Les panels consommateurs à l'assaut de nouveaux marchés
«Ce serait pour nous une première approche de l'Afrique », remarque Laurent
Zeller. Dans le cadre du Maghreb, après le Maroc - un marché de 30 millions
d'habitants -, pourquoi pas la Tunisie ? Parallèlement, Laurent Zeller étudie
la faisabilité de nouveaux projets en Asie, à Singapour, en Indonésie, en Inde
et réfléchit à des panels plus spécialisés et plus ciblés en Australie. Les
autres projets de développement portent sur les panels internet single source,
Single Net. Un accord a été réalisé avec NetValue et porte pour le moment sur
la France, la Grande-Bretagne et l'Asie, avec 2 000 foyers internet panélisés
en France, 4 000 en Grande-Bretagne et 2 200 en Asie (800 à Taiwan, 1 000 en
Corée, 400 à Hong Kong). Single Net apporte deux applications concrètes pour
l'annonceur : une aide au médiaplanning (un outil pour connaître les
"itinéraires" web des consommateurs de telle ou telle marque) mais aussi la
mesure de l'efficacité des campagnes sur Internet et leur impact sur les
comportements d'achat. D'une manière générale, un panel consommateurs, dans les
pays qui s'ouvrent au marketing, est une vraie alternative volumétrique de la
consommation. Sans oublier qu'il apporte des informations sur le consommateur,
la fidélité à la marque, les switchs entre marques. « La crise asiatique nous a
été très bénéfique, commente Laurent Zeller. C'est dans les périodes difficiles
que les annonceurs ont besoin de chiffres fiables ».
Un savant mélange de pragmatisme et de professionnalisme
A quand les
premiers résultats ? « Il faut pratiquement un temps de gestation humaine pour
faire naître un panel », constate Laurent Zeller. Entre le premier tour de
table (un panel ne peut voir le jour sans l'accord de principe des huit à dix
plus gros annonceurs du pays compte tenu de l'importance des frais fixes), le
pilote ad hoc pour tester les différentes méthodes de collecte et les niveaux
nécessaires d'incentive de fidélisation des panélistes, le recrutement et la
réalisation d'un mini-recensement pour construire l'échantillon, il s'écoule en
effet neuf mois. « Il faut faire les choses sérieusement, confie Laurent
Zeller. Sinon, ce n'est même pas la peine de commencer. On court à l'échec. »
Car monter un panel consommateurs n'est pas chose aisée et nécessite un savant
mélange de professionnalisme et de pragmatisme. Il faut savoir se poser les
bonnes questions sur la représentativité de l'échantillon et la méthode de
collecte des données. Dans les marchés sophistiqués comme les Etats-Unis et
l'Europe de l'Ouest, voire même Hong Kong, les statistiques fiables sont
légions. Composer un échantillon représentatif de la population entière est
relativement facile. Dans les marchés plus "nouveaux", ou moins démocratiques,
où les statistiques officielles manquent ou sont le reflet d'une politique
gouvernementale, il s'avère indispensable de passer par un micro-census, un
mini-recensement qui permettra de structurer les quotas, d'étalonner et
d'extrapoler, en interrogeant les interviewés sur le niveau de revenu, le
nombre de personnes au foyer, l'âge des enfants, l'âge du chef de famille,
l'équipement... Ce micro-census tient compte des spécificités du pays. En
Chine, par exemple, pour monter le panel consommateurs de 10 000 foyers
représentatifs des quinze grandes capitales de province, TNS a interrogé 50 000
foyers en face à face sur des questions de structure du foyer. Encore faut-il
s'entendre sur ce que sera l'échantillon. « On ne peut faire un bon échantillon
qu'à la condition de savoir ce que l'on veut représenter », estime Laurent
Zeller. D'une manière générale, dans les pays émergents, on se voudra
représentatif des foyers qui consomment des produits packagés. Ce qui implique
que sur certains marchés, ne sont retenues que les grandes villes (Chine) ou la
population urbaine (Thaïlande ou au Maroc) ou encore les trois îles qui
comptent aux Philippines.
Adapter la méthode de collecte
Cette étape de construction de l'échantillon franchie, il
s'agit alors de tester la technique de collecte des données la plus appropriée
en fonction du degré de sophistication des consommateurs. Dans les pays les
plus matures (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Irlande, Espagne, Hong
Kong), la collecte des données se fait désormais par scanning avec lecteur de
code barres. En Allemagne, Pays-Bas, Italie, Suisse, Europe de l'Est, Suède,
Danemark, Argentine, Taiwan, on utilise la méthode du relevé d'achat, qui est
d'ailleurs la technique la plus classique. Pour les pays les moins
sophistiqués, il reste deux méthodes : le relevé d'achat par enquêteur au foyer
du panéliste (Chine, où 170 enquêteurs ne font que cela, Thaïlande, Malaisie,
Philippines) ou encore la technique du "panel poubelle". Dans ce dernier cas,
les panélistes gardent les emballages des produits achetés dans un sac
poubelle. Un enquêteur les collecte une fois par semaine, s'assure que les
produits ont bien été achetés par le foyer, réalise l'audit des placards et
envoie les données à l'institut. C'est la méthode qui était utilisée au Brésil
et en Italie il n'y a pas si longtemps, et qui est actuellement en vigueur au
Chili, et qui le sera bientôt en Thaïlande pour la partie rurale du pays et au
Maroc, auprès des foyers illettrés.