Produits d'été La chasse aux primes est ouverte
C'est bientôt l'heure du grand déballage des espaces publicitaires inoccupés tant dans l'audiovisuel que, dans une moindre mesure, sur les panneaux d'affichage. Une aubaine pour les annonceurs qui se voient proposer des produits formatés "été" à des conditions tarifaires avantageuses. Mais, hors les marques de produits saisonniers pour qui c'est un passage quasi-obligé, nombre d'annonceurs sont encore réticents à investir l'été, faute de mesures d'audience suffisantes.
Packages ciblés, remises en tous genres, espaces gracieux, les offres d'été
arrivent sur le marché depuis quelques semaines. Certains médias comme
l'affichage ou la presse ont été les premiers à lancer leurs collections d'été.
Tout n'est, en revanche, pas bouclé du côté des radios et des télévisions. «
Pour la télévision, on est au courant au dernier moment, raconte Marie-Hélène
Capello, directrice des achats médias chez OMD. Les régies vont d'abord nous
proposer d'éventuels abattements selon la manière dont se remplissent leurs
écrans. » Il faut dire que, de ce côté-là des médias, les choses sont loin
d'être gagnées.
Sandrine Mettetal (JCDecaux Airport France)
: "Faire bénéficier le
marché des 15% d'audience supplémentaire que génère la période de mai à août
dans les 11 premiers aéroports français."
La trêve estivale n'est, en effet, pas vécue de la même manière par les
annonceurs. Elle est surtout incontournable pour les marques de produits
saisonniers. Chaque été, on retrouve grosso modo les mêmes, les Perrier,
Coca-Cola, Heineken, Kronenbourg et autres pour les boissons sans et avec
alcool, les Nestlé (ex-Gervais), Miko, Carte d'Or et autres incontournables du
marché de la crème glacée ou encore les spécialistes du solaire. En télévision,
par exemple, les annonceurs de l'univers des boissons ont investi en 2001, 18,8
% de leur budget annuel, soit 2,8 points de plus que l'été 2000. Ce même été
2001 a représenté 26,8 % des investissements TV des boissons rafraîchissantes
sans alcool et 23,8 % de ceux des jus de fruits et sirops. Cette année, du côté
des produits solaires, une marque comme Ambre Solaire a planifié une présence
plurimédia du 15 avril au 15 août, en télévision et presse, mais aussi en
jouant la carte des médias de proximité par de l'affichage côtier et du
sponsoring radio. La marque de Garnier complète l'éventail par des actions de
hors-médias sous la forme de diagnostic solaire effectué sur les plages et d'un
partenariat avec les Clubs Mickey. En alimentaire, la période estivale
s'impose, par exemple, également d'elle-même pour une marque comme Aoste autour
du jambon "Vive l'été". Ce produit on ne peut plus saisonnier fera parler de
lui dès les 21 et 22 juin en radio sur les antennes de RTL, Europe 1, RTL et
RFM. La marque de charcuterie complète sa communication via une opération de
hors-médias autour d'un site internet, festivalaoste.com, dédié aux festivals
de l'été. Comme le résume Pierre-Emmanuel Noël, directeur du marketing de
Saupiquet, dont la marque sera présente cet été en TV et affichage, « des
produits comme les nôtres ont effectivement une forte saisonnalité qui fait que
100 % de notre investissement est concentré du 1er mai au 30 septembre. Mais je
ne cherche pas à surpondérer un média par rapport à un autre parce que c'est
l'été. Nous recherchons une saisonnalité produit pas une saisonnalité média.
