DossierLuxe : calme et volupté ? Pas si sûr...
Si le secteur du luxe possède toujours la volupté, son calme n'est, en revanche, qu'une apparence. Premium, haut de gamme : certains secteurs se " luxuisent " tandis que le luxe se " popularise ". Des mutations riches en opportunités !

Sommaire
- Quelle définition pour le luxe aujourd'hui ?
- Haut de gamme vs. luxe: quelles différences ?
- Un secteur en plein essor ?
- Une marque ne naît pas "luxe": elle le devient
- Interview de Philippe Roblin: "Le luxe est inutile, c'est du superflu"
- Comment transformer un K-Way en un produit de luxe ?
- Vers une disparition du luxe ?
- Le luxe est-il accessible à toutes les marques ?
1 Quelle définition pour le luxe aujourd'hui ?
2 Haut de gamme vs. luxe: quelles différences ?
Vouloir comparer le luxe et le haut de gamme revient à mettre en opposition deux registres : la comparaison et la singularité. "Une marque premium s'affiche comme le leader de sa catégorie, la première de la classe. Une marque de luxe est la meilleure. Elle est unique", tente de définir Christophe Padère, CEO de BETC Design. Au rationnel s'oppose l'irrationnel. Une firme premium vante les qualités intrinsèques de ses produits, quand une marque de luxe vend un rêve inaccessible. Selon Brice Auckenthaler, fondateur de Tilt Ideas, cabinet de prospective et de veille, le défi pour les premiums est "d'offrir le meilleur des deux mondes : adopter les codes du luxe mais à un prix abordable".
Cependant, une marque premium ne deviendra jamais une marque de luxe. Parce qu'elle ne porte pas les gènes de l'excellence dans son ADN. En revanche, elle pourra monter en gamme et revendiquer un positionnement "uber premium". En se segmentant, les deux univers sèment le trouble dans l'esprit du client, qui évolue dans une consommation de moins en moins codée. "Le marché se développe autour de deux extrêmes : le low cost et l'"uber premium". De sorte que le ventre mou, qui se situe entre les deux, souffre davantage. D'où l'intérêt des marques à monter en gamme. Mais toutes n'ont pas cette vocation", analyse Brice Auckenthaler.
3 Un secteur en plein essor ?
Le très haut de gamme est un marché qui ne connaît pas la crise. On comprend que ce secteur fasse rêver plus d'une marque. Selon le cabinet Bain & Company, le marché mondial des articles de luxe devrait atteindre une valeur de 223 milliards d'euros en 2014, contre 212 milliards d'euros en 2012. Les prévisions pour 2015 sont de l'ordre de 250 milliards d'euros. L'étude de Bain & Company révèle également que de nombreux consommateurs recherchent désormais plus de valeur dans ces produits.
Les marques premium et le marché du luxe d'occasion sont portés par les consommateurs mûrs, dont le budget plafonne et qui s'orientent vers des marques plus accessibles, ainsi que par les acheteurs aspirationnels à revenus moyens. "Nous observons une polarisation croissante parmi les marques prestigieuses et l'émergence rapide d'un segment alternatif au luxe. Ces marques haut de gamme se rapprochent des firmes de luxe et véhiculent une image statutaire qui dépasse celle de leurs produits", souligne Marc-André Kamel, associé au bureau français, en charge du pôle de compétences européen luxe et distribution de Bain & Company. Signe des temps et de la popularisation du secteur, les accessoires très haut de gamme représentent désormais 29 % du marché mondial.
4 Une marque ne naît pas "luxe": elle le devient
Monter en gamme, c'est changer la perception de la marque, la rendre plus désirable.
Sortir du lot revient à se singulariser. Monter en gamme, c'est changer la perception de la marque, la rendre plus désirable. "Pour qu'une firme soit crédible, elle doit signer son excellence par une qualité irréprochable, afficher des signes de raffinement et proposer du sur-mesure. Il faut établir une corrélation directe entre l'expérience de marque et l'expression de la marque", précise Delphine Dauge, directrice de Brandimage, agence spécialisée dans le luxe. Le défi étant de tenir cette promesse.
Plus le client s'intéresse au haut de gamme, plus il est informé sur le produit qu'il convoite et exigeant. Revendiquer un savoir-faire est un des modes de communication privilégié des marques prestigieuses. Les Journées particulières de LVMH et le Festival des métiers d'Hermès ont pour objectif de démontrer la maîtrise d'un savoir-faire ancestral. Dans cette approche, les firmes premium ne peuvent s'accrocher ni à un nom ni à un créateur. Comment s'inventer une histoire ? "Elles construisent leur image et leur storytelling autour d'une date ou d'une égérie", observe Delphine Dauge.
