Le géomarketing joue la carte des données
Loin de se cantonner aux seules applications logicielles de cartographie, le géomarketing direct repose aujourd'hui très largement sur le développement qualitatif et quantitatif de la data. Parmi les leviers de dynamisme d'un marché encore limité : les applications numériques et de mobilité.
Baisse sensible des tarifs, facilité accrue d'utilisation et
informatisation massive de tous les services de l'entreprise : trois facteurs
qui pourraient assurer au géomarketing un succès grandissant dans les années à
venir. Aujourd'hui, il s'agit encore d'un petit marché, qui semble n'intéresser
véritablement que la cour des grands comptes, le champ de prospection des PME
manquant souvent de l'amplitude nécessaire à l'efficience et la rentabilité
d'un modèle, où la notion de couverture demeure centrale. Guillaume Beauregard,
directeur commercial et marketing de GeoConcept, évalue le marché potentiel du
géomarketing, en France, à 2,5 millions d'euros pour les licences et à 7
millions d'euros si l'on y ajoute les services. Chez Médiapost, on dimensionne
l'activité à hauteur de 22 millions d'euros, dont à peine 5 % pour les seules
études. Quant à la part du marché afférant plus directement à des utilisations
de marketing direct, son poids fait l'objet de conjectures encore plus
intuitives et encore moins scientifiques. « Le géomarketing à des fins de
marketing direct est une toute petite division du marché de la géométrique, pas
plus de 15 %, affirme Guillaume Beauregard. Et pour cause : pour les
entreprises qui ont besoin de ciblage, il y a d'autres réponses, fournies par
des sociétés comme Consodata. » Un petit marché, donc, et sans réelle
innovation technique. « Il n'y a pas eu de renouvellement depuis quinze ans. La
seule nouveauté est celle des données, pas celle des outils », résume Jean-Marc
Pichery, chef de produits chez Claritas. Par-delà ces constats, quels horizons
le géomarketing ouvre-t-il aux professionnels et utilisateurs du marketing
direct ? Quelles sont les perspectives de développement pour des acteurs qui
évoluent sur ce marché ou qui souhaiteraient l'investir ?
Les prestataires élargissent le spectre de leur offre
GeoConcept est
présent sur ce marché depuis plus de dix ans (créée en 1990, Alsoft est devenue
GeoConcept en 1998). Aujourd'hui, la société s'attache à agréger des offres
connexes, notamment des applications de logistique ou de call center. Les
applications cartographiques ne suffiraient-elles pas à la pérennité
commerciale d'un SIG (système d'information géographique) ? « Nous évoluons sur
un petit marché où il est difficile de produire de gros revenus. Ceux qui s'en
sortent sont ceux qui font autre chose », soutient Guillaume Beauregard. Le
développement de nouveaux éventails d'offres et de services ne facilite pas la
lisibilité d'un marché confus malgré sa petite taille. Le géomarketing fait
vivre une palette de sociétés aux activités complémentaires : éditeurs de SIG,
producteurs de cartes et d'itinéraires, distributeurs de données, fournisseurs
de services ou d'applications dédiés… Pas facile de s'y retrouver. D'autant
que, plus les spectres revendiqués de prestation s'élargissent, plus les
imbrications sont probables. Lorsqu'une entreprise utilise un outil ou service
opérationnel, il a toutes les chances de mettre en branle une concaténation
hétérogène de fournisseurs. Esri, leader mondial de la cartographie, diffuse
ainsi les données de producteurs comme l'Insee, IGN, Télé Atlas, Navtech.
