20 ans et des poussières, la génération de toutes les expériences
Quels sont les croyances et les comportements des 20 ans en Europe ? Pour tracer les contours de cette jeunesse et proposer de nouvelles implications aux marques, les agences de BBDO ont investigué cette planète à la fois terrifiante et revigorante.
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Alors que l'Europe peine à se donner un cadre institutionnel, les jeunes
Européens, eux, partagent à des degrés, plus ou moins divers, bon nombre de
croyances et de comportements. En France comme en Espagne, en Angleterre ou en
Russie, les “20 ans et des poussières”, titre de l'étude commanditée par BBDO
Europe, dessinent le portrait d'une planète vivifiante. Une planète, dont ils
sont, en tant qu'individualité, le centre. Et où le “je” s'impose à tous,
société, corps constituants mais aussi marques et entreprises. Décidés à
regarder la vie d'une manière positive, ces jeunes ne sont ni désabusés, ni
naïfs. « Ils sont avant tout pragmatiques. Et, bien qu'ils aient un regard
avisé sur les difficultés du monde, ils ont écarté les choses sur lesquelles
ils n'ont pas de capacité à agir, pour se concentrer sur que nous avons appelé
le “me project ”. Pour eux, la vie, c'est trouver, prévoir et réaliser des
expériences qui leur permettront d'exprimer ce qu'ils sont. C'est la génération
du “je peux” », analyse Valérie Accary, directrice générale en charge des
budgets internationaux de BBDO Europe.
Créativité et métissage
Mais attention, cette génération de tous les possibles
n'a que peu de choses en commun avec les ex-jeunes entrepreneurs de la nouvelle
économie. A l'image du devoir qui ne fait plus partie de leur vocabulaire,
l'idée d'entreprendre n'est pas inscrite dans leurs gènes. « Si on note un
réel dynamisme économique dans les pays de l'ex-bloc de l'Est, en revanche en
Europe occidentale, les jeunes n'ont pas une âme d'entrepreneur. Ils n'aiment
pas prendre de risques. Ils ne cherchent pas à inventer ou réinventer, la
valeur clé qui les intéresse, c'est la créativité », poursuit Valérie Accary.
A l'aise et en contrôle de la situation, ces jeunes ne se définissent pas par
rapport à autrui mais par rapport à ce qu'ils sont. Sûrs d'eux-mêmes, ils ont
une idée très claire de leur identité. Européens, ils sont aussi et avant tout
fiers de leurs racines, qu'ils ne voient pas comme une entrave ou un repli sur
soi mais bien comme une source de force personnelle. Attachés à leur terre, ils
le sont également aux grandes valeurs, comme la famille. 79 % des jeunes
Européens veulent s'installer, se marier, avoir des enfants, bref recréer le
modèle ancestral. Ils sont 85 % en France. Est-ce parce qu'ils assurent ces
racines, qu'ils sont prêts à jouer à fond avec leur identité ? Probablement. «
Pour cette génération, savoir jouer avec son identité est la preuve d'une
certaine confiance en soi et de sophistication. On retrouve, partout en Europe,
cette tendance au métissage, dans la mode, la sexualité, la musique, le design.
Quand les marques enferment les consommateurs jeunes dans des cases, elles
prennent le risque d'enfermer des générations qui justement ne veulent pas
l'être », note Valérie Accary. Ce métissage culturel est également un garant
de la liberté et de la tolérance. 57 % d'entre eux se déclarent très à l'aise
aussi bien avec des homos que des hétéros (61 % en France) et 53 % se disent
prêts à explorer tous les aspects de leur sexualité (56 % en France). Sûrs
d'eux et de leurs possibilités, développent-ils pour autant le culte de la
célébrité ? L'étude a le mérite de remettre les choses à leur place. « L'écart
entre les gens célèbres et le commun des mortels s'est modifié. Tous savent
qu'ils peuvent connaître leur quart d'heure de célébrité grâce notamment à la
télé-réalité. Cette génération a donc requalifié la célébrité, elle se
transforme et retrouve son origine : la reconnaissance d'un talent unique. Les
jeunes de 20 ans rêvent de trouver la gloire dans leur domaine de prédilection.
Et ils ont les mêmes exigences envers les célébrités », analyse Valérie
Accary.
Génération digitale
Pour faire éclater au
grand jour ce talent, les 20 ans ont trouvé un allié de poids : les nouvelles
technologies. Les âmes chagrines craignaient que ces technologies ne les
enferment dans un monde virtuel. Il n'en est rien, bien au contraire. Les 20
ans les utilisent pour communiquer, échanger, jouer, créer de nouvelles
communautés. « C'est la génération des réseaux, des communautés. La technologie
fait partie de leur vie, de leur passion, c'est aussi quelque chose
d'utilitaire », insiste Valérie Accary. Si les technologies sont inscrites dans
leur quotidien et sont des facilitateurs d'échanges, il n'y a aucun angélisme
chez eux. Majoritairement, ils ne pensent pas que la technologie rende plus
créatif, en revanche elle permet de donner vie à des idées. Pas étonnant, dans
ces conditions, que le iPod d'Apple soit le produit et la marque emblématiques
de cette génération. D'autant que cette passion pour les technologies
interactives s'accompagne d'un goût prononcé pour tout ce qui est gratuit. Or,
la gratuité, l'échange non marchand ont été parmi les leviers du développement
de ces technologies. Mieux, elles ont raccourci le temps. « Le speed dating,
quatre minutes, ce n'est clairement pas suffisant pour connaître une personne,
mais c'est bien assez pour savoir si tu as envie de la revoir », dit ainsi
John, un jeune Londonien. Elles sont également des sources d'économies,
notamment en matière de voyage. Le voyage, une autre des grandes aspirations de
cette génération. Au-delà de l'évasion, la formule “les voyages forment la
jeunesse” prend chez eux tout son sens. Chaque voyage est en effet une nouvelle
expérience qui va permettre de se construire, d'être soi-même, de s'enrichir.