Sortir du lot revient à se singulariser. Monter en gamme, c'est changer la perception de la marque, la rendre plus désirable. " Pour qu'une firme soit crédible, elle doit [...]
5 Interview de Philippe Roblin: "Le luxe est inutile, c'est du superflu"
Philippe Roblin est directeur associé de l'agence Bayadères, spécialisée dans le marché du luxe et ses tendances en termes de communication.
Quelle différence faites-vous entre le luxe et le premium ?
C'est très confus. Le premium est l'optimisation des valeurs intrinsèques du produit. Il met en valeur les qualités du produit et tout le discours des marques consiste à justifier leur positionnement sur le marché face à la concurrence. "Je suis le premier de l'offre, le leader", assènent les marques dans un esprit de comparaison. On se place sur des valeurs d'usage. Alors que le luxe se situe dans l'immatériel, le superlatif. Le luxe est inutile, c'est du superflu. C'est la part de rêve, d'inaccessible. L'esthétique prime sur le produit. Premium et luxe sont deux mondes différents. L'excellence, la rareté, la cherté, la création, le désir, le plaisir, l'intemporalité sont les valeurs codées du luxe.
Quels exemples pouvez-vous citer ?
Dans le film Cartier, baptisé "L'Odyssée" (voir vidéo ci-dessous), on évoque un univers irréel de conte de fées avec une baguette magique. Tissot parle de fonctionnalités pour présenter ses montres (compas, altimètre, chronomètre...) et évoque la précision et l'efficacité alors que Chanel vend un bijou serti de diamants. La marque Geox démontre la technicité de ses chaussures qui respirent quand les publicités pour la marque Christian Louboutin renvoient à de l'esthétique pure.
D'où provient la confusion entre ces deux univers ?
Elle vient de ce que les marques premium veulent se différencier en développant des segments ultra-premium pour se rapprocher des codes du luxe. Cela passe par le packaging, une hausse du prix... Et le luxe, lui-même, a fait l'inverse. Les grandes maisons ont fait du "masstige", du prestige de masse, et même du "ready to luxe", accessible avec des accessoires ou des collections cobrandées, comme H & M avec Karl Lagerfeld. Ce qui a permis aux consommateurs d'accéder à une part de rêve, au risque pour les marques d'apparaître moins rares.
Le produit de luxe offre du désir, de l'émotion. Le produit premium offre la meilleure qualité sur sa gamme. Et pour se dégager de cette confusion, les marques de luxe ont dû recréer de l'hyperluxe, à savoir des produits uniques, créés sur mesure et personnalisés.
Une marque premium peut-elle devenir une marque de luxe ?
Pas sûr. Il faut pour cela qu'elle crée un mythe, de la rareté. En revanche, une marque premium peut adopter les codes du luxe. Mais changer une image prend beaucoup de temps, d'autant plus quand l'image de la marque candidate n'évoque en rien l'univers du luxe. Il vaut mieux créer une division à part, avec des équipes dédiées. Comme Citroën l'a fait avec la DS, notamment en Chine. Le discours de la marque va devoir évoluer fortement. En revanche, une enseigne issue du mass market peut faire du premium et être crédible.
Philippe Roblin, directeur associé de l'agence Bayadères : " Les marques premium veulent se rapprocher des codes du luxe "
6 Comment transformer un K-Way en un produit de luxe ?
"L'esthétique et la performance sont les deux piliers d'une stratégie de premiumisation", assure Brice Auckenthaler (Tilt Ideas). Adopter les codes du luxe, c'est possible. C'est même à la portée de beaucoup de marques. Mais cela implique de justifier cette nouvelle posture et la hausse de prix qui accompagne ce repositionnement. À l'instar de K-Way (photo ci-contre), explique Robert Dodd, le licencié France de la marque K-Way : "l'idée était de conserver l'ADN de la marque, qui propose un produit moderne, fonctionnel, coloré, intelligent mais en développant son caractère technique. Le K-Way 3.0 en nylon ripstop a fait son entrée sur le marché en 2014. De quoi moderniser la marque et la rendre séduisante auprès des hipsters".
