Bien au chaud dans sa niche
Peut-on exister quand on est une petite structure face aux pachydermes du marketing relationnel ? Oui, si on choisit une niche de marché comme les seniors, les jeunes ou les femmes. Mais attention : les places sont chères et, pour l'essentiel, déjà occupées.
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Peut-on encore, en 2002, monter son agence de marketing direct, ou
relationnel, pour employer le terme en vogue ? Difficile si on se positionne
sur le créneau généraliste, et que l'on se retrouve face aux filiales des
groupes de communication internationaux. En période de récession des budgets
marketing, et même si le hors-médias souffre moins que la publicité d'image, la
concurrence est d'autant plus féroce, et les agences en place n'ont pas
l'intention d'abandonner des parts de marché aux petits nouveaux. A moins de
choisir une niche et d'apporter une expertise ad hoc. Senior Agency a montré la
voie pour la cible des plus de cinquante ans, Baby Adgency vise les jeunes
parents (voir aussi MD n° 63), Relation'elles cible les femmes et Regenere les
jeunes. Mais ce positionnement très spécialisé est-il bien reçu auprès des
marques ? « Il en faut. Les annonceurs nous demandent de trouver ce type de
structures pointues », précise Stéphanie Pitet, de Gibory Consultant. Mais,
tempère-t-elle, « il n'est pas facile pour ces petites agences de suivre un
annonceur sur le long terme. Elles sont plutôt utilisées sur des coups, de
façon tactique. » Regenere, anciennement Premier Reflex, s'est d'abord situé
sur le créneau des jeunes avant de penser marketing. Elle s'occupe
exclusivement des 15-25 ans et se présente comme "agence de marketing
générationnel". Créée en 1997 par Rodolphe Roux et Yann Dacquay, étrangers au
sérail du marketing, Regenere a pour objectif de « créer de la connivence entre
les marques et les jeunes grâce à tous les outils hors-médias importants »,
selon Yann Dacquay, directeur associé. C'est en aidant les entreprises à se
rapprocher du monde associatif étudiant que les deux créateurs de l'agence
"jeunes" s'aperçoivent que l'opérationnel donne de meilleurs résultats que la
communication médias. Leur arme : un observatoire de la place des jeunes dans
la société, d'abord en termes de positionnements globaux, puis déclinés selon
les tendances ou les communautés. L'agence emploie 20 salariés, a réalisé 1,98
million d'euros en 2001, et vise les 3 millions d'euros en 2002. Parmi les
budgets gagnés, on trouve la Carte Imagine R de la RATP, la carte Mosaïque pour
le Crédit Agricole et d'autres marques grand public comme Yop, Nescafé ou
Wanadoo. Yann Dacquay croit beaucoup en son concept : « Le modèle jeune
fonctionne car la cible est beaucoup plus large que ce que l'on pourrait
penser. L'ensemble de la société tend au jeunisme. » Le succès de la formule
commence à attiser les convoitises et des réseaux ont approché l'agence. « Nous
tenons à notre indépendance, mais il est difficile de résister aux chants des
sirènes », énonce Yann Dacquay. Le fait de s'appuyer sur un pôle consulting et
un observatoire, véritable "trésor de guerre" de l'agence, lui permet
d'effectuer une régénération des marques auprès de la cible jeune et d'afficher
des tarifs 10 à 30 % plus élevés que ceux des autres agences.
Piquée par le virus du MD
Regenere utilise bien sûr les
nouveaux moyens de contacts que sont l'e-mail ou le SMS, particulièrement
adaptés à cette clientèle des 15-25 ans. « Cela permet de jouer sur la
transversalité des supports. Nous venons du marketing direct traditionnel, nous
en appliquons les règles au on line, au SMS, au street marketing », détaille
l'associé de Regenere. Mais toujours en prenant garde d'éviter l'intrusion, et
avec comme objectif de "créer le buzz" (la rumeur). Regenere affirme que les
taux de clics sur les opérations réalisées par l'agence ne sont jamais
inférieurs à 25 % sur les campagnes e-mails, contre une moyenne de 3 à 10 %. «
Nous sommes même prêts à garantir ces résultats sur demande de l'annonceur »,
affirme Yann Dacquay. Pour lui, si l'on veut réussir dans le marketing
relationnel, il faut se démarquer et posséder une légitimité sur son créneau.
Autre exemple de niche : les femmes. Pourtant, avec 52 % de la population
française, cette cible féminine correspondrait plutôt à la majorité des
consommateurs. Néanmoins, aucun annonceur ne semble avoir encore compris qu'il
fallait s'adresser différemment aux femmes qu'aux hommes, surtout en matière de
mailing. C'est sur ce constat que Brigitte Gancel a créé tout récemment son
agence Relation'elles, qu'elle a lancée, logiquement, le 8 mars, journée de la
femme. Avec une expérience de vingt ans en agences de marketing direct (FCB,
Ogilvy, Publicis Direct et J. Walter Thompson), précédée d'un séjour à France
Loisirs, Brigitte Gancel descend dans le Midi, où elle crée une structure
spécialisée en marketing direct, BG Conseil, avant de remonter sur Paris
l'année dernière et d'intégrer l'agence Venise. « J'ai été piquée par le virus
du marketing direct, que j'ai appris auprès de pointures comme Bruno Manuel,
Philippe Defresnois ou Denis Bonnet », raconte la fondatrice de Relation'elles.
Première agence de "marketing relationnel femmes", celle-ci a pour objectif de
conseiller les annonceurs qui désirent mieux s'adresser à cette cible féminine.
Par exemple, certains constructeurs automobiles tentent de féminiser leurs
messages. Mais ils tombent, selon Brigitte Gancel, dans l'excès inverse,
décrivant dans leurs messages "une caricature de femme". « La femme est une
mosaïque, pas facile de la contenter », remarque la présidente.
Des détails qui n'en sont pas
Brigitte Gancel a fait le tour des
groupes pour leur proposer son idée, mais la période, juste après l'explosion
de la bulle Internet, sans parler des attentats du 11 septembre, n'a pas été
très propice. Elle a donc monté sa propre structure, plutôt légère aujourd'hui
avec deux personnes, mais qui s'appuie sur un réseau de partenaires
indépendants (base de données, études qualitatives, studio de création). « Je
n'ai pas voulu créer un mastodonte, au contraire. Nous sommes une structure à
taille géométriquement variable, qui mise sur la souplesse et la réactivité »,
explique la fondatrice de Relation'elles. Concrètement, cette agence "femmes"
se propose d'apporter aux annonceurs son expertise sur "les détails qui n'en
sont pas". Exemple : si l'on envoie un mailing sur l'environnement à une femme,
il faut définitivement l'imprimer sur du papier recyclé. Une demande de
collecte de fonds devra présenter un visage modeste (mauvais papier, pas de
fioritures). En revanche, pour un message purement commercial, la cible
féminine appréciera de recevoir une belle enveloppe et du beau papier. Ce genre
de détails peut, selon Brigitte Gancel, faire passer le taux de retour d'un
mailing de 0,5 à 3 ou 4 %. A peine lancée et déjà courtisée par les groupes,
Relation'elles se fixe un objectif de 300 000 euros de marge pour 2002, et
revendique déjà trois clients, dans les cosmétiques et le loisir. Mais l'agence
ne sera une vraie réussite que lorsqu'elle parviendra à convaincre les sociétés
qui ont un discours générique ou masculin : bricolage, automobile, presse ou
banque assurance. « Ce sont les annonceurs des traditionnels bastions masculins
qui doivent venir nous voir ! », conclut Brigitte Gancel.