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Le boom du social gaming

La gamification, et plus particulièrement les jeux en ligne, a marqué le monde du marketing. Ces nouveaux supports publicitaires interactifs s'appuient sur le succès des réseaux sociaux et affichent une progression spectaculaire.

Publié par La rédaction le
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Jennifer, new-yorkaise, vient d'acheter sa cinquième vache. Lucy, moscovite, a planté des grains de maïs sur l'une de ses parcelles de terre. Quant à Rémi, parisien, il s'apprête à vendre ses fraises arrivées à maturité. Quel est le point commun entre ces citadins que des milliers de kilomètres séparent? Tous les trois sont en réalité des joueurs accros à ... FarmVille, le jeu le plus populaire que l'on trouve sur Facebook. Depuis sa sortie, en juin 2009, ce divertissement en ligne - qui permet à chaque membre du réseau social de créer, puis de développer sa ferme - fait fureur. Imaginez: FarmVille totalise plus de 80 millions d'utilisateurs actifs aux quatre coins de la planète et son éditeur, la société américaine Zynga, créée il y a tout juste quatre ans, est valorisée entre... 15 et 20 milliards de dollars! Tout le monde est conquis. Même le big boss de Facebook. «Zynga a dépassé Electronic Arts (l'un des principaux éditeurs mondiaux de jeux vidéos, NDLR). On a donc découvert que les gens préfèrent jouer avec leurs amis. Zynga a introduit la dynamique sociale dans le jeu», déclarait Marc Zuckerberg, p-dg de Facebook, lors du Forum e-G8, qui a eu lieu à Paris, les 24 et 25 mai derniers.

Bic et son agence Buzzman innovent avec une campagne interactive détonante

Après le succès de «A hunter shoots a bear» (Un chasseur tire sur un ours), Bic et son agence Buzzman récidivent pour le plus grand plaisir des internautes. Cette fois-ci, le rasoir Bic Flex3 est au coeur d'un dispositif 100 % digital. Tout commence sur YouTube. Un spot met en scène un joueur de curling qui se rase de la tête au pied et s'élance sur la glace pour atteindre la cible. A la fin du film, l'internaute a le choix entre jouer à son tour ou devenir fan sur Facebook. S'il est joueur, il se transforme en balai de curling «humain» et fait évoluer le personnage sur la glace grâce aux touches de son clavier ou via sa webcam, qui détecte ses mouvements. Les meilleurs remportent un voyage en Suède, pays où l'on pratique le curling. La viralité se poursuit sur Facebook, où l'internaute peut télécharger des bons de réduction sur le nouveau produit Bic. «L'enjeu de cette opération est de faire exister Bic Flex 3 dans la shopping list des consommateurs européens», souligne Thomas Grangé, directeur général de Buzzman.

Un phénomène de masse

La France fait partie des pays qui aiment particulièrement s'amuser. Près de 65 % des habitants jouent aux jeux vidéo, marché qui pèse près de 3 milliards d'euros (étude CNC-GfK, 2009). Avec une forte appétence pour les jeux en ligne, qui attirent les trois quarts des joueurs tricolores, et un plébiscite pour la gratuité 73,4 % des internautes préfèrent les jeux gratuits à leurs homologues payants.

Contrairement aux idées reçues, ce sont les femmes qui sont les plus accros: elles représentent 52 % des joueurs, contre 48 % pour les hommes (CNC-GfK, 2009). Autre cliché qui s'évanouit: les jeunes ne sont pas les premiers à se divertir, puisque plus de la moitié des joueurs ont dépassé les 35 ans. Ce phénomène de société n'a pas échappé aux marques, qui ont trouvé là un nouveau moyen de faire du business. Elles ont compris que l'achat pouvait et devait être ludique. Et surtout, que le jeu est un moyen formidable d'obtenir des données. « Mais attention, prévient Eric Munz, p-dg de l'agence de marketing relationnel multicanal KDP Groupe, le but n'est pas d'obtenir le plus de données possibles, mais de récupérer des renseignements de qualité. » L'objectif du jeu est de faire un «data catching» performant, c'est-à-dire de récupérer des données qualifiées tout en créant de la valeur autour de la marque et une proximité avec les futurs acheteurs.

Que ce soit pour les fidéliser ou pour capter des prospects, il existe trois grandes catégories de divertissement: le jeu «monomarque», le jeu «multimarque» et le jeu en coregistration. Tous trois se distinguent par leur efficacité en matière de récolte de données. Dans le premier cas, les marques choisissent de communiquer seules, via un jeu qui leur est dédié et qui représente leur univers. Cette formule sur mesure est la plus répandue, car l'annonceur est seul maître à bord: image de marque, budget, déroulement de 'opération... Dans ce cas, le divertissement s'inscrit bien évidemment dans la stratégie de marketing globale de l'entreprise. Il vient soutenir un événement majeur (lancement de produit, nouveau site web, anniversaire, Noël, etc.)