Proposer de nouveaux services, multiplier les attentions, tout cela permet de se démarquer. C'est le pari du Club Méditerranée qui, pour accompagner sa montée en gamme, axe sa nouvelle campagne de publicité, baptisée "Sports d'hiver by Club Med", sur la promesse de "vivre une expérience riche, sur mesure et libérée de toute contrainte". Plus aguerri, l'individu réclame davantage d'attentions. D'ailleurs, le traitement du client en mode VIP fait partie des éléments distinctifs d'une montée en gamme. Et au-delà, la personnalisation du produit en fonction des besoins et des envies du consommateur est devenue un passage obligé. "Faire ressortir l'identité de son client dans le produit devient un exercice de style pour les marques, qui rivalisent d'attentions envers lui", explique l'institut TNS dans son étude "Quel avenir pour l'expérience d'achat de luxe ?".
Pour les produits, l'expérience renouvelée s'exprime dans le packaging : épuré, minimaliste mais chic, il doit s'adapter aux tendances du luxe. L'innovation est au coeur de cette conquête de l'"uber premium". Si le rôle des marques de prestige est de briser les règles et de sortir des conventions, aux firmes premium de créer la surprise chez le consommateur. Investir des lieux, créer de l'événementiel éphémère, organiser des soirées réservées à quelques happy few, développer une stratégie de partenariats avec d'autres entreprises... autant d'effets de surprise qui font naître un nouvel état d'esprit. L'installation temporaire de magasins ou de bars dans des lieux insolites constitue des happenings recherchés pour entretenir le buzz autour d'une marque, confirme TNS dans son étude. L'attention portée aux clients va même encore plus loin. Bain & Company prédit que "les consommateurs du "luxe 2025" seront bien évidemment au centre de l'expérience client, mais ils seront surtout le coeur du luxe lui-même, devenant partie intégrante de la conception, de la création et des ventes de produits de ce type".
Le magasin: sésame pour le luxe ?
Si une marque décide d'adopter les codes de l'"uber premium", elle doit le mettre en évidence. Bien souvent, l'expérience du luxe démarre en poussant la porte d'une boutique écrin qui magnifie l'intégralité des produits proposés à la vente. Les clients ne s'y trompent pas et plébiscitent en masse ces lieux d'exception où l'on déploie un accueil et un service exceptionnels. L'étude menée par Bain & Company le confirme : "dans toutes les catégories, le poids des points de vente directs augmente, et représente près de 30 % du marché. Pour un achat physique, les consommateurs privilégient un environnement monomarque, qui représente plus de la moitié du marché. À l'inverse, via internet, ils favorisent l'assortiment et la variété, ce qui les amène à préférer acheter dans un environnement multimarque".
"Bien souvent, l'expérience du luxe démarre en poussant la porte d'une boutique"
Les marques premium ont donc tout intérêt à peaufiner leurs points de vente. À l'exemple de Maille, qui reçoit ses clients place de la Madeleine, à Paris, dans un espace décoré aux couleurs de ses moutardes et autres condiments. Cela implique de contrôler le réseau de distribution avec des points de vente en propre. Ce qui représente bien sûr un coût considérable pour une marque. Et pourtant, il s'agit là d'un élément capital dans une stratégie de premiumisation. "Acheter une montre chez Cartier, c'est passer au moins une heure dans la boutique. Porter attention à l'environnement qui va mettre en valeur le produit est capital", précise Michel Campan, président de l'agence digitale Same Same but different. L'excellence se décline aussi et surtout en boutique. Une tendance confirmée par les cabinets d'innovation et de prospectives et par TNS dans son étude menée avec The Futures Company : "les primo-accédants du luxe, devenus des consommateurs aguerris, resteront sensibles à leur première rencontre avec le luxe et conserveront sans doute pour toujours un attachement très particulier à la marque".
L'EXPERT: Michel Campan, président de l'agencPrésident de l'agence Same Same but different.
Pour Michel Campan, président de l'agence Same Same but different et spécialiste du luxe, monter en gamme s'apparente à une révolution d'entreprise pour les marques premium. Il ne s'agit pas simplement d'un pas de côté pour se différencier de la concurrence. Positionnement de la marque, management et structure de l'entreprise doivent être repensés en vue de devenir une "maison" et non une marque. En créant une filiale à part, par exemple. L'innovation, la créativité et un réseau de distribution maîtrisé font partie des prérequis. "Une maison digne de ce nom est un lieu établi, avec une adresse. D'où l'importance de disposer d'un réseau en propre pour respecter l'univers de la marque et la valoriser. C'est ce qu'a réussi à faire H & M avec la marque COS", explique Michel Campan. Par ailleurs, il précise que " sans innovation, on ne crée pas une brèche ".
