Le quali a le vent en poupe 2/2
De plus en plus, "faire un quali" semble devenir un réflexe au sein des entreprises. Mieux comprendre un consommateur, de plus en plus complexe, en est certainement l'une des raisons principales. Tout comme la globalisation, qui apparaît clairement propice au développement des études qualitatives. En s'internationalisant, les marques ont besoin de comprendre les différences de comportement et d'attitudes des consommateurs sur les différents marchés où elles s'étendent.
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Les habitudes changent. « Certains clients ont abandonné des procédures
quanti et les ont remplacées par des procédures quali », constate Olivier
Bauby, directeur général de l'Ifop. Par exemple, pour les screenings de
concept, de produits, les études de positionnement, les tests d'idées. La
grande évolution, sensible depuis quelques années, est l'opérationnalité
toujours plus grande des études qualitatives. « Je pose une question : le quali
doit répondre, souligne Corinne Hardy, Senior Manager Market Research Corporate
Strategic Marketing, d'Aventis. Il y a un enjeu de "Go-No go" à la fin d'un
quali, qui doit permettre de prendre des décisions dès qu'il est terminé. » En
même temps, on commence à retourner au quali après une phase quanti pour
éclairer un point et affiner les recommandations. « Ainsi, constate Olivier
Bauby, lorsqu'à l'issue d'une phase quanti, on a réussi à identifier plusieurs
concepts possibles mais pas un gagnant, on représente ces concepts à des
groupes de consommateurs ; ce qui va enrichir les données et permettre de
prendre des décisions. » Car aujourd'hui, « on demande de plus en plus au quali
une dimension stratégique, de conseil et d'accompagnement »,
constate Michel
Reynard, directeur du département Qualitatif Stratégique de Taylor Nelson
Sofres France. Et, parce que le quali devient plus opérationnel, il existe un
besoin de formatage de l'offre. « Puisque, au final, le client veut des pistes
d'action, ajoute Stéphane Truchi, directeur général d'Ipsos France, le quali a
dû s'adapter à des contraintes d'action. » Added Value a ainsi développé le
marketing épisodique, en réfléchissant, pour tel ou tel produit, à des plans de
communication par épisode en fonction des passions de la ou des cibles.
Un mix de techniques
L'innovation, en matière d'études
qualitatives, s'est faite ces dernières années sur deux plans. Le recueil, tout
d'abord. Il existe une vraie tendance à multiplier le nombre de personnes
interrogées simultanément : deux (duos), trois (triades), minigroupes (4 à 5),
groupes (7 à 9). A l'Ifop, on constate que l'on fait de plus en plus souvent
des mini-groupes pour avoir une vision plus large des différentes populations.
« C'est de plus en plus demandé par nos clients et de plus en plus proposé par
nous, explique Olivier Bauby. C'est une façon de démultiplier des échantillons,
une façon de détourner le quali pour interroger plus de cibles. » Autre
technique de recueil : le téléphone. Ainsi, chez Gaultier et Associés, beaucoup
d'entretiens individuels sont réalisés par ce moyen. « Il ne faut pas que la
problématique soit trop complexe », fait remarquer Gilles Gaultier, P-dg. Les
entretiens durent 30 à 40 minutes. « Les terrains peuvent être réalisés très
vite à des coûts acceptables et le moyen se prête bien aux interviews en milieu
B to B à l'international », ajoute-t-il. Autre domaine d'évolution : celui des
systèmes interprétatifs. « La nouveauté, précise Yves Krief, consistera à faire
appel aux évolutions des sciences de l'homme à travers la découverte, ou la
redécouverte, de modèles ou de théories non encore exploités. Par exemple,
certaines hypothèses anthropologiques pour les rituels, les concepts de
l'éthologie pour observer le comportement des consommateurs en linéaire, la
psychologie cognitive pour les phénomènes de mémorisation des communications
publicitaires, les analyses de pragmatique linguistique pour la construction de
l'identité de marque. » Mais la grande tendance est à la combinaison des
techniques et méthodes. Target Quali et Navigator Quali de GfK utilisent des
groupes, de la sémiologie et de l'ethnographie. Démoscopie a mis au point une
approche spécifique, "Valeurs et Mode de Vie", pour développer des produits qui
