins d'écoles de commerce que de formations d'ingénieurs", remarque Pierre Calmard. Autre tendance : l'acquisition, par croissance externe, de ces nouvelles expertises, très en vogue. En juillet 2018, InterPublic Group (IPG) a ainsi annoncé le rachat d'Acxiom Marketing Solutions. Et si l'agence de communication américaine a déboursé pas moins de 2,3 milliards de dollars pour l'opération, c'est qu'elle lui permet de mettre la main sur la base de profils de plus de 20 milliards de consommateurs exploitables par ses différentes agences, et notamment Deutsch, FCB, Huge ou McCann.
Les communautés font... et défont
Et gare à ceux qui ne prendraient pas garde à ce nouveau paradigme. "Les communautés peuvent faire autant qu'elles défont. Et s'il est vital pour les marques et les médias de parvenir à les engager, encore faut-il maîtriser l'attirail technologique capable d'en limiter les effets négatifs, tels que la désinformation et les fake news", ajoute Raphaël de Andreis. Un danger face auquel les agences média se revendiquent d'efficaces épouvantails. Après avoir établi, en 2017, une charte qualité garantissant 20 % de visibilité supplémentaire par rapport aux normes du marché, Havas a ainsi noué un partenariat avec Storyzy, dont le logiciel traque, grâce à un système de traitement automatique du langage, les sites colporteurs d'informations erronées. Une blacklist de sites, sans cesse mise à jour, et sur lesquels les clients de Havas seront certains de ne pas retrouver leurs publicités.
"Et la bonne nouvelle pour les médias, c'est que seuls les éditeurs sont en mesure d'offrir une communauté parfaitement safe et vérifiée", poursuit le président de l'Udecam, résolument optimiste... Encore que... "Je vois d'un très bon oeil l'avenir des agences médias sur les moyen et long termes car toutes les évolutions évoquées, les communautés, l'explosion des data, la prédominance des plateformes sociales, renforcent notre crédibilité et notre raison d'être. Et pour autant, le modèle économique des agences est, sur le court terme, en très grande difficulté car tandis que nos clients n'ont jamais été aussi exigeants, ils ne nous ont jamais aussi peu payés", souligne Raphaël de Andreis. "Nous devons sortir de ce paradigme mortifère, confirme Pierre Calmard. Aujourd'hui, on exige, à juste titre, d'être conforme au RGPD, d'être transparent et de construire un marché plus sain. Mais tout ceci a un prix. Et c'est un message très difficile à faire passer !" Un sentiment partagé par Magali Florens, CEO de Mindshare France. "Si nos clients nous mettent la pression, c'est qu'eux la subissent également fortement. Cela dit, je ne doute pas de notre nécessité. Et ce, car nous sommes les seuls acteurs capables de garantir l'objectivité du conseil, de se poser en tiers de confiance et d'être profondément agnostiques. Nombre d'annonceurs sont en train de remettre en cause la situation dominante de Google et Facebook, bien souvent juge et partie."
Quoi qu'il en soit, les prochaines Rencontres de l'Udecam qui se tiendront le 6 septembre salle Pleyel, seront l'occasion, pour les agences médias, de se montrer soudées et solidaires face aux enjeux à venir. Et de sensibiliser les pouvoirs publics sur leurs attentes, concernant, notamment, la situation duopolistique de Google et Facebook sur le marché publicitaire et l'avancée de la télévision adressée.