Le Davos des Deschiens
Les Deschiens continuent leur épopée critique vis-à-vis des objets et de l'existence, avec un nouveau spectacle, "La Cour des Grands". La vision, sur le mode doux-amer de Macha Makeieff.
Je m'abonneQu'est-ce qui a changé chez les Deschiens ?
Les
personnages de la Cour des Grands n'ont pas tout à fait la même relation aux
objets que les Deschiens tels que nous les connaissons. Ils sont plus pudiques.
Ils s'emparent des objets comme d'une bouée de sauvetage. Ce sont les rescapés
d'un naufrage qui les a mis en état de pénurie et de frustration. Les objets
circulent dans l'ordre de la consommation, mais elle ne se fait pas. C'est
l'exemple de la brosse qui devient tour à tour, animal, ennemi, nourriture...
Le sens est en dérangement. Les aléas affectifs du troupeau ordinaire des
objets quotidiens ne se contentent plus d'être parfaitement utilitaires. Les
personnages prennent avec eux des libertés dramatiques. Ces objets ennuyeux,
englués dans leur banalité, deviennent autonomes. Ils se métamorphosent en
événement. Je revendique ma liberté artistique vis-à-vis des objets. Le
"nonsense" révèle notre vertige. Il permet de déroger à l'ordre établi, de
changer de norme et d'aiguillage.
Quels sont les objets de prédilection de la pièce ?
Un buffet, des chaises, deux petites
armoires en plastique et des sacs. Ces sacs qui distribuent la frustration chez
les gens disqualifiés. Comme quand ils partent faire du sport et qu'ils
transportent avec eux une autre identité, celle de l'effort et du gagnant,
auquelle on ne croit pas. Ils mettent du coeur et de la solennité à vouloir
être dans l'effort et l'excellence. Les personnages s'empêtrent dans la
relation patron-employé. Ils cherchent une mécanique bien huilée, des exercices
à exécuter pour aller bien. Ils se réfugient dans des déviances de l'amour pour
essayer de se trouver une place. Nous sommes transportés dans ces filiales de
la vie de bureau, du monde du travail qui s'appuient sur des malentendus et une
demande à être, toujours insatisfaite.
C'est un peu "n'en jetez plus dans la Cour des Grands", les corps y sont malmenés et la demande d'amour sans objet ?
Les Deschiens s'y bricolent des identités de
substitution qui évoluent par glissements progressifs du déplaisir et accusent
le vide de leur existence. Rien n'y fait, ni morale, ni regard médical, ni
efforts du bien-être et de la forme musculaire. Leurs corps deviennent un
amoncellement de morceaux.