62 % des jeunes Européens disent ainsi avoir pour objectif de prendre du temps
sur leur travail pour voyager, ils ne sont que 48 % en France. Et 32 %
prévoient de vivre ou de travailler à l'étranger, 34 % en France. Si les 20 ans
et des poussières ont fait du jeu des expériences leur pain quotidien, s'ils
vivent pour eux et non pour les autres, il demeure cependant un domaine où le
fossé des générations s'estompe : celui de l'apparence physique. Comme les
générations précédentes, ils déclarent majoritairement ne pas aimer leur corps
(62 %) et ils sont seulement 47 % à se sentir à l'aise en maillot de bain mais,
à la différence de leurs aînés, ils ont le sentiment de pouvoir modifier leur
aspect physique tant ils se sentent responsables de leur bien-être et de leur
santé. 17 % pensent ainsi avoir recours à la chirurgie esthétique, avec un pic
pour les Françaises qui sont 32 % à y songer. Experts en la matière, ils savent
trier dans la multitude de messages pour faire leur propre cocktail. 30 % ont
essayé des thérapies alternatives pour leur santé, 50 % en France. « C'est une
génération qui n'est absolument pas dans la modération. Ils sont dans l'excès
dans les deux sens. Ils savent se créer un équilibre entre des moments de pur
délire et des moments de ressourcement alimentaire et physique où ils prônent
le bien-être total, corps-esprit-âme », note Valérie Accary.
Parce que je le veux bien…
Pour cette génération en quête de bien-être,
le plaisir est devenu un programme. Pour 55 % d'entre eux, il est plus
important de vivre une vie intéressante que d'être riche. La France fait encore
jouer son exception culturelle puisque nos jeunes compatriotes sont 63 % à le
penser. Génération d'un zapping ordinaire, la cible est peu fidèle aux
entreprises pour lesquelles elle travaille. A moins que ces dernières ne leur
permettent d'allier ce qu'ils aiment faire et un travail. « Hormis en Turquie,
où l'argent sert encore à accéder à un statut social, les jeunes veulent de
l'argent pour vivre des expériences maintenant et demain, les entreprises ne
doivent pas leur proposer toujours plus mais assez pour profiter pleinement de
la vie. Ils ne se sentent pas dominés par l'entreprise et montrent une vraie
volonté de prise de distance avec le travail en soi. L'idée est “Comment faire
de mon job, une expérience positive ?” Ils ont une vision claire et cohérente
avec la réalité », estime Valérie Accary. Peu enclins à perdre leur vie pour la
gagner, ces jeunes ont également pris des distances avec les grands débats
idéologiques. Globalement apolitique, la génération des 20 ans peut tout de
même avoir un sursaut citoyen et se battre pour ce qui lui semble important. A
l'engagement de masse, elle préfère les actions localisées. Ainsi 58 % des
jeunes déclarent vouloir s'engager pour des actions locales, ils ne sont que 38
% à déclarer vouloir se battre pour leur pays. Si ces jeunes ne semblent plus
rien espérer de l'engagement politique, en revanche, ils attendent des
entreprises qu'elles fassent preuve de responsabilité et surtout qu'elles
respectent leurs engagements à travers des actions visibles et pratiques. «
Pour autant, cette génération n'est pas prête à faire des compromis sur son
confort et sur ses plaisirs. C'est aux entreprises de réconcilier le collectif
et l'individu », indique Valérie Accary. Et les marques dans tout cela ? Bonne
nouvelle, ils les aiment. Mais encore faut-il qu'elles expriment une forte
personnalité, qu'elles aient une âme. « Ils s'intéressent à l'esprit de la
marque et vérifient si celui-ci est en adéquation avec leur propre vision du
monde », commente Valérie Accary. Et si Apple figure en bonne place dans leur
Panthéon, c'est qu'elle ne les enferme pas dans un usage unique, qu'elle leur
permet de vivre des expériences et qu'elle est source d'interconnections. Bien
qu'egocentrés, ces jeunes sont toujours en quête de connections. Alors, demain
des Steve Job dans toutes les entreprises ? Qu'elles s'appellent Pepsi, Danone,
Mercedes ou BBDO. Chiche…
Le jeunisme est-il mort ?
Si le jeunisme est bel et bien en plein règne, Ipsos Observer constate néanmoins d'autres modèles émergents. L'enfance ou la fuite : la société témoigne un attachement fort à l'enfant, à travers le succès de films comme Les Choristes ou encore Vipère au poing. Ce culte de l'enfant renvoie à une nostalgie d'une période de la vie symbole de protection et d'insouciance. Les seniors ou le désir de pause : les seniors sont également hors système, comme les enfants. Ils portent des valeurs comme la low-cost attitude, le refus de l'innovation gadget. Ils rejettent une certaine société consumériste. C'est ce qu'Ipsos appelle “l'âge de la liberté”, combinant “hédonisme et détachement”. Les trentenaires ou l'équilibre : le trentenaire est aspirationnel à la fois pour les plus jeunes (puisque symbole du dépassement de la préparation à l'âge adulte, du dépassement des années d'études et du fait de chercher un travail) et pour les quadras qui voient en lui l'âge idéal, où l'on n'est pas complètement installé dans la vie.
Méthodologie
Etude qualitative Flamingo International, auprès de 18-30 ans, early adopters (Rép. Tchèque, France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Russie). Etude quantitative The Wire sur un échantillon de 1 600 personnes, âgées de 18 à 30 ans, appartenant aux six pays précédents plus l'Italie et la Suède.