Sans offres commerciales, je communiquerai quand même. » Un raisonnement qui
vaut naturellement moins pour les marques à plus petit budget pour qui les
conditions financières consenties l'été sont un véritable appel d'air. Barbara
Gould du Laboratoire Santé Beauté est de celles-là. L'an dernier, l'entreprise
avait été le plus important annonceur du secteur hygiène-beauté à avoir
communiqué en exclusivité en été, en télévision, autour de ses marques Barbara
Gould, Email Diamant, et Bi Solution. La saga de la femme Barbara Gould sera,
comme l'été dernier, présente sur les écrans de TF1, francetélévisions et M6. «
Juillet et août sont des mois intéressants pour nous qui ne sommes pas un grand
groupe. L'encombrement publicitaire est moindre et les coûts sont plus
attractifs », commente-t-on chez Santé Beauté. « Les spots seront diffusés
autour de la météo qui est une des principales préoccupations des Français
l'été, explique Elisabeth Veistroffer, directrice de clientèle chez Business,
en charge du budget de la marque de soin. Le ratio entre l'audience et le coût
GRP est très intéressant à cette période sur les ménagères de moins de 50 ans.
» Mêmes causes, mêmes effets : la marque Persavon, également gérée par
Business, sera aussi sur le petit écran cet été.
PRIME À L'AFFICHAGE COMME MÉDIA D'ÉTÉ
Hors ces cas de figure, les médias
ont encore fort à faire pour convaincre les annonceurs de traiter l'été comme
un autre moment de l'année. Même si l'on sait que les comportements des
Français par rapport aux vacances ont changé, les préjugés ont la vie dure.
Selon la Direction du tourisme, quel que soit le mode d'hébergement choisi, les
Français continuent, pour 92,8 % d'entre-eux, à faire leurs courses en
vacances. Ils ne sont, en effet, que 7,2 % à se reposer à l'hôtel, tous les
autres optant pour des modes d'hébergement proches de la consommation
(résidence secondaire, famille, amis, location, camping, etc.). Et ils
consomment autant voire plus que le reste de l'année. « Nous ne sommes plus à
l'époque où les gens partaient un mois au bord de la mer et verrouillaient pour
cela leur budget. Les séjours ont raccourci et nous avons affaire à des
consommateurs qui peuvent être amenés à dépenser plus que dans l'année, à se
reporter sur des marques premium plutôt que sur des marques distributeurs.
Eric Elan (Lagardère Active Publicité)
: "Pour les radios d'autoroute
écoutées par plus de 50% des automobilistes, l'été est, transhumance oblige, la
période phare."
Malgré cela, la tendance reste lourde », commente Bruno Belliat, directeur de
la communication et des études de francetélévisions publicité. Le fait que
certains médias comme l'affichage ou la radio ne disposent pas de mesures
d'audience arrêtées sur cette période peut être un sujet de blocage. Un groupe
comme NRJ qui avait, un temps, réalisé sa propre étude n'a pas renouvelé
l'expérience. « Les résultats de telles études sortent en septembre et ne sont
exploitables que l'année suivante. Comme les mouvements d'audience changent
tous les deux mois, l'impact en est limité », estime Eric Elan, directeur
commercial de Lagardère Active Publicité. Du côté de l'affichage, l'absence de
mesure est moins un sujet de blocage. « L'affichage est sans doute le média qui
se prête le mieux à la communication estivale. C'est le média de la mobilité
par excellence, adapté aux annonceurs qui ont besoin de couverture, estime
Albert Asseraf, directeur du département affichage de Carat. Il met à leur
disposition de multiples supports permettant de baliser l'ensemble des
déplacements et des moments de consommation des Français, ce qui donne la
possibilité de construire une campagne homogène. » Un plus que les afficheurs
mettent largement à profit en développant des offres de réseaux spécialement
packagés pour coller aux déplacements des vacanciers. De Destination Eté
d'Avenir à Vive les Vacances et Quand vient l'été de Dauphin Affichage, chacun
propose son produit de saison. Clear Channel y ajoute cette année Vacances en
Clear Channel Malls, « deux réseaux implantés dans les 51 centres commerciaux
sélectionnés parmi les plus fréquentés des vacanciers », explique Vincent
Demay, directeur commercial de Clear Channel Malls. Chacun de ces produits
s'appuie sur une remise. Chez Dauphin Affichage, par exemple, la remise
annoncée est de 40 % par rapport au tarif brut de l'année. « La présentation de
l'étude sur le comportement des Français en vacances et des produits que nous
proposons l'été a réuni 145 clients cette année contre 85 l'an dernier. Cela
