Résister à la tentation de copier la presse
Poussant un “coup de gueule” contre les errements des agences et des annonceurs, le vice-président de Verbe replace le consumer magazine au rang des supports de communication. Au sens noble du terme.
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Pour Olivier Breton, vice-président de l'agence Verbe, pôle editing de
Mediasystem (Publicis Groupe), il est impératif de jouer la transparence
vis-à-vis du lecteur : « Dire ce que l'on fait, à savoir porter la marque sans
avoir la prétention de faire de la presse qui, elle, apporte une tout autre
réponse. » Le risque encouru : un titre de marque qui assumerait trop les
spécificités de la presse échapperait alors à l'agence qui le conçoit comme à
la marque qu'il est censé véhiculer. Seul vrai problème, d'après Olivier Breton
: « Une majorité de magazines sont réalisés par des agences où règne la
frustration de ne pas faire de la presse ou encore par des annonceurs qui se
rêvent en leaders d'opinion. » Autant d'errements qui menacent la nature même
du consumer magazine et, plus inquiétant, la santé du marché. Car il est
évident qu'un annonceur préfèrera se rabattre sur des projets de fidélisation
et des opérations de publicité, moins coûteux certes, mais en rien comparables
à la réponse apportée par le magazine de marque. Pourquoi, en effet, lancer un
tel projet quand on dispose d'une palette d'alternatives bien plus économiques
?
Un lien entre le consommateur et la marque
Les
professionnels sont unanimes : c'est le seul moyen de valoriser la marque
au-delà du produit en créant un sentiment qui s'inscrit dans la durée. « C'est
le seul support de communication qui permette de donner du temps au temps à
travers une culture de lien, indispensable pour faire comprendre la tactique de
la marque », estime Olivier Breton. Sans compter ses atouts uniques, le capital
papier en premier lieu, qui est « somptuaire dans une logique relationnelle »,
la mise en main, qui concrétise l'idée de lien entre le consommateur et la
marque. Enfin, sa double dimension, cognitive et affective qui favorise
l'émergence de l'empathie du client pour l'enseigne.
Cibler pour être lu
La sanction du lecteur n'est pas moins cruelle en matière
de consumer magazines mal positionnés qu'elle ne l'est à l'égard d'un titre de
presse à la ligne éditoriale floue et à la lisibilité brouillée. Aussi, les
règles qui s'appliquent à la presse doivent-elles s'appliquer au consumer. A
savoir : positionnement, ligne éditoriale, enchaînement des rubriques, ton et
choix des contenus, périodicité, sans jamais négliger le fil conducteur de tout
cela : le sacro-saint lecteur que l'on souhaite intéresser et attacher au
titre. « Un consumer réussi est celui que le lecteur mérite », affirme Olivier
Breton.
Des dérives négatives
D'où l'importance de
l'adhésion du lectorat. Agrément qui ne s'obtient qu'à force de segmentation et
de ciblage. « Il y a trois manières de rater la mission d'un magazine de
marque, annonce Olivier Breton : cibler toutes les boîtes aux lettres suivant
une logique de diffusion “mass market”, devenir tellement grand public que l'on
se retrouve en kiosque, diffuser anarchiquement partout où il y a foule, comme
dans les gares ou les aéroports… sachant que tout cela revient à donner de la
confiture aux cochons. » Raison de ce “coup de gueule”, un alarmant constat sur
la dérive d'un marché qui, de l'aveu même de ce professionnel, semble avoir
trop vite atteint ses limites. En cause : des magazines anarchiquement
disséminés qui, faute de ciblage, finissent à la corbeille sans être lus.
Conséquences : côté client, un sentiment malvenu de matraquage publicitaire qui
déprécie ce type de presse. Côté agences, des consumers qui ratent leur mission
première, défendre la marque et le ROI du client. Corollaire de cet inquiétant
tableau, des annonceurs toujours plus rétifs à s'investir dans un projet qu'ils
considèrent comme un carcan, ou pire, un gouffre financier. Comment, dans ce
contexte, redorer le blason du magazine de marque ? Pour Olivier Breton, il
faut tout simplement replacer l'édition de cette presse au rang de la publicité
et du marketing en termes de qualité de traitement de ces supports. Et,
surtout, revenir aux bons vieux fondamentaux de la diffusion par abonnement,
sur le point de vente, ou encore en accompagnement des programmes de fidélité,
seuls moyens d'obtenir l'adhésion du client-lecteur.