Et si les marques centenaires redonnaient toute leur jeunesse au branding ?
Incroyable qu'une marque puisse vivre cent ans ou plus et rester en pleine
forme ! Incroyable qu'un événement centenaire conçu à l'heure où
l'électronique, l'informatique, la télévision et les marques globales
n'existaient pas, puisse survivre alors que les meetings électoraux
“populaires” ont quasiment disparu, assassinés par la société du spectacle à
distance et le confort de l'écran cathodique ! Même au panthéon du marketing,
on n'aurait pas pensé une telle prouesse possible. Les ouvrages de stratégies
sont tous remplis de schémas type “matrice du BCG” avec des produits stars qui
vieillissent, avant de devenir des vaches à lait, et de terminer leur carrière
en dilemmes que l'on ne saurait conserver indéfiniment. Et pourtant, la Foire
de Paris montre un tel dynamisme que l'on doit s'interroger sur le sérum de
longévité qui l'anime, tout comme d'ailleurs le Tour de France qui revient
chaque année. Des millions de visiteurs, de spectateurs heureux d'avoir pu
participer, d'être là ; des milliers d'exposants qui reviennent d'année en
année, des centaines de sponsors qui, malgré les bruits de dopage, continuent
de soutenir fidèlement la caravane et les équipes ; des journées jugées
mémorables par tous ces spectateurs-acteurs pour ces événements qui auraient dû
passer à la trappe de l'Histoire. Alors, quelle est la recette de cette
longévité radieuse ? Un carré magique qui devrait donner des idées à bien des
“brand managers” en quête des fameux “facteurs clés du succès”, ces éléments
discriminants censés ouvrir la serrure de la réussite marketing.
Quatre jokers
Ils tiennent en quatre pôles savamment
dosés et sans cesse réinventés : la générosité “populaire”, faite de proximité
“palpable”, la fête, la France ou Paris et le suspense renouvelé d'année en
année. Pour la Foire de Paris, pouvoir toucher, goûter des produits de terroir
ou d'ailleurs, une ambiance de foire avec ses camelots, ses démonstrateurs, ses
vrais vendeurs, l'image mythique de Paris et le savoir-faire des artisans
français. Enfin, les découvertes du Concours Lépine, les fêtes organisées et
renouvelées, la magie de la découverte qui vous fait acheter ce dont vous
n'avez pas besoin, comme on le fait lorsque l'on va dans des pays lointains.
Pour le Tour de France, la caravane, et la casquette que l'on a arrachée au
voisin, la fête d'être présent, en moyenne sept heures, le long de la route,
pour quelques secondes de passage du peloton, la visite de notre si beau pays
dont la marque porte encore le nom et le suspense dû aux participants, aux
chutes… Ces quatre jokers sont assez simples à définir et, on pourrait le
penser, pas si difficiles à mettre en œuvre pour telle marque de fromage ou de
jus de fruits, de vêtements ou de services publics. Les “vieux événements” qui
sont devenus si “tendances” sont-ils si éloignés de notre univers mental de
consommateurs ? Le Tour de France ou la Foire de Paris ne sont-ils pas avant
tout des lieux, voire des temples de la consommation et de la “création de
valeur” ? Et si l'imagination stratégique suprême était de se réapproprier ces
quatre ingrédients faits de générosité, de fête et d'expériences agréables et
ludiques de consommer, et de découverte, ou mieux si possible de suspense ou
d'héroïsme. Les marques renaissent toujours quand elles peuvent nous raconter
une histoire haletante… Ces deux événements mais aussi Roland Garros, le Salon
de l'Auto, celui de l'Agriculture… devraient organiser des séminaires - avec
visite obligatoire - pour cadres marketing en quête de “clés du succès” comme
les grands chefs organisent des séminaires de cuisine pour nous réapprendre le
team building et le goût des bonnes choses. g.lewi@bec-institute.com