Social listening : comment extraire des insights performants ?
"Le social listening c'est de l'artisanat. Lorsqu'on réalise une étude quali ou quanti, on choisit la matière que l'on étudie alors qu'en social listening nous en sommes tributaires, sans savoir ce que l'on va trouver" , affirme Anna Oualid, directrice social media research de l'institut d'études OpinionWay. La démarche de social listening est donc une approche plus empirique que celle pratiquée dans les études traditionnelles. Elle consiste à écouter de façon spontanée et non guidée ce que disent et postent les consommateurs sur internet, que ce soit en commentaires d'articles, sur les forums ou sur les réseaux sociaux. Passé le premier niveau de veille sur la marque et ses concurrents, "le social listening permet aussi, d'identifier les signaux faibles de nouveaux comportements de consommation, les tendances émergentes et de mieux comprendre sa cible et ses besoins", explique Xavier Lélut, Head of Strategic Accounts EMEA, chez Meltwater, société spécialisée en media intelligence. La démarche de social listening sera alors utilisée pour une communication plus pertinente et personnalisée ou dans une logique proactive d'innovation produit. "Elle sert aussi de plus en plus une dimension lifestyle, pour identifier des communautés en ligne, celles qui impulsent de nouveaux codes de consommation ou celles qui les vivent, l'important est de pouvoir coller au plus près de leur quotidien ! ", revendique Anne-Cécile Guillemot, co-fondatrice de Dynvibe, spécialisée dans la social media intelligence. Reste aux annonceurs de savoir s'ils confieront cette démarche aux instituts traditionnels qui, pour la plupart, ont développé une offre de social listening ou à des acteurs initialement spécialisés dans les outils de veille, qui ont fait évoluer leur offre avec un volet étude et conseil ?
L'analyse sémantique, l'usage le plus développé de l'IA à date en social listening
"L'écoute du web est propice à l'utilisation de l'IA puisque cela représente un gros volume de données déstructurées et à forte récurrence : des verbatims spontanés " Voix du client " ", explique Stéphanie Passareira, directrice générale adjointe de l'institut d'études INIT. Les études de social listening sont donc souvent menées dans un périmètre international avec ensuite des spécificités identifiées par pays. Grâce à l'analyse de mots-clés et de hashtags, il est ainsi possible de faire émerger des insights opérationnels pour les annonceurs, l'avantage étant qu'il est possible de remonter, presque instantanément, jusqu'à douze ou vingt-quatre mois d'historique : "au-delà, plus on remonte dans le temps, plus on risque de perdre des contenus", précise Anna Oualid. Plusieurs étapes sont néanmoins nécessaires pour aboutir à l'identification de signaux faibles : "Le premier niveau d'analyse est celui de l'interprétation des contenus, grâce notamment au Natural Language Processing. Puis, vient une phase de structuration des éléments récupérés que ce soit par sujets, lieux géographiques, émotions etc. pour ensuite en sortir des tendances émergentes ou un niveau de maturité sur un sujet", explique Guillaume Decugis, CEO de Linkfluence, spécialisée dans l'écoute et l'analyse du web social. " Il est important de ne pas négliger la phase exploratoire et la définition des mots et expressions analysées", sensibilise Florence Doré, directrice marketing chez Kantar, "par exemple si l'on étudie le flexitarisme, nous allons aussi regarder des thèmes associés comme le bien-être animal ou la pêche durable, des valeurs fortement liées à ce nouveau courant de consommation". Anna Oualid précise : "Il ne faut pas non plus oublier de regarder ce qui est recherché sur le web, tout le monde n'écrit pas sur internet mais une grande part y fait ses recherches, ce qui donne des indications précieuses sur les sujets chauds du moment". A date, l'intelligence artificielle est donc principalement utilisée pour analyser ce qui est dit sur le web social, même si l'analyse des photos et vidéos se développe, principalement sur de l'analyse de logo, pour identifier les sponsorings dans le milieu sportif ou surveiller les contrefaçons dans le secteur du luxe.
Le social listening, une démarche complémentaire aux questionnaires et enquêtes
L'intelligence artificielle est rarement utilisée seule : "Elle permet d'effectuer un premier balayage exploratoire, sélectionnant des dizaines d'items sur plusieurs millions de conversations. Aux analystes ensuite, d'affiner cette sélection pour n'en conserver que quelques-uns et retravailler sur les spécificités et nuances sémantiques. L'IA a par exemple encore des difficultés à identifier l'ironie, il y a donc un fort enjeu de contextualisation des conversations", explique Aurélien Blaha, Chief Marketing Officer chez Digimind. De plus, comme le rappelle Guillaume Laborde, Deputy General Managez chez Happydemics : "le web social ne représente qu'une partie de la population, il ne suffit pas à traduire la réalité de l'opinion, car il sur-représente les personnes les plus actives, aux dépens d'une majorité silencieuse". Il n'est donc pas rare que soient lancées en amont ou en parallèle des études quali ou quanti : "cela nous permet de confirmer qu'une tendance identifiée sur le web prend vraiment consistance dans le monde réel. A l'inverse, on constate que des critères d'achat, comme le poids d'un ordinateur, sont très discriminants au moment de l'acheter mais qu'il y a peu de conversation à ce sujet sur le web" explique Sabra Mieli, directeur des solutions Gfk. Marion Rossi, directrice de CSA Qualitative partage cet avis : "l'IA nourrit ainsi le quali qui intervient en amont pour identifier la bonne donnée à collecter et en aval pour donner du sens à la data sociale".
Comment les pratiques du social listening vont-elles évoluer ?
" Grâce aux progrès technologiques, le premier challenge est de pouvoir hybrider les modes de collectes et varier les types de datas pour mieux se connecter aux consommateurs", soulève Bruno Colin, CTO de Strategir, avant de poursuivre "Ensuite, vient l'enjeu de l'analyse combinée du verbal et du non verbal : photos, vidéos, audio, supports de communication phares des nouvelles générations ". Guillaume Decugis complète alors : "Les médias visuels ont pour avantage d'apporter des éléments de contexte quant à l'utilisation d'un produit : est-il consommé seul ou à plusieurs, à quel moment de la journée etc. . Des progrès sont néanmoins encore à apporter sur la performance des algorithmes, aujourd'hui coûteux à mettre en oeuvre de façon systématique sur l'ensemble des contenus visuels publiés". L'analyse des éléments animés permettra aussi d'ajouter une nouvelle couche d'information plus émotionnelle, que ce soit dans l'analyse des tonalités de la voie qui donnera une indication sur l'humeur de la personne ou du visage pour identifier les émotions ressenties. "Lors d'une récente étude de notre ThinkTank UNIR sur les véhicules autonomes utilisant l'analyse de contenus verbaux et non verbaux, une vidéo montrant un premier véhicule autonome passant un péage est remontée dans les éléments analysés. L'information semble positive à premières vues pourtant, la vidéo montre aussi une passagère peu sereine, exprimant ainsi des émotions plus mitigées", nous confie Christophe Ramond, directeur des études pour l'association Prévention Routière. Enfin, il semble que nombre d' instituts d'étude ou de plateformes de média intelligence, se tournent progressivement vers la proposition d'une solution 360° allant de l'identification des insights, à la partie recommandations et jusqu'à la création de communautés en ligne et l'achat d'espaces média en programmatique : de quoi devenir le partenaire unique de l'annonceur sur sa problématique de lien social avec sa ou ses communautés en ligne.
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