Dernier élément distinctif de la premiumisation d'une marque, la mise en valeur de son savoir-faire. Les produits et les matières utilisées doivent être d'une qualité irréprochable. "Et ce n'est pas forcément grâce à l'étiquette "made in France". Le lieu de fabrication n'est pas très important. Ce qui compte, c'est le respect de la qualité". Respecter la promesse pour ne pas décevoir est un des gages de reconnaissance les plus forts d'une marque haut de gamme.
Adopter les codes du luxe, c'est possible. C'est même à la portée de beaucoup de marques. Mais cela implique de [...]
Entre luxe et haut de gamme, deux marques se confient
Nathalie Gonzalez est directrice marketing de Nespresso France
En quoi Nespresso est-elle une marque premium ?
Notre stratégie n'est pas liée à un objectif de premiumisation, puisque Nespresso est née comme un luxe pour tous les amateurs de café et nous faisons tout pour le rester. La marque a été conçue, dès ses origines, comme une maison de luxe innovante. À titre d'exemple, dans l'ensemble des cafés qui sont produits dans le monde, seulement 1 % correspond aux normes de qualité Nespresso. Le parti pris de la marque est d'offrir une qualité parfaite en matière de café, en sélectionnant les 60 000 caféiculteurs avec lesquels nous travaillons. Ceux sont eux qui ont le pouvoir chez Nespresso. Nous cherchons à multiplier les expériences de dégustation parfaites pour nos clients. Notre quête est celle d'un geste parfait. Et comme le luxe, c'est aussi le choix, nous cherchons à multiplier les contacts avec les membres de notre club. Au tout début avec le téléphone (24 heures sur 24, sept jours sur sept), puis les boutiques, Internet et le mobile.
Les boutiques sont les temples de la marque ?
Tous les sens sont en éveil dans ses points de vente, mais là aussi, nous offrons le choix à nos clients d'être conseillés ou non. Évidemment, l'expérience totale se vit en boutique car on peut déguster nos créations. Nous avons 28 boutiques en France. Dernière en date à Roissy et bientôt à Metz. Tout comme les Ateliers experts, totalement gratuits, qui permettent de vivre une expérience avec la marque. Une boutique, c'est un lieu d'expression privilégié, mais ce n'est pas le seul.
Que proposez-vous de nouveau en termes de services ?
Nespresso déploie des services qui simplifient la vie de ses clients. Par exemple, à Roissy, nous proposons un service de conciergerie, notamment sur les navettes quotidiennes. Le client commande le matin et récupère ses achats en fin de journée. De même, nous proposons un service voiturier dans la boutique de la Place Victor Hugo, à Paris. Et nous venons d'offrir à certains de nos membres des coffrets "surprise" avec leurs crus préférés et nos nouveautés. La personnalisation est un axe central. Nespresso est une maison de création. Un autre point que nous partageons avec les maisons de luxe.
Développez-vous les partenariats ?
Oui, dans le but de surprendre nos clients. Ainsi, nous allons proposer pour Noël des macarons Ladurée en boutique. Prochain partenariat, une collection développée avec la maison Riedel, verrier oenologique autrichien. Nous venons ainsi de créer les premiers verres à dégustation de café.
Marion Humeau est directrice gamme commerciale adjointe de Renault
En quoi le nouvel Espace incarne-t-il la montée en gamme de la marque Renault ?
Cela fait 30 ans que ce véhicule est le symbole de l'innovation de la marque, le flagship de Renault. L'objectif, en 2014, était de réinventer ce monospace dans un contexte bouleversé par la concurrence et les attentes des clients. L'achat d'un modèle premium pour les clients est une façon de revendiquer deux statuts : le statut signifié (la représentation de soi par rapport aux autres) et le statut vécu (expérience de conduite pleine). En découlent des attentes liées au design et à la qualité, à la modernité, au confort et au bien-être à bord. Cette montée en gamme, ce nouveau modèle représentent le meilleur de Renault aujourd'hui. Et, bien sûr, notre objectif est de nous différencier sur le segment des monospaces et de le faire évoluer.
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Quelle est votre cible ?
La famille aisée qui recherche du confort, un bien-être à bord et une expérience de conduite plaisir. Et puis, nous ciblons les entreprises et donc les cadres, y compris pour leurs déplacements privés. Les entreprises, pour leur part, via leurs flottes, recherchent un statut moins ostentatoire.
Ce véhicule est entièrement fabriqué dans votre usine de Douai. Le 100 % français fait partie de la stratégie ?