Médiapost utilise les technologies de sociétés comme Mapinfo, GeoGoncept ou
Esri. Experian, Via Michelin, Adhoc, Affimétrie et même l'IGN utilisent du
GeoConcept. Les orientations majeures du marché sont incontestées : le
géomarketing ne se résume plus à de la cartographie, si pointue fut-elle. « Le
géomarketing s'inscrit dans des logiques de plus en plus délocalisées au sein
de l'entreprise, pour être adopté au niveau de n'importe quelle unité
opérationnelle pour peu qu'elle recouvre des interactions avec la relation
client », développe Samuel Beauchef, responsable des relations avec les médias
chez Experian. Le géomarketing doit être interopérable ou ne pas être. C'est en
quelque sorte le credo affiché par les acteurs du marché. Pour inscrire le
géomarketing dans le système d'information des entreprises au même titre que
n'importe quelle autre composante ou donnée, la société Asterop a choisi de se
démarquer du modèle des SIG, en proposant un modèle de stockage de données
géographiques intégrable à la BDD. « Les SIG existent depuis vingt-cinq ans et
n'ont jamais été conçus à des fins de géomarketing », remarque Christophe
Girardier, P-dg d'Asterop.
Un ticket d'entrée élevé pour un maillage technique complexe
Les entreprises utilisatrices sont à
la recherche de modèles opérationnels. D'où le souci affiché des fournisseurs
de proposer des offres répondant à des impératifs de praticité. Une société
comme Maporama, que l'on qualifie souvent à tort de SIG alors qu'elle produit
des données destinées à être projetées sur des cartes, a développé il y a un an
une offre destinée aux marketeurs, basée sur la mise en correspondance de la
donne cartographique et des informations postales nominatives. « En nous
connectant aux bases de données clients des entreprises, nous pouvons nettoyer
les adresses, mais aussi effectuer des recherches de proximité. Par exemple,
extraire les adresses situées dans un rayon donné », argumente Laurent
Vermot-Gauchy, P-dg de Maporama. Chez Experian, on s'intéresse de près à la
sphère bancaire, en développant notamment pour elle des techniques de
“pixellisation”, consistant à identifier des critères discriminants (CSP,
revenus, âge, sexe…) en croisant des données géomarketing et des données
France Télécom. « En modélisant, par exemple, des indices de revenus au niveau
de l'îlot, nous pouvons fournir des informations très intéressantes pour une
banque cherchant à se rapprocher des clients distanciés », explique Cécile
Chevalier-Rottman, responsable du pôle banque assurance d'Experian. Le
géomarketing fait intervenir des technologies parfois lourdes, toujours
complexes et diverses. Le ticket d'entrée est donc élevé. Chez GeoConcept, on
revendique 250 années-homme derrière la technologie maison. Ce qui n'empêche
pas des immixtions strictement dictées par l'opportunisme. « Il y a des
margoulins. Ils ne vivent généralement pas plus de trois ans », souligne
Jean-Marc Pichery. De fait, pour crédibiliser une offre de géomarketing dans la
durée, les fournisseurs et prestataires de services doivent au mieux maîtriser
les divers maillons de la chaîne, en tous cas en intégrer le principe dans la
conception même de leur offre. Au sein des sociétés de cartographie, on est
aujourd'hui parfaitement conscient de la prégnance stratégique de la data. «
En géomarketing, c'est la donnée qui prévaut. Si l'on projette trop
d'informations, ou des informations mal préparées, on n'arrive à rien de bon,
commente Hélène Combot, responsable de marché service et commerce chez Esri. A
chacun de mettre en route des modèles d'analyse. Mais il est très rare que nos
clients maîtrisent leur utilisation de la machine. » Esri, qui vient de signer
un accord de partenariat avec Médiapost, propose, parmi ses services, une
prestation de géocodage. « Le géocodage est plus précis que la table de
correspondance de l'Iris, qui reste un peu approximative, affirme Hélène
Combot. Or, il existe peu de fichiers réellement géocodés sur le marché.
