TNS + NFO : un nouveau géant des études est né
Depuis qu'Interpublic avait mis sur le marché sa filiale NFO, les spéculations allaient bon train. On savait Synovate, NOP, Ipsos, WPP… un temps sur les rang. Finalement, c'est TNS qui l'a emporté. Mais tout n'est peut-être pas encore dit…
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L'industrie alimentaire en est coutumière. Pour l'industrie pharmaceutique,
c'est même devenu une habitude. Sur le marché des études, unique est par sa
taille l'acquisition du groupe NFO par le groupe TNS. Car les deux sociétés
sont à peu près à jeu égal en termes de profitabilité, de marque connue et
reconnue et de qualité. Mi-juillet 2003, le groupe TNS, troisième groupe
mondial de sociétés d'études a annoncé la finalisation de l'achat à Interpublic
de NFO WorldGroup Inc., huitième société d'études mondiale, après une
proposition d'acquisition annoncée fin mai. Le nouveau groupe (TNS + NFO)
pèsera 1 474 ME, restera toujours à la troisième place mondiale, mais
commencera à se rapprocher de très près du second, IMS, qui affiche pour 2002
un chiffre d'affaires de 1 512 ME ; ACNielsen restant toujours le leader
mondial avec un chiffre d'affaires de 3 011 ME. En revanche, le nouveau groupe
sera leader mondial dans l'ad hoc. « Dans cette opération, souligne
Jean-Michel Portier, Dg de TNS France, ce sont deux sociétés leaders qui se
rapprochent, reconnues pour la qualité de leur travail, de leurs outils, de
leurs hommes. NFO comme TNS peuvent se targuer toutes deux d'être des success
stories. Ce sont des professionnels qui se retrouvent.» Les USA, enjeu
stratégique « En rachetant NFO, notre motivation n'est pas la taille, mais
d'être les meilleurs dans diverses spécialisations que nous considérons comme
stratégiques à l'échelle mondiale », poursuit Jean-Michel Portier. Il existe en
effet une grande complémentarité sectorielle entre TNS et NFO, notamment dans
les études publicitaires, les études de satisfaction (externe et interne) et
l'outil TriM de NFO vient compléter à point nommé une offre TNS qui a besoin
d'être dynamisée sur un segment de marché en pleine croissance. L'outil de data
mining Examine de NFO intéresse aussi au plus haut point TNS. En Asie et au
Moyen-Orient, NFO vient compléter fort heureusement le réseau TNS. En
Allemagne, NFO Infratest est deuxième derrière GfK, et c'est d'Allemagne que
part une bonne partie de la R&D en matière de développement d'outils. Avec
Emnid, TNS + NFO seront désormais incontournables. Mais c'est aux Etats-Unis
qu'il faut chercher les véritables raisons stratégiques du rachat de NFO par
TNS. Dans la corbeille de mariage, NFO apporte en effet une présence forte aux
Etats-Unis, notamment en grande consommation, qui viendra renforcer les
activités de TNS, davantage positionnées dans le B to B au travers
d'Intersearch. Et surtout, NFO est l'un des grands de l'access panel et dispose
d'une avance certaine dans les études on line. Deux activités qui peuvent faire
toute la différence aujourd'hui pour TNS face à la concurrence. « Pour notre
groupe, c'est une véritable accélération de la croissance de notre chiffre
d'affaires qui se profile », estime Jean-Michel Portier.
Quelles priorités ?
Mais un rapprochement entre deux acteurs de cette
taille n'est pas simple. « C'est un gros chantier, constate Jean-Michel
Portier, en termes de processus d'intégration et d'acquisition. » Au point que
le groupe a fait appel au cabinet IMB Consulting. Des groupes de travail
mondiaux, régionaux, spécialisés par offre produit, ont 90 jours (depuis le 10
juillet) pour aboutir à des décisions sur la marque (un marque ou deux, deux
marques associées ?), les outils de production, les offres produits et les
solutions études. « Sur tous ces points, nous tiendrons compte de l'avis de nos
clients », ajoute Jean-Michel Portier. Quant à l'interne, « cela crée des
incertitudes, parfois des inquiétudes, reconnaît-il. Et nous faisons de notre
mieux pour aller le plus vite possible et associer les équipes aux décisions.