prouve que les gens sont intéressés par la manière de communiquer à cette
période », estime Caroline Mériaux, directeur marketing opérationnel de
l'afficheur. Intéressés et actifs, si l'on en croit Bernard Leroux-Robert,
directeur général adjoint de Dauphin Affichage . « Les plans médias sont de
plus en plus courts dans l'année mais c'est beaucoup moins vrai l'été. A fin
avril, nous étions déjà à 50 % de réservation », constate ce dernier. Si
l'affichage "traditionnel" mise fortement sur la période d'été, c'est encore
plus vrai du secteur des transports. Comme le résume Daniel Cukierman, P-dg du
groupe France Rail Publicité, « l'été est plutôt pour nous une période faste où
les gens sont à la fois plus nombreux dans les gares et y restent plus
longtemps. Juillet et août sont deux gros mois commercialement, avec des
indices 120-130. » La régie publicitaire propose deux produits, Grands Départs
pour le train et Tribu Plage pour le bus, un produit lancé l'an dernier dans 18
villes proches des zones côtières et qui s'enrichit en 2002 d'un format
événementiel dit Arrière Grand Espace. « L'été est également une période
propice aux opérations événementielles organisées dans les gares pour des
lancements de nouveautés ou le soutien de produits spécifiques, ajoute Daniel
Cukierman. C'est une activité très importante chez nous. » Dans le secteur
transport du groupe JCDecaux, la nouveauté vient de JCDecaux Airport qui lance
le concept des SolAir. « Les quatre produits qui le composent s'appuient sur la
totalité de notre offre commerciale, explique Sandrine Mettetal, directeur
marketing de JCDecaux Airport France. Ils ont pour but de faire bénéficier le
marché des 15 % d'audience supplémentaire que génère la période de mai à août
dans les 11 premiers aéroports français. »
LA RADIO PEINE À CONVAINCRE
Plus nombreux à se déplacer en train, en avion, mais
surtout en voiture (84 %), les Français en profitent-ils pour écouter davantage
la radio, sur la route et sur leur lieu de vacances ? On ne peut que l'imaginer
faute de mesure d'audience spécifique. On le peut notamment pour les radios
d'autoroute, « écoutées par plus de 50 % des automobilistes qui écoutent une
radio sur l'autoroute », dixit Eric Elan, dont la régie gère Autoroute FM,
Autoroute Info et 107.7. Si ce dernier reconnaît consentir des remises plus
importantes en radio l'été, ce n'est pas le cas de ces dernières stations «
pour lesquelles transhumance oblige, c'est la période phare ». Lagardère Active
Publicité, qui proposait déjà un produit spécial radios d'autoroutes et un
autre ciblé sur les zones côtières, ajoute cet été deux nouveautés à sa gamme
Sun City. L'un, baptisé Numéro Double, vise les éditeurs de presse magazine
autour d'Europe 1, Europe 2 et les Indépendants. L'autre, non baptisé à l'heure
où nous mettons sous presse, cible les produits saisonniers à faible budget,
totalement absents des radios dans l'année et qui communiquent l'été dans
d'autres médias. « Nous créons également un produit Ile-de-France, car la
consommation ne s'arrête pas l'été », remarque Eric Elan. Il s'agira là d'une
promotion basique, avec un taux de remise et de l'espace gracieux car, comme le
résume ce dernier, « en radio, une seconde qui n'est pas vendue est perdue ».
Chez Lagardère, comme ailleurs, ces créations ont pour objectif de boucler une
meilleure saison que l'an dernier où la conjoncture a commencé à se détériorer
dès mai. « Les propositions commerciales d'été sont assez récentes en radio,
note Marie Sieg, responsable de pôle au département radio de MPG. C'est une
période largement sous-investie et, bizarrement, les régies n'en profitent pas
vraiment pour créer de véritables opportunités. Elles ne sont pas assez force
de propositions. » « Jusqu'à présent, on attendait les briefs des clients et on
regardait les offres des régies qui, comme le marché allait plutôt bien, ne
voulaient pas déstructurer leurs produits, explique Valérie Debord, directrice
du département radio de MPG. Cette année, on va construire avec elles des
offres sur-mesure. » Cette dernière mise notamment sur les secteurs en
développement qui font le chiffre d'affaires de l'été comme le food, la
toilette-beauté, les boissons, voire les services, type banques, assurances en
préparation de la rentrée scolaire. Les annonceurs classiques de la radio que
sont la distribution, l'automobile ou les télécommunications se montrent, en
revanche, beaucoup plus difficiles à convaincre de continuer à communiquer sur
les ondes durant les vacances.