répondent au mieux aux attentes émergentes, au moyen d'entretiens individuels
(une trentaine) assortis d'observations et reportages photos. Lorsque Added
Value a travaillé pour South Africa Brewery, pour le lancement d'une nouvelle
bière en Russie (Tri Bogatyrya, les Trois Héros), l'institut a cherché à
comprendre les buveurs de bière russes, au travers d'observations (soirées
bière), d'interviews accompagnées de photos, de textes, de collages. MSM
reconnaît que l'institut est amené à proposer des protocoles lourds dans
certains cas : entretiens en profondeur + journal de bord à remplir pendant 15
jours + collecte des emballages + collage + reportage photo + reportage vidéo +
réunion de groupe avec créativité. Unilever a fait de l'observation, en
Roumanie, pour comprendre comment mangeaient les Roumains. Pour son programme
Pulse, McCann Erickson combine trois niveaux d'analyse : une étude ethnologique
des médias, des interviews d'experts et des réunions de groupe de consommateurs
et ce, dans 80 pays sur les cinq continents. Pour réaliser son enquête sur les
attentes en matière de parfums et de bien-être, commanditée par The Fragrance
Foundation et dont les résultats ont été présentées lors du Symposium "Well
being, aromachology and the future of fragrance", Worlding a travaillé à partir
de plusieurs sources en Europe, au Japon et aux Etats-Unis : étude
documentaire, interviews d'experts (20), observations (particulièrement des
comportements d'achat), interviews à domicile (100). « Les études
comportementales reviennent à la mode, remarque Marc Vanrenterghem, directeur
général de Reason Why, parce qu'il faut revenir à la réalité. » WSA fait des
observations commentées. Cyrille Gazave, JPF Conseil, reconnaît qu'elle fait
plus de "trajets accompagnés". Category management oblige, « l'observation est
bien adaptée aux problématiques en point de vente », note Laurent Yvart,
directeur adjoint du département Qualitatif Stratégique de TNS Sofres, qui
constate que, d'une manière générale, le quali est amené à proposer des
protocoles d'expériences qui abordent la problématique client sous différents
angles (point de vente, relation client, communication).
Le Qualitative Village est né
« L'idée du Qualitative Village est partie de deux besoins, explique Aldo Nonis, ex-cofondateur d'Insight, qui vient de fonder Creative Works, une société d'études quali. Les clients veulent, à la fois, des personnes qui ont de l'expérience et qui sont totalement impliquées dans leur étude. » C'est là que le bât blesse quand on est une petite structure : il faut trouver des compétences complémentaires et du temps pour être disponible. Le Qualitative Village est donc la marque qui fédère quatre sociétés d'études qualitatives et de conseil à dominante stratégique et créative. Allegoria (fondée par Adeline Attia en 1991), Creative Works (fondée par Aldo Nonis en 2002), ID Sourcing (fondée par Pascale Dor, en 1987) et Roland Guenoun Conseil (fondée en 2002). « Qualitative Village, poursuit Aldo Nonis, réunit des expertises complémentaires (études de tendances, créativité, communication, innovation) de haut niveau dans une structure qui associe la souplesse des petites unités opérationnelles très spécialisées et les moyens méthodologiques et techniques d'un groupe. Le client qui décide de travailler avec Qualitative Village aura un seul interlocuteur, du brief à la fin de l'étude, et c'est ce dernier qui constituera l'équipe de consultants la plus pertinente au sein des différentes sociétés. » Un pont est construit vers le quanti grâce à un partenariat avec la société Dimension. Demain, Qualitative Village devrait intégrer progressivement, par cooptation, six autres partenaires aux compétences complémentaires. Condition : chacun devra diriger sa propre société.
Pour en savoir plus
"Qualitative Research - Through a Looking Glass", Esomar, 1998. "Les études qualitatives", par Françoise Frisch. Editions d'Organisation, 1999. "Paroles d'images, les méthodes projectives appliquées aux études marketing", par Georges Guelfand. Gaëtan Morin Editeur, 1999. "Guide pratique de la qualité en études de marché". Syntec Etudes Marketing et Opinion, édition 2000. "Qualitative Market Research - A comprehensive guide", par Hy Mariampolski. Sage, 2001. "Les études de marché - Comprendre le client", par François Laurent. Editions d'Organisation, 2001.