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Vers des villes containers ?

Après avoir été le support de nombreux projets architecturaux dans les années 60, les containers font aujourd'hui un retour en force dans les réflexions sur la ville et l'habitat. Simple effet de mode ? Pas sûr...

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L'habitat mobile et modulable n'est pas une nouveauté. Le discours sur le nomadisme non plus. Ces deux notions furent même fort présentes au cours des années 20 en France. A cette époque, le constructeur automobile Gabriel Voisin publiait des "réclames" proposant des maisons transportables, livrées par camions, prêtes à être habitées trois jours après la commande. Mais en Europe ce type de maison n'a jamais connu un grand succès, contrairement aux Etats-Unis où certains villages étaient, et sont encore, uniquement constitués de mobile-home plus ou moins sédentarisés.

Plug-in city


Il faudra attendre les années 60, et la créativité du groupe Archigram pour que renaisse l'intérêt pour ce type d'habitat modulable et nomade. Les notions de "Plug-in city", de "Walking-city" et d'"Instant-city" tentaient d'inciter les professionnels de la ville à réfléchir autrement sur les nouveaux territoires urbains. Perçus comme des projets relevant plus de la science-fiction que de l'urbanisme, aucun ne sera mis en oeuvre, ne serait-ce que sous forme expérimentale et provisoire.

La tour-capsule Nakagin


Et c'est au Japon qu'apparaîtront les premières réalisations d'habitat modulable, sous l'impulsion des Métabolistes. Un groupe d'architectes qui prônait une vision évolutive des immeubles autour d'une structure fixe (avec toutes les servitudes techniques : eau, électricité, communication...) à laquelle venaient se coller des "capsules" d'habitat pouvant être changées au gré des besoins. La première mise en oeuvre de cette vision fut l'installation du pavillon Kara dans le cadre de l'Exposition universelle d'Osaka (1969-70), suivie en 1972 de la construction à Tokyo, dans le quartier de Gina, de la tour-capsule Nakagin conçue par Kisho Kurokawa. Haute de 13 étages, et équipée de 144 capsules, cette tour fut construite en moins d'un mois au rythme de cinq à huit capsules fixes chaque jour. Les capsules aux dimensions d'un tatami traditionnel (4 x 2,5 mètres) étaient construites à 450 kilomètres de là, et étaient déjà toutes équipées lors de leur livraison. Mais cette tour ne devait pas avoir de suite, si ce n'est à travers la tour Sony à Osaka qui reprenait sous une forme très appauvrie l'idée de capsule sur une de ces façades.

Bublex, Partners et LOT/EK


De nouveau l'habitat modulable disparaissait... avant de faire un vrai retour en force ces derniers mois. Lors de la dernière édition d'Archilab, le cabinet américain Jones, Partners Architecture proposait ainsi son système de "Pro/Con package Home" (voir photos), fondé sur des containers sponsorisés pouvant être commandés selon les besoins des ménages. De son côté, l'agence américaine LOT/EK Architecture revisitait le mythe du container tout équipé pouvant se brancher sur des structures fixes avec son Mobile Dwelling Unitle. En France, c'est l'artiste plasticien Alain Bublex qui s'est emparé des concepts d'"Instant City" et de "Plug-in City" pour porter un nouveau regard sur la ville et ses changements. Une réflexion née, entre autres, de l'observation des chantiers à travers desquels il entrevoit, avec leurs assemblages de bungalows, une application réelle, bien que timide, du projet de ville modulaire imaginée par Archigram il y a quarante ans. « Il s'agit bien, en effet, de cellules standardisées et interchangeables utilisées pour répondre à des besoins temporaires », écrit-il dans Projets en chantier, illustré notamment d'une vision décapante des Orgues de Flandres dans le XIXème arrondissement de Paris (voir photos).

Vers une Algeco's city ?


Alors, simple vision d'artiste déconnecté des réalités ? Pas si sûr, surtout quand on se penche sur la formidable success story de l'entreprise Algeco. Voilà, en effet, une entreprise qui, après s'être constituée en 1955 sur le créneau de la location de containers et de wagons, est devenue spécialiste de la construction modulaire. Aujourd'hui, les chantiers ne représentent plus que 35 % de son activité qui s'est formidablement développée et diversifiée notamment auprès des collectivités locales et des entreprises. Algeco a ainsi réalisé aussi bien le lycée de Versailles à partir de 120 modules, que certaines installations pour le Centre National d'Etudes Spatiales, Alcatel, Dassault ou une partie de l'agence d'architecture de Ricardo Bofill (eh, oui !). Entre flexibilité et cycles économiques de plus en plus courts, les entreprises veulent pouvoir s'adapter sans engager des investissements immobiliers trop lourds et trop contraignants. Les entreprises deviennent aussi nomades que leurs cadres. Pour Hewlett-Packard, Algeco a ainsi déplacé tout un bureau d'études, de Grenoble à Bordeaux, en quelques jours. Mais l'entreprise est aussi consultée pour construire des villages de vacances, et vient de transformer un ensemble de bâtiments de chantier en complexe hôtelier. Si aujourd'hui, il n'est plus question de proposer des villes entièrement modulables comme chez Archigram, on peut constater que la vision de l'habitat modulable commence à secouer les milieux très conventionnels de l'architecture et du bâtiment... On ne peut que s'en féliciter.

CONTAINERS ET BIBLIO


Cet article fait une très courte synthèse de certains travaux de réflexion conduits par Transit-City sur "la ville et le nomadisme" et qui fera l'objet d'un livre publié en février 2002 sous le titre "Ports, paquebots et autres lieux" (www.transit-city.com).

POUR ALLER PLUS LOIN


"Archigram" sous la direction d'Alain Guiheux. Editions du Centre Georges Pompidou 1994. "Kisho Kurokawa - Le métabolisme 1960-1975" d'Alain Guiheux. Editions du Centre Georges Pompidou 1997. "Projets en chantier" d'Alain Bublex. Editions Ecocart 2001.

François Bellanger

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