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Les nouveaux territoires des études médicales - 2/2

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Des budgets R&D de plus d'1 Md$ sont désormais monnaie courante parmi les leaders de l'industrie pharmaceutique. Il est vrai que le coût de développement d'une seule molécule s'élève entre 300 et 500 M$ et que la durée de vie d'un médicament éthique est de plus en plus courte : 20 ans pour qu'un brevet ou une molécule tombe dans le domaine public, 15 ans entre le moment où il est déposé et le moment où la molécule est introduite sur le marché. Il reste alors à peine entre 2 et 5 ans au laboratoire pour exploiter le produit. Les laboratoires n'ont donc plus le droit à l'erreur. Il faut rentabiliser plus vite des produits dont le cycle de vie est de plus en plus court. Selon Alain Flinois, directeur général de Louis Harris Médical, « le retour sur investissements se fait en deux fois moins de temps qu'il y a quelques années. Les produits ont deux ans pour se faire une place au lieu de cinq ans. » Conséquence : les produits doivent être lancés très vite dans un maximum de pays à un prix optimum, compte tenu des législations et réglementations en cours et de la maturité de chaque marché.

Toujours plus d'études internationales



Jérôme Simulin (Novaction)

: "Sous l'effet des fusions, les laboratoires se posent des questions d'optimisation de portefeuille, de rebranding ou de repositionnement".




A l'image du food ou du secteur automobile, les nouveaux médicaments disposent aujourd'hui de stratégies marketing globales, qui s'appuient sur des études transversales multipays, développant des copy stratégies internationales. On peut estimer à plus de 30 % des études ad hoc des laboratoires celles intégrant une composante internationale et, selon Pierre Pigeon, P-dg d'Altis, « 70 à 80 % des études avant lancement sont internationales. » Afin de répondre à la demande des laboratoires et pallier la réduction du marché local sous l'effet des fusions, les instituts d'études ont à coeur de développer leur réseau de filiales ou de partenaires à l'étranger. Altis, qui réalise 50 % de son chiffre d'affaires à l'international, est présent dans plusieurs pays européens et asiatiques. Médimix a intégré HRP (Healthcare Research Partners). ACS (20 % de son CA à l'international) a monté un réseau international, Mediword, premier réseau mondial de cabinets indépendants d'études marketing médicales. Market Audit fait appel aux professionnels du réseau Intersearch International. Georges Chetochine SA est très présent en Argentine et au Brésil. Novaction dispose de nombreuses filiales. Etc. Au gré des fusions, le marketing central des laboratoires tend à se déplacer de plus en plus vers les Etats-Unis. Il ne sera pas étonnant de voir dans les prochaines années, et même les prochains mois, certains instituts français ou européens ouvrir des bureaux ou des filiales en Amérique du Nord pour être sûrs d'être près des centres de décision. Le rachat par GfK de Custom Research Inc. aux Etats-Unis lui donne accès au marché américain de l'ad hoc. Du côté des études régulières et des panels, l'internationalisation se poursuit également. CAM vient prolonger ses activités au Japon, en Afrique du Nord, en Argentine, au Brésil, au Mexique, et s'interroge sur la pertinence des marchés australien et néo-zélandais. L'offre panel d'IMS ou ACNielsen est internationale. Pour des raisons de comparaisons et de suivi des marchés. « A marketing nouveau, études nouvelles », commente Jean-Claude Andréani, P-dg d'Insemma. Longtemps concentrés sur les études tactiques, les besoins études évoluent vers le stratégique : nouvelles études épidémiologiques, études de nouvelles pathologies y compris les maladies rares, études pharmaco-économiques, études prospectives sont monnaie courante. « Les laboratoires sont submergés d'information, à nous d'en faire la synthèse », constate Véronique Bonrepaux, directrice de clientèle chez Infratest Burke. En même temps, l'industrie pharmaceutique découvre la problématique de marque et de concurrence et se rapproche en cela de la grande consommation. Ses besoins évoluent vers le benchmarking (entre concurrents, mais aussi avec d'autres industries), de monitoring et de tracking. Parallèlement, les laboratoires s'engagent dans une vraie gestion de leurs marques. « Sous l'effet des fusions, les laboratoires se retrouvent avec des portefeuilles de molécules en concurrence, et se posent des questions d'optimisation de portefeuille, de rebranding ou de repositionnement », explique Jérôme Simulin, directeur du développement de Novaction. Dans ce domaine, les grandes sociétés d'études généralistes viennent avec leurs méthodologies et outils éprouvés en grande consommation et les adaptent au médical. Par exemple, Infratest Burke propose IMP, analyse de l'identité et de la personnalité des marques, ou encore Tracking NFO, un outil global de pilotage des marques auprès des médecins. BVA propose son étude de la valeur de marque Brand-Equity.

