La marque réconciliera-t-elle annonceurs et agences ?
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“L e consommateur a mûri, sa relation aux marques a évolué. L'annonceur
s'adapte, ses besoins mutent. Il centre désormais sa démarche autour de la
marque, de façon plus ou moins aboutie. Le secteur de la communication s'en
trouve bouleversé, mais n'a pas encore trouvé une structuration de ses métiers
qui lui permette de faire siennes ces mutations et qui constitue une réponse
adaptée aux enjeux de l'annonceur.” Avec ce constat introductif à la synthèse
de leur deuxième étude sur la relation annonceur-agence (voir Marketing
Magazine n° 73, p. 26, pour la première), Luc Laurentin et Nathalie Regnault,
les deux co-fondateurs de Limelight Consulting, campent le décor. Cette édition
2003 prend en compte, simultanément et pour la première fois, les agences de
publicité et celles de marketing services. D'autant plus intéressant que la
publicité apparaît comme un secteur sur lequel “la confiance entre les deux
parties semble s'être distendue” alors qu'en marketing services, cette
confiance “reste à commuer en satisfaction”.
Des relations de nature
Si le marché de la publicité est un marché “mono
partenaire”, avec des acteurs clairement identifiés par les annonceurs, il n'en
est pas de même de celui des marketing services, très atomisé et aux acteurs
mal connus. Pas moins de 18 noms ont d'ailleurs été cités par les interviewés
pour le désigner… « Il y a donc urgence à mettre de l'ordre au niveau
corporatif pour donner aux annonceurs une vision claire de l'offre marché,
notent Luc Laurentin et Nathalie Regnault. C'est un préalable indispensable
pour permettre aux acteurs de ne pas se laisser dicter les règles par les
circonstances mais d'en être les initiateurs. » Si la relation s'inscrit dans
une certaine durée avec les agences de publicité (83 % des annonceurs
interrogés travaillent sous contrat, annuel ou pluriannuel), elle est dominée
par le one-shot en marketing services (47 % d'annonceurs sous contrat). De
même, si en publicité les échanges se passent à un niveau hiérarchique élevé,
la relation est davantage cantonnée à l'opérationnel pour l'autre
discipline.
Un malentendu organisationnel, de chaque côté
Organisation pas tout à fait aboutie autour de la marque,
interlocuteurs très divers détenant seulement une parcelle de l'information ou
du pouvoir, du côté annonceurs, organisation ad-hoc, “miroir”, “calquée sur la
leur”, avec un manque de visibilité des ressources et de leur valeur ajoutée,
et sans coordination et cross-fertilisation des savoir-faire autour de la
marque, du côté agences. Le tout sur fond de juniorisation de part et d'autre…
Les organisations internes apparaissent encore bien trop instables. D'où le
constat d'une dégradation des échanges et de reproches réciproques. Des
annonceurs envers les agences : mauvaise appréhension de ce que l'on attend
d'elles en termes de créativité et de réflexion stratégique, manque
d'innovation et d'audace… Des agences envers les annonceurs : atermoiements,
prises de décision diluées à force d'être consensuelles, défaut de vision
stratégique cohérente dans le brief et les échanges… Si l'on y ajoute une cote
d'amour mutuelle tiède, des agences en position défensive, un contexte
psychologique peu serein - “en publicité, la relation fusionnelle a fait long
feu” -, le panorama n'a rien de rose. Et pourtant… l'étude décèle des attentes
partagées de voir les agences jouer un rôle moteur dans la relation.