Souvent, les mises à jour ne sont pas faites. » La connaissance et la maîtrise
de la base interne et des données importées peuvent protéger les entreprises
des tentations dispendieuses en matière d'études notamment. « Quand on vend de
l'étude la première fois, les clients sont satisfaits. C'est l'effet
découverte. Mais ensuite, rien ne peut égaler ce qu'ils sont en mesure
d'apporter avec leurs moyens propres », reconnaît Guillaume Beauregard. Quels
sont les apports réels du géomarketing ? A l'heure où l'on ne cesse de se
féliciter d'une demande motivée par l'opérationnel et la rentabilité, quelle
est la légitimité de ces techniques développées depuis plus de 15 ans. « C'est
une vraie question », répond Laurent Alexandre, directeur général de MPG
Direct, qui reconnaît la difficulté de mesurer de manière fiable et quantifiée
l'efficacité de l'approche. Il est incontestable que le prix des outils a de
manière générale sensiblement baissé. De même que celui des données, qui
peuvent représenter de 30 à 80 % du coût global de mise en place d'un SIG. «
Le marché est en train de se démocratiser. Il y a deux trois ans, l'accès à un
outil de géomarketing coûtait environ 450 000 euros par an. Aujourd'hui, on
trouve des suites logicielles à 25 KE. Quant aux données, il existe des packs à
7 000 euros », précise Laurent Alexandre. Un tableau de bord utilisé par une
PME sur une zone de chalandise de base coûtera selon Médiapost entre 150 et 300
euros. Chez Maporama, on revendique un coût par poste de moins de 1 000 euros.
Claritas annonce un tarif de moins de 3 000 euros pour Mapinfo en monoposte. «
En comptant le logiciel, mais aussi la formation de trois jours, la mise à jour
et la hot line. La technologie, en elle-même, ne coûte plus grand chose »,
remarque Jean-Marc Pichery, chef de produits chez Claritas. Chez les offreurs
de services, il y a ceux qui sauront recenser, résumer, utiliser les sources du
marché (pas moins de 15 000 données socio-démographiques par Iris Insee) et
ceux qui n'auront ni l'infrastructure ni le savoir-faire idoine. Et les prix
s'en ressentiront. Médiapost a, pour un grand compte, facturé un service
complet autour de 45 000 euros : vente de typologie, référentiel de géocodage,
délivrance de données liées à un réseau de points de vente, le tout sous
système statistique de type SAS…
De l'architecture client/serveur à l'Intranet
In fine, tout va dépendre de ce que l'entreprise veut
faire des outils achetés. Si elle injecte une ou deux cartes, le modèle demeure
peu coûteux. Si elle y projette des données exogènes provenant de sources
diverses et requalifiées en fonction d'exigences stratégiques de ciblage… Une
qualification géomarketing sur un fichier de 20 000 noms, avec préconisation de
ciblage est estimée, chez Médiapost, à 6 000 euros. GeoConcept cite, pour sa
part, une somme de 15 000 à 20 000 euros pour une solution de géomarketing
intégrant des données comportementales. Les prix diminuent dès lors que
l'entreprise ne travaille plus dans une architecture client/serveur
traditionnelle. D'où le choix, de plus en plus fréquent, de mettre les SIG sur
l'Intranet. L'outil est directement accessible de n'importe où, et les coûts
d'utilisation s'en trouvent considérablement réduits, pour des usages encore
assez “classiques”, mais qui pourraient, toujours grâce à la conjugaison de la
technologie et des données, ouvrir des voies rapidement et massivement
empruntées. Le mariage des différents outils, techniques et services
disponibles s'avère, la plupart du temps, exploité à des fins de validation de
campagnes par une évaluation de potentiels de zones : est-ce que je ne passe
pas à côté d'une zone de ciblage intéressante, est-ce que je ne surpressurise
pas telle autre zone ? L'opérateur télécom Tele2 a, par exemple, mené, avec
Médiapost, une première opération pilote sur la base de 2 millions de messages,
lui permettant de réaliser que sa cible était plus élargie et plus rurale que
les précédents schémas d'études ne l'affirmaient. 10 millions de plis ont
ensuite été diffusés dans toute la France.