DES ÉCRANS TV SOUS-INVESTIS
La situation des médias mesurés l'été n'est pas
vraiment plus simple. « La période juillet-août ne représente qu'une toute
petite partie de notre chiffre d'affaires, reconnaît Eric Merklen, directeur du
marketing de Médiavision. Mais, d'un autre côté, c'est une période qui mérite
d'être dynamisée car les films sont de plus en plus nombreux à démarrer leur
exploitation l'été. Beaucoup réalisent d'ailleurs la majeure partie de leurs
entrées à cette époque comme Shrek, par exemple, l'an dernier. » Mettant en
avant le fait que la fréquentation estivale des cinémas a augmenté de 66,9 % en
sept ans, la régie propose deux produits d'été axés sur les salles permanentes
ou saisonnières situées sur le littoral et à la campagne. Du côté des
télévisions, le discours est de relativiser la baisse d'audience estivale. « Le
problème est que la télévision est très mal mesurée durant l'été alors que l'on
sait que le taux d'équipement des vacanciers est de l'ordre de près de 70 % »,
relève Bruno Belliat. C'est vrai pour la grande majorité qui passe leurs
vacances chez des amis, de la famille, à l'hôtel ou dans des locations de
vacances équipées, mais rien de tout cela n'est mesuré. Il n'empêche, la
progression d'audience de la TV au fil des années demeure faible. En douze ans,
la durée d'écoute par individu a augmenté de dix minutes par jour selon le
SNPTV (Syndicat National de la Publicité TéléVisée qui regroupe les six régies
publicitaires des TV). Et si l'an dernier, le poids de l'été a atteint 10,3 %
des investissements bruts annuels sur l'ensemble des chaînes alors qu'il ne
représentait en 1990 que 6,6 %, il reste toujours limité par rapport au reste
de l'année. Là aussi, l'argument des régies publicitaires est de mettre en
avant l'attractivité des tarifs sur cette période. Pendant l'été 2001, le coût
moyen brut d'un spot (sur les grandes chaînes nationales, hors chaînes de
complément) a, en effet, été inférieur de 34 % (à 6 584 euros) à celui du reste
de l'année (10 009 euros). Cette promotion saisonnière a d'ailleurs incité 36
annonceurs à communiquer exclusivement sur le petit écran des chaînes
hertziennes et 20 annonceurs à adopter la même stratégie sur les chaînes de
complément. Parmi les convaincus de la publicité TV, utilisée seule ou en
complément, figurent les secteurs entretien, des produits saisonniers type
insecticides-antimites (87 %) aux nettoyants ménagers (26 %). Viennent après
les secteurs de l'édition (12,9 % des investissements publicitaires TV en
juillet-août) pour le disque et la vidéo et les marchés de la toilette-beauté
(12,5 %). Sur les chaînes de complément, les catégories de l'alimentation (18
%), du transport (13 %) et de l'édition (10 %) ont constitué le tiercé gagnant
des régies en 2001. La Coupe du monde de Football risque fort, cette année, de
peser sur les investissements d'été. Une bonne partie des campagnes sera, en
effet, concentrée sur cet événement. « De janvier à mars, certaines chaînes
comme TF1 ont consenti des conditions générales de vente très intéressantes par
rapport aux autres mois et proposent également des bonus pour tout budget
supplémentaire en mai. Certains annonceurs qui ont pu privilégier cette période
seront peut-être moins présents en TV en juillet-août, analyse Marie-Hélène
Capello. S'ajoute le fait que, globalement, les programmes d'été sont moins
attractifs pour les annonceurs. » Autant d'éléments qui, en TV comme dans les
autres médias, feront, cette année encore, les choux gras des chasseurs de
primes !