Du tactique vers le stratégique


« Les responsables marketing deviennent désormais des gestionnaires qui mesurent la rentabilité de leurs actions », constate, quant à lui, Henri Gazay, directeur associé de Médimix. Il faut aller plus vite, plus loin, au moindre risque coût. Peu à peu, aussi, les sociétés de création de noms sont consultées pour les noms de médicaments éthiques ou d'OTC, avec tests de nom à l'international. Là encore, on ne peut pas se tromper. Le nom est-il facilement mémorisable par le médecin dans tous les pays ? Est-il adapté à la pathologie, facile à écrire donc facile à noter sur l'ordonnance ? Et les tests se font bien en amont du lancement. A leur tour, les études de communication évoluent du tactique (même si elles constituent encore le gros des études locales) vers le stratégique : études de bilan d'image, image corporate. Laboratoires et hôpitaux découvrent à leur tour les études de satisfaction et de fidélisation. « Pour les laboratoires et leurs fournisseurs les plus avancés, il faut aller plus loin que les simples analyses descriptives, leur proposer des méthodes sophistiquées et aller jusqu'à faire des analyses sur l'impact économique et fournir des typologies de clients », précise Alain Maes d'INit Satisfaction. Les grandes sociétés d'études généralistes adaptent au milieu pharmaceutique leurs outils d'études satisfaction et fidélisation : Conversion Model, Foqus 2 (Taylor Nelson Sofres), Tri M (Infratest Burke), Ipsos... ACS propose, depuis deux ans, Satisfaction 10 000, une analyse comparative de la satisfaction de la clientèle avec barométrage possible. Market Audit réalise des études clients mystères en officine pour les produits en vente libre ou sur ordonnance avec scénario(i) adapté(s) à la problématique du laboratoire. E/O Consult a lancé une étude quantitative permettant de mesurer la satisfaction à l'usage des médicaments (efficacité thérapeutique perçue, problématique organoleptique).