Quatre attentes-phares
Interrogés sur 18 compétences,
les annonceurs les regroupent en quatre “facteurs piliers” : la créativité (à
78 % “très importante” pour les agences de pub et à 80 % pour celles de
marketing services), la réflexion stratégique (respectivement 76 et 66 %), la
souplesse (73 et 74 %) et la rigueur (56 et 69 %). S'y ajoutent les facteurs
humains (39 % pour chaque type) et la polycompétence (24 et 20 %). Analysant
les écarts entre les attentes des annonceurs et leurs évaluations des agences,
Limelight a décelé les principaux points remis en cause. Pour les agences de
publicité : l'humilité, la mesure des résultats, l'innovation, le rapport
qualité/prix et la créativité. Pour celles de marketing services : la mesure
des résultats, le rapport qualité/prix, la rentabilité et la rigueur. « En
bref, résument les deux consultants, les annonceurs attendent de leurs agences
de l'audace et de l'initiative, avec les moyens de prouver en toute rigueur
leur bien-fondé. Et ce, dans le droit fil de leur stratégie. »
Le planning stratégique en question
Afin de reconstruire la relation,
Limelight estime que de nombreux rôles sont à repenser, tel celui du patron
d'agence, et en particulier de marketing services, qui cherche encore sa place.
Ou à mieux faire reconnaître, comme la production, “face cachée” en pub et
“problème récurrent” en marketing services, même si plus visible. L'étude fait
aussi un zoom sur le planning stratégique, dont la fonction apparaît comme un
besoin crucial pour les annonceurs. Mais trop souvent perçu comme superficiel
et peu crédible, avec, à la fois insuffisamment de prise de distance et pas
assez de prolongements opérants sur la marque. Sachant par ailleurs que le
planning, tel qu'il est pratiqué aujourd'hui, se voit concurrencé par les
conseils en stratégie de marque, en innovation, par les cabinets de tendances…
“Repenser le planning et rendre visibles les ressources” sont donc deux pistes
de clarification suggérées par Limelight. Tout comme celle du travail parallèle
sur les organisations. Autre point-clé à repenser : la rémunération, “reflet
des crispations”. Caractérisée par des systèmes à la fois hétérogènes et
complexes, sur lesquels les annonceurs ont, dans l'ensemble, l'initiative, dans
un climat de durcissement des relations. S'y ajoute celui des compétitions,
dont la non-rémunération est qualifiée de “système pervers”. La solution
pourrait passer par une loi de marché, mais qui implique alors une démarche
collective.
Evaluation et projet d'entreprise
Annonceurs et agences reconnaissant la nécessité de formaliser leur relation,
pour mieux l'équilibrer, Limelight lance plusieurs pistes. Dont la mise en
place réelle d'un processus d'évaluation mutuelle, qui n'est encore que
parcellaire ou au stade de l'intention, mais dont les deux parties ont une
vision claire des critères à prendre en compte. « Il reste à toute la
profession, et à chaque couple annonceur-agence à trouver un mode
gagnant-gagnant, estiment Luc Laurentin et Nathalie Regnault. Pour un bénéfice
mutuel triple : appropriation réciproque des critères, obligation, pour
l'annonceur, de clarifier et hiérarchiser ses objectifs en amont et, pour
l'agence, de segmenter clairement ses prestations et ressources mises en œuvre.
» Enfin, l'élaboration au sein des agences d'un véritable projet d'entreprise,
existant aujourd'hui principalement… dans les cartons, semble un autre moyen du
renouvellement de la relation. En tout cas, derrière les peurs générées par les
évolutions du marché, “se profile une envie mutuelle intacte d'avancer toujours
plus loin ensemble”, conclut Limelight Consulting. Une touche d'optimisme qui
ne doit cependant pas cacher l'ampleur du chantier.
Méthodologie
Méthodologie Synthèse réalisée par Limelight Consulting à partir d'une étude qualitative (60 interviews en face à face de 20 directeurs marketing et de la communication, 40 présidents et directeurs conseils d'agences de publicité et de marketing services, à parts égales), d'une étude quantitative réalisée par ISL (600 interviews téléphoniques d'annonceurs), et d'interviews de journalistes, menées entre mai et juillet 2003. Etude menée en collaboration et sous le pilotage de Diouldé Chartier.