Art et packaging : l'union sacrée…
Dans la première moitié du XXe siècle, la publicité et le décor des
emballages, pour les produits de grande consommation, étaient souvent créés par
des artistes de renom. Mucha, Savignac, ces noms résonnent encore aussi bien
pour la qualité de leur œuvre artistique que pour leur contribution à la vente
des produits sur lesquels ils ont exercé leur talent. Simultanément, les
Américains nous enseignent que la communication et la promotion des ventes sont
des affaires de spécialistes. Des domaines d'activité réservés aux équipes
marketing qui délaissent rapidement les artistes. Certes, ces derniers avaient
du flair pour faire vendre les produits, mais ne se laissaient pas si
facilement enfermer dans une méthodologie rationnelle et rigoureuse. Les
agences de publicité vont alors prendre la relève. Ce sont elles qui vont créer
les messages pour les différents supports de communication, puis feront appel
à des artistes pour réaliser les visuels. Pour assurer l'interface entre les
créatifs et les artistes, un poste a été mis en place dans les agences :
l'acheteur d'art. Sa fonction consiste à dénicher l'artiste idéal pour réaliser
la campagne et, bien évidemment, pour négocier sa prestation et les droits de
reproduction de son œuvre. Dans l'univers du packaging, nous assistons, à
quelques nuances près, au même phénomène. Les agences de design, elles aussi,
achètent des photographies et des illustrations à des artistes pour réaliser
les créations acceptées par leurs clients des services marketing. Malgré tout,
l'art continue d'entretenir un rapport très particulier avec le design
packaging.
Emprunts mutuels
Les designers trouvent
dans l'art des modèles graphiques exemplaires. Studio Line de L'Oréal puise
directement son logotype dans les compositions de Piet Mondrian. Basic Homme de
Vichy, dans les études de la physionomie humaine de Léonard de Vinci. Quelques
packagings sont des appropriations pure et simple d'œuvres. La Laitière de
Nestlé n'est autre qu'une reproduction de la laitière peinte par Johannes
Vermeer, au XVIIe siècle. Le café San Marco reprend un détail de La Création
d'Adam, peinte par Michel Ange, sur la voûte de la Chapelle Sixtine. Du
côté des artistes, la vie quotidienne reste une source d'inspiration
intarissable. Il n'est donc pas étonnant que des peintres modernes mettent en
scène des packagings dans leurs œuvres. En 1912, Picasso peint “Verre et une
bouteille de Suze”. Quatre-vingts ans plus tard, cette toile est reproduite en
série limitée sur la bouteille vendue au grand public. Contrairement à ce que
l'on pourrait penser, Andy Warhol n'est pas l'auteur du design des packagings
Campbell's. Il s'en est servi de modèle pour composer plusieurs de ses
sérigraphies. Le sculpteur César, lui, a compressé à plusieurs reprises des
emballages.
Du packaging à l'objet d'art…
La maison de
Champagne Taittinger a bien compris qu'il existait une passerelle évidente
entre le packaging et l'art. Certaines de ses bouteilles sont même devenues de
véritables objets d'art. Depuis 1983, des artistes reconnus décorent les grands
millésimes de la marque. C'est Victor Vasarely qui a inauguré une série, qui
s'est enrichie par la suite des signatures d'Arman, André Masson, Vieira da
Silva, Roy Lichtenstein, Hans Hartung, Toshimitsu Imaï, Corneille et Matta.
Aujourd'hui, il n'est plus rare de voir des marques faire appel à des artistes
pour concevoir des emballages événementiels. La dernière bouteille de Suze
créée par Christian Lacroix en est un parfait exemple. Le design packaging peut
trouver, dans le patrimoine artistique, de la matière et du fond pour soutenir
les ventes. Nous devrions visiter plus souvent les musées et les expositions.
Surtout lorsque nous sommes en quête d'inspiration…