Du "consommateur multiple" au produit vivant
La question a souvent été posée et revient de manière cyclique dans l'esprit des marketers : l'approche par CSP est-elle encore opérationnelle ou doit-on repenser l'ensemble des approches marketing pour mieux prendre en compte les styles de vie ? Aujourd'hui, l'explosion d'Internet et l'émergence d'un nouveau consommateur dit "multiple" remettent ces questions à l'ordre du jour.
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Il est de plus en plus acquis, notamment aux Etats-Unis, que le
consommateur est multigénérationnel, multiculturel et multiethnique. Il est
aussi "multivie". La persistance des nouvelles relations familiales (familles
déstructurées, recomposées), les nouvelles conditions de travail (mobilité
géographique, télétravail) et les conditions de vie de la société
post-industrielle (accélération du rythme de vie, hyper-médiatisation,
surinformation, zapping, ...), participent à la construction d'individus
fragmentés soumis à un mode de vie séquentiel. Superposant plusieurs vies (ce
fut le cas des homosexuels qui ne pouvaient se revendiquer comme tels dans une
société moins permissive qu'aujourd'hui), plusieurs modes de vie (c'est encore
le cas des femmes qui cumulent vie professionnelle, familiale et sociale),
voire plusieurs personnalités (être soi-même, mais par sincérités successives),
ces "nouveaux consommateurs" sont de plus en plus difficiles à cerner et, a
fortiori, à satisfaire.
L'ubiquité devient un mode de vie...
Partagé entre mondialisation et personnalisation, entre
appartenance et individualisation, entre réel et virtuel, chacun s'invente et
se réinvente, profitant de cette nouvelle liberté d'être qui constitue l'une
des principales caractéristiques du troisième millénaire. Ces conjugaisons de
personnalités construisent de nouveaux comportements de consommation qui
estompent la frontière des âges et des modes. Exemples : Les adolescents ou
"kidultes" constituent un nouveau groupe de consommateurs composé à la fois
d'adolescents qui ne veulent pas devenir adultes et d'adultes qui s'accrochent
à leur période d'adolescence. La "bobo" attitude (contraction de bourgeoisie et
de bohème) qui prévaut aujourd'hui, réconcilie les paradoxes. La nouvelle élite
des 35-50 ans opère en effet la synthèse entre l'esprit rebelle des hippies
(années 60/70) et le désir de réussir des yuppies (années 80), comme David
Brooks l'explique dans son livre "Bobos in Paradise, The new upper class and
how to got there". Selon des experts japonais, les seniors sont les
trendsetters de demain : de par leur suprématie numérique et financière, les
quinquagénaires donneront le ton. Pour l'ensemble des consommateurs, la
caractéristique principale reste toutefois la nouvelle relation au temps : -
abolition du temps qui sépare les générations, l'âge perdant de son importance
au profit des styles de vie : statistiquement, une jeune femme de 25 ans qui
vient de se marier et d'avoir un enfant a la même consommation et les mêmes
besoins qu'une femme de 40 ans qui vient de se remarier et d'accoucher ; -
alternance de différents types de temps, c'est-à-dire du "temps subi", que l'on
cherche à optimiser (courses, entretien de la maison, gestion des enfants à
distance avec la possibilité de se connecter à la garderie ou aux écoles via
Internet, ...), et du "temps plaisir" que l'on souhaite développer. Ces
nouvelles attentes vont donner naissance à de nouvelles catégories de produits
et services qui faciliteront toujours plus la vie de leurs utilisateurs.
... La réponse produit s'inspire du monde du vivant
Quelques pistes commencent à se faire jour. L'une des premières réponses
identifiées se pose en réaction à la standardisation mondialiste : le produit
personnalisé (possibilité donnée au consommateur de se réapproprier un produit
standard en ajoutant un ingrédient, par exemple) ou encore le produit
sur-mesure, apparaissent aujourd'hui comme une tendance lourde de consommation.
Une autre réponse, plus émergente, tend à renforcer plus étroitement la
relation avec le produit, celui-ci ne s'opposant plus à l'homme en tant
qu'objet inanimé, mais évoluant avec lui : c'est le produit vivant.
Prolongement du produit polysensoriel (stimulation de plusieurs sens), le
produit vivant se caractérise par sa capacité à s'adapter de façon autonome aux
besoins changeants de son utilisateur, tout au long de la journée ou tout au
long de son cycle de vie. Il peut être : - évolutif : exemple du déodorant
High Performance d'Aramis (Allemagne) qui dispense une quantité d'actifs
proportionnés à la température du corps, - modulable : exemple du parfum
Positively You de Beauticontrol (USA) qui diffuse des senteurs calmantes ou
énergisantes selon le taux d'acidité de la peau (qui traduit le degré de
nervosité de chaque individu), - autoactif : exemple des tissus
autocicatrisants qui commencent à être utilisés dans l'ameublement. Alors que
certains industriels commencent à peine à découvrir de nouvelles cibles (les
hommes, les préadolescents, les adolescents, les seniors), la nouvelle économie
oblige déjà à repenser l'ensemble des stratégies marketing. Chaque marque va
ainsi devoir retravailler les paramètres définissant son coeur de cible pour
intégrer ces nouvelles catégories de consommateurs et repenser le rôle de ces
produits vers plus de pro-activité. Des approches qui sonnent définitivement le
glas des stéréotypes et confirment, s'il en était besoin, l'importance du
marketing de l'anticipation.