Intégrer le géomarketing plus en amont des options stratégiques
De l'avis de nombre
d'acteurs, le marché reste encore imprégné d'une culture “outils”. « Les
acteurs de ce marché vendent des données et du logiciel. On devrait plutôt
vendre de l'utilité », affirme Didier Robert, responsable du service études et
conseil en géomarketing de Médiapost. En revendiquant le terme de
“géoplanning”, MPG Direct aspire également à une intégration du géomarketing
très en amont de la réflexion. Ce qui n'altère pas la lucidité du directeur
général : « De facto, on fait beaucoup d'ISA. » L'imprimé sans adresse demeure,
en effet, l'une des applications majeures du géomarketing direct. Même si
certains minimisent son importance. Chez Médiapost, l'ISA ne représenterait
plus que 50 % du chiffre d'affaires de la business unit études et conseil en
géomarketing, contre 90 % encore l'année dernière. Il est vrai que l'ISA, lui
aussi, a bénéficié des évolutions des techniques et de l'offre en matière de
traitement des données. « On ne largue plus les ISA par avion », sourit
Stéphane Merger, directeur marketing et communication de Claritas. Les outils
intègrent des paramètres de plus en plus complexes et nombreux. Et les critères
de ciblage s'en trouvent affinés. L'agence Media Track (groupe Co-Spirit) a
développé un système de notation sociodémographique des agglomérations
intégrant des critères spécifiques aux besoins des distributeurs (temps d'accès
aux magasins, panier moyen, taux de pénétration…). La vocation de l'outil étant
d'accompagner les enseignes dans leurs actions de distribution des imprimés
sans adresse. Coût du système : entre 30 000 et 40 000 euros pour une dizaine
de magasins (les critères sont facturés en supplément). En matière d'ISA, le
poste distribution ne va pas sans susciter des interrogations chez certains
acteurs du marché. « Dès que vous cherchez à arroser une population importante,
vous devez payer aux distributeurs d'ISA une majoration de 25 %, qui se monte à
40 % pour un ciblage intégrant des données comportementales », dénonce un
patron d'agence. Selon ce dernier, les tarifs d'une campagne sur une population
particulièrement ciblée, par exemple des abonnés ADSL, peuvent s'élever à 15-18
euros du mille. « Les prestations de ciblages vendues par Médiapost ne sont pas
transparentes. La société fait des difficultés à fournir des informations sur
la définition de ses quartiers de distribution. Si l'on ajoute à cela le rachat
de Delta Diffusion, qui va porter à 75 % la part du marché détenue par
Médiapost, on n'est pas dans une pratique normale », affirme pour sa part
Christophe Girardier.
Associer le numérique et le réseau physique de distribution
Après la prise de contrôle de Delta Diffusion par
Médiapost, les entreprises qui redouteraient une situation approchant le
monopole pourraient bien, plus que jamais, avoir recours à des systèmes de
contrôle. MPG Direct décline le planning stratégique au géomarketing et donc
aux circuits de distribution d'ISA, en mettant en œuvre des méthodes de
notation de la qualité de distribution via entité indépendante. « Le contrôle
va coûter environ 2 à 2,5 euros le mille », précise Laurent Alexandre. Soit 10
% du coût global de la distribution pour une opération “classique” et autour de
5 % pour une campagne à forte profondeur de ciblage. Pas si cher que cela,
remarque le Dg de MPG Direct, dès lors que le contrôle permet l'identification
de zones de dysfonctionnements, voire d'une baisse générale de qualité de
service chez un distributeur. Le taux moyen de qualité se situerait entre 85 et
90 %. Après le papier, le géomarketing direct pourrait très vite investir la
sphère numérique. L'éditeur de solutions logicielles de communication Neolane a
développé un module de géomarketing direct permettant un ciblage géographique
des campagnes d'e-mailing sur des zones de chalandise, l'insertion
individualisée, dans le corps du mail, d'une liste de points de vente couplée,
le cas échéant, d'un plan et d'un itinéraire, la personnalisation du contenu du
message en fonction des offres du point de vente le plus proche du destinataire
de l'e-mail. Le credo de Neolane, en la matière, réside dans l'association du
numérique et du réseau de distribution. Utiliser le canal on line pour renvoyer
la cible sur le canal physique de vente. Ce que Stéphane Dietrich, directeur
général, résume par « la stratégie clic et magasin ». La souplesse de
l'e-mailing répondant au plus près aux exigences d'une approche personnalisée,
le message électronique s'avère un excellent levier d'optimisation du
géomarketing. Le référencement de points de vente de proximité, la mention
d'offres promotionnelles spécifiques à tel magasin, la déclinaison de services
de type itinéraire s'avèrent, en effet, beaucoup plus simples avec le support
numérique, qu'avec l'impression papier. Ils constituent au demeurant un vecteur
puissant de personnalisation des messages. « La maîtrise des techniques
numériques confère à l'e-mail des capacités de personnalisation quasi
illimitées, dont le géomarketing est l'une des expressions les plus
intéressantes », remarque Stéphane Dietrich. Travelprice a déjà utilisé le
module Neolane pour proposer, à des clients et prospects de province, des
offres à partir d'aéroports implantés en régions. Un système fonctionnel pour
l'annonceur. Une fois doté du module de géomarketing direct (12 000 euros), une
fois sa base e-mails de ciblage constituée, il n'a plus qu'à cliquer sur des
options pratiques du type “mentionner les trois magasins les plus proches dans
le corps du mail” et/ou “intégrer une carte dans le corps du message”.