» Restent les pressions des marchés financiers. Selon les résultats obtenus,
il se pourrait que TNS soit obligé de revendre par appar- tements. « Notre
groupe a fait beaucoup d'acquisitions par le passé, mais n'a pratiquement
jamais revendu, remarque Jean-Michel Portier. Toutefois, nous avons atteint
une taille qui nous oblige à donner la priorité aux activités qui nous feront
avancer le plus vite. » Parmi celles-ci, la grande consommation et la santé, un
axe de croissance pour les prochaines années. Autre secteur prioritaire :
l'automobile. Là encore, NFO est très présent dans ce domaine. Dans l'Hexagone,
par exemple, NFO France a une filiale NFO Test, spécialisée dans les “tests car
clinic”, réalisant un chiffre d'affaires de 8 ME. TNS dispose d'une activité
automotive reconnue. Alors, puisque NFO Europe apparaît comme un enjeu moins
stratégique, peut-on imaginer que TNS le cède ? Un groupe comme Synovate ne
serait que trop heureux de poursuivre la construction de son réseau en Europe.
Mais alors, ce serait se passer du fleuron que représente NFO Infratest
Allemagne. Peut-on en faire l'impasse ? Une chose est sûre, toute l'histoire
n'est pas encore écrite.
Histoires d'access panels
C'est le rachat, il y a quelques années, du réseau d'origine allemande Infratest par NFO qui a entraîné le désengagement d'Ipsos de sa joint-venture avec NFO dans l'access panel, montée en 1995. Par la suite, Ipsos a racheté la division Etudes Marketing de NPD, ce qui lui a donné accès à l'ensemble des access panels utilisés par NPD en Amérique du Nord, soit 500 000 foyers aux Etats-Unis et au Canada. Avec le rachat par TNS de NFO, TNS devient propriétaire de l'access panel directement concurrent comprenant 500 000 foyers. Un foyer américain sur 75 est chez NFO, qui recrute 3 000 panélistes/jour. En Europe, l'access panel comprend 30 000 foyers en France, 75 000 en Allemagne, 42 000 en Grande-Bretagne, 26 000 aux Pays-Bas et se développe en Italie. Quant à l'access panel on line, il s'élève à près de 300 000 foyers aux USA, 10 000 en France, 30 000 en Allemagne, 30 000 en Grande-Bretagne, 18 000 aux Pays- Bas. Désormais, le marché sera dominé par TNS avec NFO, et Ipsos avec NPD.
NFO Infratest France : des opportunités de développement évidentes
NFO Infratest France vient de vivre quatre années difficiles, perturbées par l'arrêt de l'exploitation de la licence Bases. Cette dernière représente encore 15 % de son chiffre d'affaires, mais prendra fin en décembre 2003. Sous la direction générale d'Eric Dubois, l'institut s'est lentement transformé en société d'études généraliste, prenant des parts de marché dans des secteurs comme les services, les études on line, la grande consommation, les études de satisfaction et de marque. Selon le Top 100 de Marketing Magazine (n° 79), NFO Infratest France se situait en 2002 à la onzième place des sociétés d'études avec un chiffre d'affaires de 20 M€ (+ 21,2 % / 2001). Ce montant ne comprend pas NFO Test, l'activité de tests car clinic, qui a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 8 M€. « Au point où nous en étions arrivés, il nous fallait un second souffle, constate Eric Dubois. Cela pouvait se faire par acquisition ou par rapprochement. Etre dans le nouveau groupe TNS + NFO devrait nous ouvrir en France de nouvelles perspectives extrêmement intéressantes. » Le rapprochement avec l'outil de production TNS pourrait se révéler particulièrement positif quand on songe que NFO Infratest France, qui n'a pas de terrain en propre, travaille sur des budgets études qui exigent de réaliser jusqu'à 20 000 interviews téléphoniques par mois.
Combien ça coûte ?
On parlait d'un prix de vente avoisinant les 500 M$. Finalement, TNS a racheté le groupe NFO (40 pays, 15 000 salariés) pour 425 M$, dont 400 M$ payés cash et le restant, soit 25 M$, en actions de TNS grâce à une augmentation de capital. « C'est pour nous une opération très positive, commente Jean-Michel Poirier, Dg du groupe TNS France. Nous achetons au bon moment.»