L'asymétrie dans l'optimisation des politiques de satisfaction client
Par Daniel Ray, professeur de marketing à Grenoble Ecole de Management, responsable de l'Institut du Capital Client.
Je m'abonne
« Déterminer l'importance des différents attributs qui contribuent à
construire la satisfaction globale ou la fidélité des clients constitue une
question cruciale en termes de ROI des politiques de relation client. A ce
titre, un certain nombre de méthodes statistiques permettent de choisir les
leviers sur lesquels l'entreprise devra jouer en priorité. Dans le cas du
transport aérien, par exemple, ces méthodes pourraient démontrer qu'aux yeux
des clients, la sécurité en vol est beaucoup plus importante que le verre de
champagne potentiellement proposé. Pour maximiser la satisfaction globale de
ses clients, une compagnie aérienne aurait donc intérêt à augmenter en priorité
leur satisfaction sur la sécurité. Mais, malgré de telles approches, le ROI de
ces politiques reste souvent faible, voir négatif. Pourquoi ? Nous avons
constaté, en confrontant les pratiques des entreprises aux recherches
théoriques, que ces échecs proviennent souvent de la non prise en compte de
“l'asymétrie” du poids des attributs. Ainsi, dans l'exemple du transport
aérien, il paraît évident qu'en dessous d'un certain seuil de satisfaction sur
la sécurité, cet attribut sera crucial pour les clients. En revanche, au-delà
de ce seuil, tout accroissement de la satisfaction sur la sécurité n'aura que
peu d'impact sur la satisfaction globale. A l'inverse, la proposition d'un
verre de champagne surprendra positivement les clients et augmentera donc leur
satisfaction, alors que son absence ne les mécontentera pas pour autant. Bien
que caricatural, cet exemple montre que les attributs ne contribuent pas
obligatoirement de façon symétrique et linéaire à la satisfaction globale :
certains ne jouent que sur l'insatisfaction (facteurs “basiques”, cf. la
sécurité), là où d'autres n'impactent que sur la grande satisfaction (facteurs
“bonus”, cf. le verre de champagne). On peut ainsi trouver quatre principaux
modes d'impact sur la satisfaction globale (voir tableau). A l'heure actuelle,
aucune des méthodes statistiques habituellement utilisées pour hiérarchiser les
leviers prioritaires de satisfaction ne semble prendre en compte un tel
phénomène. Celui-ci est pourtant étudié depuis fort longtemps par les
chercheurs (cf. les travaux d'Herzberg et alii., dès 1959). Différentes
méthodes de détermination du “type d'impact”, des attributs ont ainsi été
proposées, mais leurs résultats ne semblent pas systématiquement converger : il
convient donc de rester prudent en termes d'interprétation. Quoiqu'il en soit,
la compréhension de ces phénomènes d'asymétrie constitue à l'évidence une piste
prioritaire d'amélioration de la rentabilité des politiques de relation client,
comme le confirment des entreprises telles qu'EDF, partenaire de recherche sur
ce sujet, ou encore Décathlon qui utilise ce type d'approche pour la mise au
point de ses plans d'action. Nul doute que, dans un proche avenir, ces
approches pionnières vont se généraliser. »