Du marketing politique au marketing consommateur : quels enseignements après l'élection présidentielle ?
Les chiffres sortis des urnes au soir du 21 avril n'en finissent pas de donner lieu à interprétation de la part des spécialistes en sondages et communication politique. De façon surprenante, la sphère de l'entreprise n'a pas encore tenté d'analyser quels comportements en déduire. Or, ce mutisme nous apparaît d'autant plus surprenant que ce sont les mêmes interlocuteurs : instituts d'études et agences de communication et que les enseignements n'en paraissent pas moins lisibles. Bien au contraire.
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Une fois achevée, la campagne présidentielle nous permet de réfléchir aux
techniques de marketing politique, pour découvrir combien elles s'étaient
inspirées et malheureusement, parfois sans succès, d'un certain marketing
produit traditionnel.
Les élections : un miroir de la société de consommation
Comment ne pas dresser un parallèle entre le taux
d'abstention le plus élevé de la Ve République et l'ennui qui s'empare de 47 %
des consommateurs français au moment de faire leurs courses en grandes
surfaces. Ainsi, comme l'a justement rappelé Pascal Bruckner dans son dernier
ouvrage*, « nous sommes les habitants de la cité autant que du supermarché ».
Cette phrase, au constat aussi triste que réaliste, doit conduire à une remise
en cause de méthodes qui se sont avérées dépassées ou, pour le moins, peu en
phase avec les attentes des consommateurs-citoyens. Cette tentation pourra
d'autant moins être repoussée que c'est surtout parmi les jeunes que va se
retrouver ce signal fort et similaire : abstention du politique et détournement
des modes de consommation traditionnels. Toutefois, du sursaut citoyen de
l'entre deux tours aux nouveaux lieux de distribution agréés par les jeunes
(lieux de vie où l'on prend son temps vs distribution automatique où tout est
disponible 24 h/24 h et 7 jours sur 7), le message est clair. Les méthodes de
mesure et d'analyse comme de diffusion doivent s'adapter au nouveau
consommateur-citoyen que l'on pourrait appeler avec un vilain néologisme : le
"consocitoyen et le cysommateur".
Les valeurs citoyennes : une nouvelle attente commune avec la société de consommation
Il est
maintenant tentant de poser la seule question importante : le fait citoyen et
le fait consommateur sont-ils du même ordre, doivent-ils partager les mêmes
valeurs, peuvent-ils finalement être mis dans une perspective commune ? Durant
ces deux dernières décennies, la césure a été claire entre les deux univers du
citoyen et du consommateur. Elle a été stigmatisée, tant par un éloignement des
préoccupations du politique, que par un rejet du corps public (administrations
civiles + représentants élus). Les réponses à apporter peuvent-elles alors
s'inspirer des mêmes sources ? Toutefois, si le consommateur et le citoyen sont
l'envers et l'endroit d'une seule et même personne, n'est-il pas logique que :
- le consommateur demande de l'équité et de l'éthique dans sa relation
marchande (soit de l'introduction du politique au sens de vie dans la cité,
dans son commerce), - le citoyen souhaite une meilleure prise en compte de
l'économique dans sa relation politique eu égard au poids grandissant (la
moitié de l'économie dans les principaux pays développés) de la part de l'Etat.
Cette double contrainte, vécue comme telle, doit aujourd'hui conduire à son
dépassement en associant et en cessant d'opposer le consommateur et le citoyen.
Les valeurs communes seront-elles inspirationnelles plus que matérialistes ? Le
récent et formidable succès de l'introduction de l'euro a prouvé que la société
était demandeuse et réceptive à une démarche innovante et formidablement
symbolique du dépassement du rapport de force vers une collaboration positive.
En finir avec les clichés, oui, mais en proposant des initiatives déjà réussies
et prouvées : - dans les entreprises l'intégration croissante de valeurs
"politiques", déjà engagées avec le commerce équitable ou le développement
durable voire la gouvernance d'entreprise, - dans les services publics la prise
en compte des valeurs "économiques", déjà démarrée avec les premier Bureaux du
Temps inspirés du modèle italien. Il s'entend que cette démarche profondément
européenne dans son inspiration permettra peut-être d'amorcer une démarche
propre à l'Union et éloignée d'un matérialisme trop souvent reproché
outre-Atlantique. * La Misère de la Prospérité, Editions du Seuil