Application extrême : le modèle peut faire le lien entre le destinataire de
l'e-mail et l'offre promotionnelle du point de vente le plus proche. Le
directeur général de Neolane reconnaissant toutefois la complexité du
dispositif induit : « Il faut prévoir un paramétrage des sites web des points
de vente. D'un point de vue purement logistique, cela n'est pas facile à mettre
en œuvre. »
La mobilité, entre tracking et ciblage
Tout comme demeurent très délicates certaines technologies de mobilité. Et
pourtant, ce concept de mobilité apparaît comme l'un des leviers potentiels de
précision et de développement du géomarketing. Mais si des hypothèses des plus
séduisantes en termes de pratiques de ciblage reposent sur des options
technologiquement crédibles, elles se heurtent à un grand flou juridique.
Ainsi, le fait d'associer l'envoi de SMS à la proximité momentanément constatée
entre la cible et un point de vente donné, parce qu'il implique une
géolocalisation des individus à des fins commerciales, n'est pas encore
envisageable. Aujourd'hui, si les opérateurs sont en mesure d'effectuer une
traçabilité des porteurs de terminaux mobiles, rien n'autorise des tiers à
exploiter ce potentiel. Autre technique, aux effets assez similaires : le self
broadcast. Il s'agit de toucher par SMS, des personnes dont le téléphone mobile
est connecté, à un instant T, à l'intérieur d'une zone géographique appelée
“cellule” par les opérateurs télécoms. Exactement comme on utilise des canaux
télévisuels. Le modèle fonctionne, il est juridiquement probant et fait déjà
l'objet d'expériences pilotes. Mais là encore, les limites peuvent s'avérer
rédhibitoires pour des usages de marketing direct. Primo, le système est
assujetti à une déclaration préalable d'acceptation de la cible (“oui, je veux
bien recevoir des messages sur un canal self broadcast”). Deuxio, le contrôle
opérationnel de la communication reste le fait exclusif de l'opérateur. Tertio,
l'annonceur n'a pas moyen de mesurer l'impact de son message en termes de
couverture. Sauf à constituer un panel de type Médiamétrie, qui semble
difficilement déclinable à l'échelle de chaque cellule d'opérateur. En fait, le
système reproduit, en les amplifiant, les difficultés de gestion d'une grille
de diffusion TV. « A ce jour, nous sommes les seuls à proposer une prestation
de géomarketing de la mobilité. Le fichier Mirabel, de l'Insee, qui recense les
migrations domicile-travail, soit 35 % des déplacements, ne référence que les
communes de départ et d'arrivée et pas les itinéraires. Ni les trajets
effectués à pied, qui représentent 35 % des déplacements », affirme Damien de
Foucault, directeur commercial d'Affimétrie. La société s'est positionnée sur
ce créneau de la mobilité, en développant, essentiellement pour les sociétés
d'affichage, des mesures d'audience liées au déplacement des individus. Le
modèle d'Affimétrie repose sur un panel régulièrement interrogé sur ses
itinéraires, lors d'entretiens téléphoniques d'environ 35 minutes, où les
opérateurs sont aidés de logiciels cartographiques détaillés. L'échantillon
sélectionné sur Lyon se compose, par exemple, de 2 000 personnes, qui seront
toutes interrogées une fois dans l'année sur les trajets effectués la veille. A
raison de trois à quatre trajets quotidiens par personne, Affimétrie va ainsi
décrypter 6 000 à 8 000 trajets qui feront référence pour l'agglomération
lyonnaise. Depuis le lancement de son offre, Affimétrie aurait réalisé près de
70 000 entretiens, dont 8 000 en Ile-de-France. Programme pour 2003-2004 : 100
000 entretiens sur 45 agglomérations. Affimétrie, dont Experian a acheté
l'exclusivité de la distribution, affirme couvrir toutes les agglomérations de
plus de 10 000 habitants, soit 67 % de la population française. Le géomarketing
