« En téléphonie mobile, le vrai marketing relationnel a démarré il y a deux ans »
Pour SFR, la branche téléphonie mobile du groupe Cegetel, 2002 a été l'année du lancement d'Universal Music Mobile, une offre dédiée aux jeunes. 2003 se poursuivra avec encore et toujours des évolutions technologiques. Thierry Gattegno, Dga SFR, Dg SFR Grand Public et Dg Universal Music Mobile fait le point.
Je m'abonneEn préambule, peut-on repréciser la situation de SFR au sein du groupe Vivendi, qui comme chacun sait, a connu dernièrement de fortes turbulences ?
Après avoir passé une année en point d'interrogation
où la question était de savoir si nous allions devenir ou non une filiale de
Vodafone, aujourd'hui la situation est plus claire. Lors de son arrivée et
celle de son équipe, Jean-René Fourtou a indiqué qu'il souhaitait conserver les
activités de téléphonie fixe et mobile au sein du groupe. Le groupe Vivendi a
racheté les parts que SBC détenait dans Cegetel. De même, Vodafone a racheté
les parts possédées par British Telecom. Aujourd'hui, nous n'avons plus que
deux actionnaires : Vivendi, qui détient 70 % du groupe Cegetel et Vodafone, 30
%. Sachant que ce dernier fait figure d'actionnaire industriel. Nous
travaillons avec eux sur les achats, le réseau et les "best practice". Cette
synergie doit se renforcer encore plus.
Quels ont été les derniers chantiers de votre groupe ?
Au milieu de l'année 2001, Vivendi a
pris la majorité d'Universal. A l'époque, un certain nombre de programmes de
synergies avaient été évoqués. Seuls deux ont été retenus. Premier projet, que
j'avais promu : constituer une base de données commune à l'ensemble des
activités du groupe, à savoir, la communication, les télécoms et le publishing.
Or, aujourd'hui la presse ne fait plus partie du groupe. Le projet a été
arrêté. Mais ce travail existe. La base de données commune a démarré en termes
de structure et elle est destinée à des fins d'études et de statistiques. En
fait, aujourd'hui, elle est limitée aux clients du groupe Cegetel, à savoir 13
millions de clients en téléphonie mobile (SFR) et 2 millions de clients en
téléphonie fixe (Cegetel). Cette base de données, ou plutôt datawarehouse, qui
regroupe 15 millions de clients, est gérée en interne. Le deuxième projet était
d'associer la téléphonie et la musique pour la cible des jeunes. J'ai hérité de
ce deuxième projet, qui a pris le nom d'Universal Music Mobile, qui associe
donc les activités d'Universal Music France, (dont le P-dg est Pascal Nègre et
qui représente 35 % de PDM du disque en France) et de SFR. Idée de départ de ce
projet : le groupe possède un des plus beaux catalogues de musique et SFR
souhaitait accroître sa pénétration sur les jeunes. Universal Musique Mobile,
ce n'est pas une société, c'est un label, c'est une marque qui vend de la
téléphonie mobile avec un certain nombre de services, sur la cible des jeunes
de 9 à 25 ans.
Comment avez-vous construit cette offre ?
La cible des possesseurs de portables s'est terriblement
rajeunie. Les jeunes ont trouvé un intérêt majeur dans la téléphonie mobile
avec les Texto, appellation de SFR pour les SMS (Short Message Service). De
plus, les parents se sont rendu compte que le téléphone portable représente, en
fait, une sécurité totale. En 2001, la cible démarrait à 16 ans, puis on s'est
aperçu que la véritable cible, ce sont les 10-25 ans. Aujourd'hui, nous voulons
conquérir les jeunes de 10 à 18 ans et ceux de 18 à 25 ans. Le seul problème à
résoudre est de savoir quelles offres leur proposer, quelle communication et
quels services leur apporter. En ce qui concerne l'offre, le problème du
forfait se pose. Que peut-on proposer à des jeunes ? Plutôt du prépayé (SFR a 7
millions de clients abonnés et 6 millions de clients en prépayé). Le principe
de la carte prépayée est qu'elle donne un certain nombre d'unités d'appels.
Quand les unités sont consommées, il est possible de recharger son portable
dans un relais presse ou un bureau de tabac, ce qui n'est pas l'idéal pour des
jeunes. Chez SFR, nous avons inventé le forfait bloqué rechargeable pour
l'offre Universal Music Mobile. Le souscripteur choisit un montant de dépenses
mensuelles (de 15 à 37 euros). Lorsque le forfait est terminé, l'enfant ne peut
plus téléphoner, mais peut, en revanche, recevoir des appels. Il peut recharger
son mobile avec des petits montants de 6 euros, débités sur le compte de ses
parents. Ce forfait constitue un consensus entre les parents et un budget
limité non dépassable.
Quelle communication avez-vous mis en place pour lancer cette nouvelle offre ?
Le succès de cette nouvelle
offre a été sa communication. Car la difficulté est de créer quelque chose de
spécifique pour les jeunes sans les singer. Au début, nous avons fait appel à
Jamel, au moment de la sortie du film Astérix. Puis, ce fut Omar et Fred.