Du médecin au patient


Sous la double pression des réglementations qui limitent les investissements promotionnels et du besoin d'investir son budget communication à bon escient, les laboratoires découvrent également le micro-marketing : ciblage des médecins, développement de typologies de médecins, notion de cibles utiles, fichiers renseigné... Autant de nouvelles attentes que cherchent à compléter les sociétés d'études. « Segmentation et typologies seront les points forts des études de demain, souligne Pierre Pigeon. Mais pour ce type d'études en ad hoc, il faut de gros échantillons. » De leur côté, les panels se font plus gros, plus justes, plus pertinents. Plus chers aussi. IMS a lancé Xponent Micromarketer, la première base de données quantitatives liant la prescription à la localisation géographique du prescripteur, au niveau le plus fin. Longtemps concentrés sur les seules enquêtes auprès des médecins, les laboratoires se penchent de plus en plus sur le patient. « Mieux informé, meilleur gestionnaire de sa santé, le patient a aujourd'hui de nouvelles attentes à l'égard du médecin et de sa propre santé », remarque Martine Crocquet. « S'il y a un élément majeur dans le développement des études médicales, c'est la place accordée aux études patient », renchérit Michel Murino, directeur de Taylor Nelson Sofres Health. « Ce sera d'ailleurs le gros marché de demain », souligne Marie-Agnès Arbaz, directeur d'Ipsos Santé. « Parce que le patient est mieux pris en compte, les études de packaging, de prix, de merchandising et de linéaires se multiplient et se sophistiquent avec des linéaires d'officine reconstitués ou virtuels », constate Patrick Cru, P-dg de Market Audit, qui ajoute, « les études mer-chandising in situ se développent dans la lignée de ce qui a pu être fait en grande distribution. » La pharmacie devient un point de vente où il convient d'étudier l'impact du linéaire, de la PLV, de l'information consommateur. Les pharmaciens constituent eux aussi de nouveaux champs d'études depuis qu'ils pèsent plus lourds dans la distribution du médicament, en particulier par leur droit de substitution. Ils jouent également un rôle non négligeable dans le réachat de médicaments semi-éthiques et des produits OTC, même si, selon IMS, le marché des produits d'automédication semble marquer le pas en France. De nombreux outils cernent cette cible : ScanTrack Pharma d'ACNielsen, PharmaTrend Micro d'IMS ou encore le Baromètre de la substitution d'IMS. La problématique merchandising et category management apparaît dans les officines.

Internet et access panels à l'assaut du médical


30 000 à 50 000 F pour des études de consommation (test de visite médicale, recall test, test d'annonce presse), 80 000 à 300 000 F pour des tests de concept : le prix des études médicales n'a pratiquement pas varié depuis une dizaine d'années. L'apparition de services achats dans les laboratoires a pour conséquence une pression encore plus forte sur les prix et bouleverse les habitudes. Pour les instituts, priorité est donc donnée à la préservation de la qualité et à la juste rémunération de la réflexion et du temps passé. Une équation qui n'est pas toujours facile et qui passe probablement par de la pédagogie auprès des clients. Reste que les laboratoires discutent plus facilement les budgets d'études tactiques que ceux des études stratégiques. Et que, d'une certaine façon, les gros budgets s'élevant entre 500 000 F et 1 MF - qui représentent un tiers des études - vont aux gros instituts. En même temps, l'arrivée d'une nouvelle génération de responsables marketing ou études venant du food ou des services modifie le rapport des laboratoires aux études. « Leur réflexe est de se dire "J'ai un problème donc je fais une étude", et de travailler plus en amont pour devancer les problèmes », constate Alain Flinois. Dans ce cas de figure, les relations entre client et fournisseur s'établissent sur la base d'un partenariat. Une bonne nouvelle pour les instituts. Réduire les coûts dans des contraintes temps toujours plus drastiques conduit à la recherche de nouveaux outils de recueil de l'information moins onéreux que le face à face et même le téléphone. Les études médicales découvrent donc, à leur tour, les access panels (pour toucher les patients) et Internet (pour toucher les médecins). Dans l'access panel d'Infratest Burke, plus de 25 000 foyers sont identifiés individuellement sur 26 pathologies et problèmes de santé (diabète, cholestérol, ostéoporose, eczéma...) et ce, en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne. L'access panel d'Ipsos est lui aussi qualifié sur des pathologies (diabète, migraine, asthme, hypertension...) et sur une base européenne et américaine. Celui de Taylor Nelson, appelé Panel Access Santé, comprend 20 000 foyers, 53 000 individus-patients interrogés régulièrement en tant que patients (épidémiologie, satisfaction, qualité de vie). Un écueil, note Alain Flinois, « les access panels ne contiennent pas les individus en institutions ». L'autre grande mutation provient d'Internet. « D'abord, parce qu'Internet est un formidable outil qui donne accès à des informations dont on ne disposait pas auparavant », remarque Martine Crocquet. Les sites des laboratoires, des associations de patients, d'universités sont légion, et de nouveaux portails santé apparaissent. Havas MediMedia a lancé, il y a peu de temps, le portail atmedica (www.atmedica.com) et en ce début d'année, IMS a lancé i-squared (www.i-squared.imshealth.com), un nouveau portail mondial à destination de l'industrie pharmaceutique. Dont l'enjeu pour IMS Health est clair : le conseil. « I-squared a été créé pour aider nos clients à accéder à des informations spécifiques en un minimum de temps », déclare François Le Métayer, directeur général d'IMS Health. D'après Thierry Baroghel, directeur du développement des systèmes d'information d'IMS Health France, « ce portail apporte une nouvelle dimension à l'information : du sur mesure beaucoup plus proche des problèmes que peut rencontrer l'utilisateur. Ce n'est pas un nouveau portail média pour diffuser des chiffres, mais un outil qui apporte une réponse opérationnelle à une problématique réelle. »