Pour célébrer son cinquantenaire, la marque HäagenDazs (groupe américain General Mills) a ainsi organisé un grand jeu-concours sur sa page Facebook France Du 5 mai au 31 juillet 2011 , les internautes ont tenté de remporter cinq voyages à New York pour deux personnes, 50 coffrets «collector» de dégustation de glaces, 500 invitations à la boutique pour deux personnes et 5000 playlists «Le grand mix», confectionnées par la radio musicale Nova. Les fans de la page Facebook Häagen-Dazs France pouvaient également jouer en ligne pour participer à l'une des neuf soirées organisées par la marque, en France et à l'étranger.

Deuxième formule que peuvent choisir les annonceurs: le jeu «multimarque» qui consiste à associer plusieurs entreprises pour promouvoir une gamme de produits ou de services.

Avec cette option, la marque n'est pas la seule valorisée, mais elle bénéficie de la notoriété de son ou de ses partenaires. En outre, cette synergie permet de diffuser plus largement le jeu et de toucher des publics qu'une marque seule n'aurait pu atteindre Enfin, avec le jeu multimarque, les coûts sont partagés, donc les investissements s'avèrent moins lourds pour chacun des annonceurs qui y participent. Du 16 juin au 24 août 2011 , la marque de smartphones HTC et l'opérateur Orange ont organisé, sur leur fan page, un jeu commun, qui permettait aux internautes de gagner un tour du monde pour deux personnes ou des smartphones.

Cette opération s'encapsulait dans un dispositif plus global, mené en magasin, tandis qu'une campagne d'affichage intégrant un flashcode renvoyait au site dédié: Htcairlines.com. « Le jeu multimarque est intéressant. Toutefois, il est primordial de conserver une politique CRM dédiée et de garder sa propre logique commerciale », prévient Nicolas Babin, dg de ConcoursMania (spécialiste des jeux promotionnels en ligne). Troisième et dernière catégorie destinée à «aspirer» des données: le jeu en coregistration Pour participer, l'internaute doit préalablement s'abonner à la newsletter d'une marque, devenir membre de son site internet ou encore être fan de sa page Facebook. La coregistration peut être monomarque ou multimarque. Son intérêt: comme les critères à renseigner demeurent très pointus (civilité, âge, code postal, etc.), les data recueillies par l'annonceur sont forcément très qualifiées.

Le guide en ligne Restopolitan.com (4 000 restaurants en France) a retenu ce principe et fait appel à ConcoursMania pour le mettre en oeuvre. Que ce soit sur sa page Facebook ou sur son site web, Restopolitan rend sa newsletter accessible à tous les internautes qui fournissent leur adresse e-mail et leur code postal. Créé en décembre 2006, le site organise régulièrement des jeux-concours pour appuyer son dispositif de coregistration.

Magnum joue la carte de l'interactivité et de la gourmandise pour séduire ses clients

«Lorsque nous avons lancé le jeu La chasse aux plaisirs au niveau mondial, l'adresse a été le lien le plus tweeté», se réjouit Nicolas Dron, chef de groupe snacking chez Unilever. En ligne depuis avril dernier, le dispositif, imaginé par l'agence Lowe Brindfors, joue la carte de l'interactivité et de la gourmandise. Tout comme dans un jeu vidéo, l'internaute utilise son clavier pour guider une jeune femme qui, tout au long d'un parcours, doit attraper un maximum de chocolats. Le personnage virtuel évolue dans l'univers de la marque: chaque étape du jeu est distinguée par un changement de décor. En fond d'écran, les sites de divers partenaires comme Samsung, Dove ou encore YouTube apparaissent. «Nous souhaitions montrer des marques que nos consommateurs côtoient au quotidien », ajoute le chef de groupe. L'opération se prolonge sur Facebook, où le jeu est également accessible via la page de la marque. «Cette opération nous a permis de gagner plus de 250 000 fans en France», assure Nicolas Dron. Il y a des jours où plusieurs milliers de fans dans le monde rejoignent la communauté Magnum. La viralité, visiblement ça fonctionne: «Certains internautes viennent jouer, d'autres deviennent fans, chacune des actions nourrit l'autre. Sans le jeu, le recrutement aurait été plus difficile sur Facebook», constate Nicolas Dron. Avec ce dispositif, Magnum a dépassé le statut de simple glace et ne parle plus uniquement de chocolat ou de saveur, mais entre réellement en interaction avec le consommateur.

