Préparer l'avenir : "la ré-opt-inisation" est le maître mot
La future législation sur l'économie numérique pourrait restreindre l'utilisation du e-mailing aux seuls internautes qui en ont donné volontairement la permission. Exit les adresses collectées avec l'option désabonnement. Il devient urgent de préparer ce grand changement.
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Que va devenir le marché des fichiers d'e-mailing d'ici la fin de l'année ?
Son grand défi s'appelle le permission marketing dit "opt-in". Les syndicats de
la profession ont pendant longtemps pratiqué une vision libérale : qui ne
s'oppose pas, acquiesce. La transposition de la directive européenne sur la
permission pure dans la législation nationale, devrait donc provoquer une forte
diminution de la taille des fichiers constitués avec "acquiescement" ou avec
l'option désabonnement ("opt-out") mais en absence de permission marketing
librement exprimé. « Il ne restera pas plus de 500 000 à 700 000 adresses dans
les fichiers », estime Philippe Bisiaux (Adress Company Interactive). Soit
moins de 5 % de la population des internautes. Parmi les 700 000 adresses
gérées aujourd'hui par Adress Company Interactive, seulement 90 000 sont en
"permission pure". « Annoncer aujourd'hui 10 millions d'adresses en permission
marketing est une aberration complète, il ne peut pas y en avoir plus de 2
millions », ajoute Sohrab Heshmati (Impact Net). La question du permission
marketing se pose souvent lors du rachat des bases des entreprises en cessation
de paiement. Premièrement, on ne sait pas dans quelles conditions les adresses
ont été collectées. Et il n'y plus personne dans l'ex-start-up pour répondre.
Peut-être les adresses ont-elles été collectées en double permission marketing.
Ou bien "aspirées"par un robot sur le Web de la manière la plus sauvage,
devenant du coup un outil de "spamming". Ou encore enregistrées lors d'un achat
ou d'une demande d'information, sans prévenir l'internaute que son adresse
e-mail allait être louée ou revendue pour des opérations d'e-mailing. Une
hypothèse des plus plausibles. Deuxième interrogation lors du rachat : le
permission marketing est-il transférable ? Et quand l'autorisation d'envoyer
des communications a été accordée à une entreprise précise, sur la base de sa
notoriété ou bien des relations de confiance que l'internaute entretenait avec
elle, est-ce que l'on peut vendre ce permission marketing comme n'importe quel
bien mobilier ? Un message informant l'internaute du transfert du fichier et
lui offrant l'option de se désabonner vaut-il un permission marketing accordé
au départ ?
Le permission marketing n'est qu'explicite
Il existe des cas plus complexes, comme l'achat de fichiers de professionnels
auprès de magazines spécialisés. Ces fichiers sont parfois considérés comme
"permission implicite", les abonnés s'y sont inscrits pour recevoir quelque
chose. Oui, mais sur le plan légal, le permission marketing aujourd'hui ne peut
être qu'explicite. Certains opérateurs déclarent craindre le "blanchiment" des
fichiers, la transformation en "permission marketing" des adresses qui n'en
étaient pas dotées, par un simple jeu d'écritures. Le risque existe en effet.
Pourtant les acteurs du marché envisagent déjà une "ré-opt-inisation" de leurs
fichiers, un passage au permission marketing pur pour les adresses collectées
hors cette permission. Une démarche qui provoquera une baisse immédiate et
probablement importante du nombre d'adresses dans les fichiers. « Nous allons
envoyer un message - "Etes-vous toujours d'accord pour recevoir nos
informations ?", détaille Emmanuel Armand (Reed). Tout le monde ne répondra
pas. Et je pense que nous allons perdre 50 % des adresses. Alors, nous allons
travailler pour réenrichir notre base, mener de nouvelles opérations marketing
et télémarketing, des actions sur des salons, des jeu... Nous allons utiliser
toutes les méthodes du recrutement grand public. » Et de poursuivre : « La
composition des messages va aussi changer. Hier, nous avions une toute petite
case de désabonnement, juste ce qui était préconisé par la Cnil. Demain, il y
aura une case de permission et nous allons la faire la plus grande possible ! »
« Demander aux gens de confirmer encore une fois qu'ils sont toujours d'accord
pour recevoir les infos, cela ne me paraît pas superflu, ajoute Stéphane Merger
(Claritas). Certains professionnels ont peut-être peur de perdre une partie des
adresses de leurs fichiers. Pourtant ce nettoyage serait bénéfique et
permettrait d'améliorer la qualité des messages délivrés. Dans l'e-mailing,
envoyer plus de messages ne coûte pas beaucoup plus cher, mais vous perdez en
notoriété, aussi bien celle de l'annonceur que celle du prestataire qui devient
moins crédible. » « Nous avons entamé une démarche de "ré-opt-inisation" de nos
fichiers il y a deux ans, raconte, quant à lui, Guillaume Multrier (Netarget).
Lors des différents concours, lorsqu'il y a un prix à la clé, à la fin du
questionnaire, une case vierge interpelle l'internaute : "Vous voulez vraiment
recevoir des messages de notre part ?" Le taux des réponses négatives oscille
entre 30 et 40 %. Mais, après cette opération, le taux de clics augmente de 10
%, passant, par exemple, de 15 à 17 %. » Certes, il ne s'agit pas d'une
augmentation majeure. En même temps, la "ré-opt-inisation" provoquera à coup
sûr un nettoyage des fichiers et une remise à plat de la politique de
recrutement. Une démarche bénéfique et un investissement à long terme pour le
marché des e-fichiers.