“traditionnel” fait l'impasse sur une question qui mérite pourtant d'être posée
: où Madame X, qui habite à Marne-la-Vallée et travaille à La Défense,
va-t-elle faire ses courses ? Les achats de mobilité représenteraient selon
Damien de Foucault, 60 % du potentiel commercial d'un point de vente. « Il ne
faut pas surestimer le facteur mobilité. Nous mesurons régulièrement la part de
la population qui achète dans les enseignes généralistes hors de sa zone
d'habitation : elle ne dépasse pas 7 à 8 % », conteste Stéphane Merger, qui
reconnaît cependant l'intérêt d'une prise en compte de la mobilité pour les
enseignes spécialisées. Les applications sont évidentes : street marketing,
distribution de messages, set d'échantillons, voire adaptation de l'offre des
points de vente aux profils des populations en déplacement…
Les différentes strates du géomarketing direct
Les cartes dites “vecteur” reproduisent le tracé brut des rues et des voies. En y superposant des données “raster”, on enrichit les plans jusqu'à leur donner un aspect iconographique lisible des marketeurs. Ensuite, selon les besoins, on ajoute les grilles de données formalisées (la base étant l'Iris 2000 de l'Insee), déclinant la précision jusqu'à l'îlot. La projection sur ces couches cartographiques de données exogènes de ciblage (sociologie, consommation…) venant parachever le modèle du géomarketing direct. Tous les fournisseurs vantent la perméabilité de leurs solutions aux données propriétaires, publiques (de type SIG ou données) ou privées (bases de données clients ou fichiers de rospection).
“Bottom top” ou “top bottom” ?
« La finalité du géomarketing, c'est l'action au niveau local. Un panel de 8 000 personnes, c'est intéressant à l'échelle nationale. Mais quand on sait qu'il y a 8 000 hypermarchés en France, on mesure les limites d'une telle base une fois projetée localement », affirme Stéphane Merger. Le directeur marketing et communication de Claritas illustre ici l'option “bottom top” qui consiste à modéliser une donnée terrain à l'échelle nationale. A l'inverse du “top bottom”, modèle selon lequel, à partir d'une étude nationale, on décrypte les données jusqu'à l'Iris. « Le bottom top est plus réactif. Pour le top bottom, si le variable national n'existe pas, il faut le commander, cela prend du temps », souligne Laurent Alexandre, directeur général de MPG Direct.
Le géomarketing au secours des kiosquiers
Un réseau « démotivé, en crise » : c'est ainsi que Pascale Marie, directeur du Syndicat de la presse magazine et d'information (SPMI), qualifie le tissu des points de vente de titres de presse magazine. D'où la nécessité selon elle « d'insuffler un peu d'économie et de marketing et d'imaginer des outils susceptibles de moderniser le réseau ». Or, si la profession peut détailler la nature des ventes au kiosque près, elle ne sait en aucun cas qui achète où. La résolution de l'énigme consiste dans le croisement de la clientèle des points de vente et de celle exposée à ces mêmes points de vente. En projetant sur un même plan des données produites par le système de mesure d'audience de la presse magazine (AEPM, Ipsos Médias), par l'Insee et par Affimétrie, le syndicat a créé la grille qui lui pourrait lui permettre de connaître le potentiel spécifique de chacun des 3 400 points de vente de magazines en France et donc, éventuellement, de réviser la configuration du réseau et la répartition de l'offre. Une étude pilote, dont le décryptage n'est pas encore finalisé, vient d'être menée sur la Loire-Atlantique. « Il faudra un budget d'au moins un million d'euros pour étendre l'étude à toute la France », affirme Pascale Marie, qui mise sur l'aide des NMPP, intéressées par la démarche. En attendant, le SPMI aura déboursé quelque 30 000 euros dans le seul achat des données, celles d'Affimétrie entre autres.
