Dessines-moi un jeune
Parce que les enfants sont aussi des consommateurs avec un vrai pouvoir d'achat, mais aussi de prescription, les marques s'intéressent de plus en plus aux cibles jeunes et adolescents. Le quali a adapté ses techniques.
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«Enfants et adolescents sont des êtres en devenir, à la fois réceptifs,
révélateurs et acteurs des changements de la société contemporaine, constate
Yves Krief (Sorgem). Ceci ne les empêche pas d'évoluer dans leur univers
propre, à la fois singulier, riche, à rationalité spécifique et non
immédiatement accessible. » Les études, ciblant ces populations, se sont
multipliées depuis quelques années mais demandent une expertise spécifique,
notamment dans les phases quali. « On n'anime pas un groupe d'enfants comme on
animerait un groupe d'adultes », note Marc Vanrenthergem (Reason Why). « La
cible jeune demande une maîtrise particulière, il y a des erreurs à ne pas
commettre, souligne Laure Schapira, directrice Quali de Démoscopie. Nous
choisissons la méthode en fonction de la problématique et de l'âge. » ABC +,
Catherine Finet Conseil, Junior City..., figurent au nombre des instituts
reconnus pour leur savoir-faire générationnel. Reason Why a créé Reason Why
Kid, un département intégré spécialisé. Sorgem concrétise sa compétence quali
et sa connaissance des cibles junior par la création d'une division spécialisée
enfants et adolescents, Sorgem Junior Stratégies, dirigée par Louisa Taouk.
L'équipe, forte de quatre personnes, est complétée par un réseau de
collaborateurs experts (sémiologues, sociologues, psychologues) et de
professionnels de la cible (libraires, enseignants, animateurs de centres de
loisirs...). « Il est important de savoir écouter et décoder de façon
pertinente les discours des juniors, explique Louisa Taouk. Avec les enfants,
il faut prendre en compte la spécificité de leurs modes d'expression (langage,
dessin, jeux de rôles...) qui privilégient la pensée concrète, la sensibilité
et les symboles. Avec les adolescents, il faut prendre acte de leur
construction identitaire, entre rébellion et intégration, et de l'importance
qu'ils accordent à leur image sociale qui se traduit par des mécanismes de
défense comme l'opacité et la surenchère. » Les méthodes mises en oeuvre pour
interroger les enfants sont variées : duo, triades, minigroupes, interviews à
domicile... « Nous avons fait évoluer nos méthodes, admet Louisa Taouk. Nous
intégrons plus systématiquement le regard des parents, de la fratrie, voire des
grands-parents. Nous avons remarqué que les mères revendiquent la valorisation
de leur fonction de mère de famille et veulent ne plus être exclues du discours
des marques. Si ces dernières n'en tiennent pas compte, elles auront des
problèmes. Nous accordons aussi beaucoup d'attention à la veille culturelle
(fictions, TV, nouvelles technologies, produits de consommation). » Une
expertise junior qui vient compléter le travail réalisé, par ailleurs depuis
1994, sur les cultures urbaines. « Ces dernières sont de plus en plus complexes
et de plus en plus difficiles d'accès et demandent des clefs et des grilles de
lecture », reconnaît Serge Liminana, directeur de clientèle chez Sorgem. MFR
Stratégie Millward Brown a mis en place un panel de jeunes, interviewés
régulièrement pour suivre les tendances. Le groupe Aegis Research mène
actuellement avec Carat une réflexion au niveau international (études quali et
quanti) sur les jeunes dans le but de construire, à terme, une offre
spécifique. Ipsos développe un Observatoire des Jeunes. « Il faut apporter une
réflexion quali sur les cibles, pour comprendre les grandes mutations
générationnelles », souligne Stéphane Truchi. Pour inaugurer sa série de
petits-déjeuners de travail, Allegoria a choisi le thème de la "Génération
hors-piste : les 15-18 ans", une génération qu'Adeline Attia, sa directrice,
qualifie de « auto-adaptative, métamorphique et mosaïque ». Sans compter que
les sociétés d'études ont découvert récemment une nouvelle "race" de jeunes,
les "jeunes précurseurs", un vivier particulièrement intéressant quand on se
penche sur les tendances et les modes. Added Value a monté un panel
international de jeunes, "Leading Edge", pour les études ad hoc. « C'est
intéressant quand on veut trouver une cible plus aspirationnelle ou pour des
sessions de créativité », explique Leslie Pascaud, directrice d'Added Value.
Ainsi, pour Levi's, Added Value interroge ce panel deux fois par an sur toutes
les tendances de la mode. Le résultat est publié sous forme d'un magazine qui
montre au travers d'images, de textes, de graffiti, tout ce qui bouge.
Les Graines de Stars et la recherche marketing
Catherine Delaume, directrice générale de CDC, livre ici quelques réflexions et conseils sur le (bon) déroulement de groupes d'enfants. - Le recrutement : ni une halte-garderie ni une agence de casting. - Pas de groupe avec des enfants de maternelle, sauf des "Mat Sup" (Maternelle Supérieure/Grande Section) en fin d'année. S'assurer que l'enfant s'exprime bien en lui parlant. Ne pas se fier à la mère pour qui sa progéniture est forcément éveillée et créative ! - Dites bien aux mères que ce n'est pas parce qu'il est filmé que son enfant passera à la télé : pas de "fashion victims", mais un casting d'enfants sages et d'enfants rois tels qu'on les voit dans la rue, à la sortie des écoles, dans leurs endroits branchés. - Multiplier les points de rencontre : méfiez-vous, comme pour les adultes, des groupies juniors qui se vantent d'être sollicités par tous les instituts. - Le déroulement : ni en classe, ni en cours de récré. - Ne leur demandez pas de "disserts" sur des concepts : alterner la discussion, le jeu et montrer des stimuli. Pour les calmer, pensez à les faire dessiner, ce qui enrichit l'analyse et n'oubliez pas les pauses. - Modérez colas et jus d'orange : ça éveille l'esprit mais ça excite et donne envie de "sortir". Un recrutement efficace et un bon déroulement sont les garants d'une production riche.