Nous avons beaucoup travaillé sur l'exécution. Cela passe par une transformation de l'usine, mais aussi par des formations au sein du réseau Renault. Notre positionnement de base est le made in France et nous allons l'exploiter notamment auprès des entreprises qui souhaitent acheter des véhicules français. Il s'agit d'une marque de fabrique à la fois appréciée et différenciante face à la concurrence.
Monter en gamme, c'est aussi proposer plus de service client ?
Sur la version haut de gamme de l'Espace, la griffe "Initiales Paris", nous avons mis en place un call center personnalisé, ainsi que des services de jockey (quelqu'un vient chercher le véhicule à réparer ou bien à réviser) pour que le client n'ait plus à passer par le garage... Nous avons mis en place un ensemble d'attentions personnalisées pour les clients. Cette griffe sera déclinée ensuite sur les Clio et, sans doute, sur d'autres modèles.
Interviews de Nathalie Gonzalez, directrice marketing de Nespresso France, et Marion Humeau, directrice gamme commerciale adjointe de Renault.
7 Vers une disparition du luxe ?
Sans repartir totalement de zéro, la montée en gamme d'une marque peut prendre vie à travers une filiale, totalement indépendante. Pour cela, "il faut comprendre la catégorie à explorer et analyser la mémoire collective de ce marché. Activer l'histoire de la marque sur une autre catégorie", conseille Christophe Padère. Telle a été la stratégie de Citroën au lancement de la gamme DS. Une série qui aujourd'hui vit aux côtés de Citroën sans y faire référence. C'est une marque à part dans le groupe et qui bénéficie, pour autant, de tout le savoir-faire technologique du constructeur.
8 Le luxe est-il accessible à toutes les marques ?
"Il est logique de créer une franchise luxe à l'intérieur d'une marque. C'est surtout valable en cosmétique mais des marques comme Laguiole ou la Maison du Chocolat se sont inspirés de cette logique, avec succès", témoigne Michel Campan. Par ailleurs, créer une marque ombrelle permet de se différencier sur son marché. "Le chocolat Lindt a réussi à se premiumiser en bousculant le marché, puisque de nombreuses marques lui ont emboîté le pas. Mais il ne suffit pas de rhabiller le produit grâce à un packaging innovant, il convient d'offrir une performance émotionnelle et gustative", explique Brice Auckenthaler (Tilt Ideas). Autre exemple, Air France. Face à la montée du low cost, la compagnie a choisi de créer une nouvelle offre, située entre la classe "affaires" et la classe "économique". Elle propose ainsi une montée en gamme aux clients en capitalisant sur l'image de marque d'Air France. Le meilleur des deux mondes : offrir un service premium à un prix low cost.
L'EXPERT: Eric Briones, planneur stratégique spécialisé dans le secteur du luxe
Selon Eric Briones et Gregory Casper, qui viennent de cosigner un livre sur La génération Y et le luxe, les 18-35 ans font du premium un art de vivre et de consommer. Et finalement, les frontières entre luxe et premium s'effacent. Ils consomment du Gucci, du Chanel de manière totalement décomplexée. D'ailleurs, 80,8% des répondants au questionnaire (étude quantitative réalisée avec les auteurs) ont déclaré qu'acheter en temps de crise un produit de luxe n'était pas choquant. Selon Eric Briones, la génération Y a une vision atomisée du luxe. Celui-ci devient quotidien et tout est premiumisé. En revanche, les jeunes consommateurs exigent des marques qu'elles apportent des preuves de leur valeur ajoutée. Ils veulent comprendre ce qui fait le plus du produit.
"Comment on premiumise, non pas avec la culture premium du passé mais avec la culture actuelle du futur ? Comment à la fois premiumiser et "genYfier" les marques ? Parce que les consommateurs dominants, ce sont eux", s'interroge Eric Briones dans son ouvrage. Ainsi, les jeunes ne s'interdisent rien quand ils pensent au luxe. Le luxe Y est à la fois matériel et immatériel, technologique et artisanal, local et global. Exit, la fonction statutaire et le luxe ostentatoire. Place au luxe pour soi ! Pour autant, les jeunes ne tournent pas le dos à une consommation réfléchie et responsable. "La relation avec ces marques est plus compliquée. Pour cette génération Y élevée au low cost, le prix est une faille. Mais les moyens digitaux leur permettent de prendre le pouvoir. Et surtout, acheter un produit haut de gamme et de qualité c'est lutter contre le gâchis. "Won't buy stupid !" est leur devise", conclut Eric Briones.
Le meilleur des deux mondes ? Offrir un service premium à un prix low cost.

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