Piaggio : trafic créé, trafic mesuré
Pour accompagner le lancement de son scooter X9 Evolution, Piaggio a contacté fin juin une cible de jeunes hommes urbains à hauts revenus, par courrier, e-mailing et en push-pull sur le Web. Les messages présentaient tous une double codification : un identifiant permettant la participation à un jeu en concessions, un autre code autorisant un essai du véhicule. L'astuce étant de faire du point de vente le relais obligé entre le prospect et la base de données centrale : les candidats devaient, en effet, lui signaler leur identifiant pour que le concessionnaire le valide auprès d'un serveur vocal. MPG Direct a travaillé sur la base de 6 fichiers d'adresses e-mails, dont trois pré-qualifiés aux normes Insee, les trois autres ayant fait l'objet d'une “irisation” par l'agence. Une base primaire de 210 000 adresses, réduite à 130 000 noms après scoring sur l'âge (35-45 ans) et déduplication (15 % de doublons). MPG a ensuite circonscrit des groupes de cibles en fonction des zones identifiées comme riches de potentiel commercial pour l'annonceur. Outre un mailing postal à 26 000 exemplaires, l'agence a déployé un volant de bannières sur le Web : les formulaires d'inscription remplis étaient basculés chez Neolane, qui retournait aux internautes, via e-mail, un lien HTML où figuraient les adresses des concessionnaires référencés pour l'opération.
Géomarketing : enfin la maturité ! par Régis Barbier, membre du SNCD et président-directeur général de Cartégie
Né dans les années 1990, démocratisé par les systèmes d'information géographiques, le géomarketing est aujourd'hui une composante incontournable du marketing stratégique et opérationnel, notamment dans les organisations à réseaux. Freiné par le coût d'acquisition des référentiels géographiques, par la difficulté de projeter de la donnée mal structurée, il a longtemps été perçu comme un “gadget” pas toujours rentable. Aujourd'hui, il a envahi de nombreux domaines et sait même se cacher dans des solutions où il joue pourtant un rôle indispensable. Sur Internet, il est devenu incontournable lorsqu'il faut visualiser une adresse ou une enseigne. L'éclairage qu'il apporte dans les études de marché et de pénétration n'est plus contesté. Les call centers ne peuvent plus se passer d'une adresse associée à un commercial ou un point de vente. Les outils décisionnels intègrent tous, dorénavant, des modules cartographiques. Le géomarketing a trouvé ses premières applications dans la banque et l'assurance pour lesquels les problématiques de couverture commerciale nécessitent une visualisation précise des territoires. De la même façon, le secteur des télécoms s'est naturellement approprié le géomarketing dès les premiers déploiements des infrastructures et la mise en place des organisations commerciales. Enfin, les techniques du géomarketing commencent à émerger dans trois grands secteurs à fort potentiel : la grande distribution, à la recherche de nouvelles clientèles et d'une communication plus précise et personnalisée avec ses porteurs de cartes, la distribution automobile, confrontée à de nouveaux schémas géographiques de commercialisation, le secteur public (notamment les collectivités), soucieux de maîtriser les flux et les évolutions territoriales. Il reste aux acteurs, producteurs de référentiels géographiques, fournisseurs de données, éditeurs de logiciels, intégrateurs, à poursuivre la démocratisation et la fiabilité d'une technique, qui aura su s'imposer, en moins de dix années, dans la plupart des secteurs d'activité.