La simplicité ne nuit pas à l'efficacité

L'annonceur doit proposer un dispositif simple. « Le jeu doit être facile et clair. Pas d'animations vidéo Flash Player, qui mettent longtemps à charger», souligne Mathilde Chenel, country manager France chez Planet 49, agence de collecte de données via les jeux en ligne. Nicolas Babin, dg de ConcoursMania, confirme: « L'intérêt est que l'internaute passe un moment agréable et que le lot à gagner soit attractif. » Avec le Grand jeu atomic anniversaire réalisé par ConcoursMania, Office Depot a réussi une opération simple et efficace. Pour son 24e anniversaire, la chaîne de magasins spécialisée en fournitures de bureau a mis en place le shi-fu-mi («pierre-feuille-ciseaux», jeu de hasard d'origine chinoise, qui s'effectue avec les mains) sur deux sites dédiés et sur Facebook. Le jeu mettait en scène six personnages aux noms décalés (Lady Baba, Paris Milton ou encore Ray Domenechor).

Les joueurs devaient choisir un personnage et s'affronter lors de plusieurs duels. Les objectifs d'Office Depot? Soutenir et renforcer sa campagne de communication nationale, générer du trafic et, surtout, promouvoir ses produits. L'enseigne a donc inséré des modules promotionnels spécifiques dans la mécanique même du jeu. « Entre chaque round, nous avons introduit un personnage officiel Office Depot qui présentait, sur une pancarte virtuelle, une des promotions du moment», explique Fabrice Trinité, responsable e-content chez Office Depot. La récurrence des actions commerciales renforçait la visibilité de la marque. Parallèlement, un dispositif complet de supports promotionnels a été déployé pour consolider l'opération (bannières, affiliations, images pour la page fan Facebook, e-mails du jeu). Résultat: plus de 15 000 internautes ont participé. Durant les deux premières semaines, le nombre de joueurs a été multiplié par cinq. Les personnages amusants et le ton décalé ont eu l'effet escompté. «Avec plus de 40 % de taux de participation, nous avons pu accroître notre visibilité auprès de multiples cibles», ajoute Fabrice Trinité. En optant pour une déclinaison multicanal de son jeu (Web + print+ réseau social), la marque a réussi à atteindre rapidement un taux de transformation de 41 % et un taux d'opt-in de 57 %, «des chiffres supérieurs aux performances constatées sur d'autres jeux monomarque »; indique Laetitia Doens, directrice de clientèle chez ConcoursMania.

Un jeu multicanal qui dure longtemps

L'enjeu, pour la marque, est de collecter au mieux les données des consommateurs pour ensuite les amener à acheter ses produits ou ses services, que ce soit en ligne ou en point de vente. Pour cela, tous les moyens sont bons: site internet, réseaux sociaux, mobile, vidéos. Le tout relié à la presse papier, aux magasins, aux flyers et autres affiches dotées de code 2D. Parmi les stratégies multicanal les plus «payantes», on trouve diverses combinaisons

- réseau social + points de vente ;

- magasins + Web + mobile;

- presse + Web ;

- et enfin, réseau social ou Web + mobile + lieu géographique déterminé (pour les chasses au trésor grandeur nature)

C'est cette dernière combinaison que l'enseigne Flunch a retenue pour son jeu. Sur les conseils de l'agence de marketing relationnel ETO, la chaîne de restaurants a mis en place un dispositif multicanal utilisant la géolocalisation avec FoursquareAccessible depuis un smartphone, Foursquare permet à l'utilisateur d'indiquer où il se trouve pour y rencontrer des proches grâce à la géolocalisation.. Le but? Offrir des réductions aux meilleurs clients, c'est-à-dire ceux qui se sont le plus géolocalisés dans un ou plusieurs restaurants. En cumulant des badges relatifs aux différents restaurants visités, le mobinaute accède à des offres privilégiées: par exemple, un café offert.

Les plus assidus sont devenus les ambassadeurs, - appelés «maires» - de leur restaurant préféré sur Foursquare. Et pendant leur «mandat», ils payaient leurs plats au tarif unique de cinq euros. Le jeu a pris dans chacun des 232 restaurants. Flunch a «élu» 127 ambassadeurs. Par ailleurs, près de 7 500 clients ont gagné un café gratuit. Ce n'est pas un hasard si Flunch et ETO ont choisi un «divertissement social». Avec le jeu sur mobile, c'est la tendance qui monte dans l'univers du jeu marketing.

D'ailleurs, l'institut d'études économiques public XerfiEtude «World Video Game Companies Hardware- Software- Mobile and Socia Gaming», Xerfi, juin 2010. indique que «pour l'heure, l'avènement des jeux mobiles et sociaux a davantage pénétré l'inconscient collectif qu'il n'a fait la fortune de leurs éditeurs». Toutefois, ce même institut affirme que ces deux types de jeux en ligne vont monter en puissance dans les années à venir et qu'ils concurrenceront très sérieusement les «mastodontes traditionnels du jeu vidéo». Une belle bagarre en perspective...

La rédaction

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