Les avantages du Net


Dans le même temps, on voit se multiplier les piges Internet. CAM a mis au point une pige rédactionnelle internationale du Web sur les 50 premiers laboratoires et les 50 premiers produits. Un sous-produit de cet outil vient d'être développé : il s'agit de la valorisation des sites corporate. En mars, l'institut lancera Adwebcam, une pige automatique mensuelle des bannières sur les sites. CAM réfléchit également avec le Cessim à établir un standard de recueil d'audience des sites. Qui dit sites corporate dit études du site. Anacom, entre autres, réalise des analyses de site internet-intranet. A côté des chefs de produit purs et durs, apparaissent dans les laboratoires des chefs de projet internet, « qu'il convient d'appeler vraiment des chefs de produit internet », remarque Jean-Claude Andréani. Ces chefs de projet internet travaillent de façon centralisée (Bayer, Sanofi, Synthélabo), ou par gamme (Glaxo, Welcome, Aventis, Pfizer). L'autre avantage d'Internet est d'être un nouveau mode de recueil de l'information. Déjà, les panels de médecins on line se multiplient, même si les échantillon ne sont pas entièrement représentatifs de la population des médecins. « La réflexion sur Internet est une vraie réflexion », constate Alain Collomb, P-dg d'ACS. Après des pionniers comme Quantimed ou Stethos, on voit arriver sur ce domaine BVA, Imago Etudes Conseil, Insemma, Novatest, Taylor Nelson Sofres. Chez Ipsos, on y réfléchit. De même que chez CAM. Le recours à Internet a, aujourd'hui, ses partisans et ses détracteurs. Il faut savoir que si la grande majorité des médecins français est informatisée, tous ne possèdent pas une connexion à Internet et consultent encore moins le Net régulièrement.

2001 : l'année du on line


Il est vrai que l'outil a de quoi séduire : il facilite la relation et permet de contacter plus aisément une cible qui n'est pas facilement disponible par téléphone et trop coûteuse en face à face. Son avantage est de pouvoir interroger des cibles à l'international. Le panel on line de Stethos au Magreb fonctionne très bien. Pierre Pigeon résume la situation : « Il ne faut pas compter sur le on line, pour le moment, pour recueillir des cas patients. Mais il permettra de faire plus d'ad hoc d'opinion, et c'est une très bonne chose. » Altis réalise déjà en partie on line des tests d'annonce presse, des études de mappings de produit et des études de satisfaction. Novatest propose Pharmatest, des prétests de communication (ADV, annonce, packaging) par focus groups de médecins on line et interviews semi-qualitatives en ligne avec observation en direct du forum. Novatest, toujours, a lancé E-Monitory, un outil de veille de la communication médicale via Internet, qualitatif et quantitatif. Infeco organise des mesures on line par incrémentation de la significativité des différences d'impact d'un nouveau thème ou argument en visite médicale. On est déjà entré dans l'univers de la Toile et l'année 2001 devrait voir l'accélération des études on line. « L'outil devient crédible et j'ai le sentiment que l'explosion des études médicales on line se fera cette année », fait remarquer Michel Murino.

 
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Anika Michalowska

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