Ensuite, nous avons cherché des artistes très ciblés "jeunes" et nous avons
choisi "Chico", qui existait déjà sur Canal +. C'est un Brésilien, dont on ne
connaît ni le sexe, ni la nationalité. En fait, le personnage de Chico n'existe
pas, il est asexué et tout le monde peut s'y reconnaître. Il est à la fois réel
et virtuel. Ce personnage a été créé par Tequila \ qui a en charge la
publicité et la fidélisation pour Universal Music Mobile ainsi que la
fidélisation pour SFR. C'est Publicis qui gère la publicité pour SFR.
Quel bilan tirez-vous de ce lancement ?
L'autre raison
du succès d'UMM, c'est que les jeunes ne veulent pas qu'on leur propose plein
de services mais quelques services, qui leur correspondent. Ainsi, nous leur
proposons trois à quatre services très limités : les Texto et des services
musicaux, tels que des informations sur les artistes, sur les concerts... En
2002 (qui est en fait la véritable année de lancement, l'offre ayant été lancée
en septembre 2001), 633 000 clients ont souscrit à Universal Music Mobile. 75 %
des clients d'UMM ont moins de 25 ans et plus de 50 % moins de 18 ans.
Et le marketing direct dans tout cela ?
Le direct sur
la cible des jeunes, cela ne marche pas. En fait, en matière de téléphonie
mobile, le marketing direct de vente est très faible, le marketing direct de
conquête ne fonctionne pas. En revanche, le marketing relationnel a un impact
excessivement fort. Nous nous en servons pour communiquer aux clients par
Texto, on n'a rien trouvé de mieux pour envoyer un message !
Parlez-nous plus précisément de la fidélisation.
Elle
passe par le programme "Garantie Carré Rouge", qui s'applique pour SFR Pro,
Perso et SFR La Carte. Chaque mois, le client cumule des points Carré Rouge,
qu'il utilise à son gré : minutes de communication, Texto en plus, services à
découvrir, personnalisation de son mobile... Avec la Garantie Carré Rouge, les
points sont cumulés automatiquement. Pour 1 euro TTC facturé, 10 points Carré
Rouge sont offerts. Et le renouvellement de mobile se pratique à tarifs
avantageux. En fait, en matière de fidélisation, ce sont les opérateurs de
téléphonie mobile qui sont les plus gros propriétaires de bases de données. A
eux seuls, les trois opérateurs détiennent 40 millions d'adresses en France.
C'est réellement maintenant qu'ils vont commencer à travailler leurs bases de
données. Si le décollage de la téléphonie mobile a commencé il y a sept ans, le
vrai marketing relationnel a démarré il y a deux ans.
A ce propos, faites-vous de la location d'adresses ?
Non, nos adresses ne sont
pas utilisées par des tiers. Même si nous sommes très sollicités, nous les
réservons déjà pour nos propres communications.
En matière de téléphonie mobile, n'arrive- t-on pas à saturation du marché ?
Aujourd'hui, 60 % des Français ont un mobile. Il existe des particuliers et des
entreprises (PME, TPE dans l'univers de la maintenance, du nettoyage...), qui
ne sont pas encore équipés et qui vont l'être : probablement des jeunes, des
seniors et un volant très important de personnes qui "migrent" d'un opérateur à
l'autre, d'un service à l'autre. Aujourd'hui, si l'on passe d'un opérateur à
l'autre, on perd son numéro. A partir de juin 2003, il sera possible de le
garder, c'est ce qu'on appelle la "portabilité du numéro". Par ailleurs, rien
ne dit qu'il n'y aura pas comme en Italie un phénomène de double ligne (1 ligne
personnelle, 1 ligne professionnelle) voire de triple ligne. On s'oriente vers
un multi-usage de la téléphonie mobile.
Quels types d'action menez-vous pour éviter le passage d'un opérateur à l'autre, dit "churn" ?
Nous menons des actions par mailing en amont et en travaillant
sur la base de données. Nous savons quel type de client a une propension plus
ou moins forte à "churner". Les actions de rétention passent aussi par le
service client et les chargés de clientèle, ainsi que par la grande
distribution. Le programme Garantie Carré Rouge fait partie également des
outils anti-churn.
Comment vous situez-vous dans votre univers concurrentiel ?
Le premier opérateur en taille est Orange. Nous
sommes en deuxième position et loin derrière arrive Bouygues Telecom. Mais ce
que l'on constate, c'est que les plus gros consommateurs de téléphonie mobile
sont chez nous. En général, le challenger d'un marché recueille souvent les
plus gros consommateurs.
Quel type d'actions menez-vous dans le domaine des MMS (Multimédia Message Service) ?
Pour pousser les
gens à découvrir ces nouveaux services qui vont permettre d'envoyer des
messages écrits accompagnés de vidéo, de photos et de sons, le tout en couleur,
nous les incitons soit par mailing, soit par annonces-presse à se rendre dans
les Espace SFR pour voir comment cela fonctionne. Dans ce contexte, le
marketing direct sert à créer du trafic. Il fait office de prévente pour
emmener les personnes intéressées en magasin. Le multimédia est, dans ce cas,
le meilleur exemple de l'usage du marketing direct. Nous l'utilisons aussi pour
du caritatif, nous sommes partenaires de l'association "La Voix de l'Enfant",
avec Carole Bouquet.
Biographie
47 ans, ISG (Institut supérieur de gestion) et Main Management Institute (USA), Thierry Gattegno débute chez EBG comme directeur commercial France/export (1979-1984), devient ensuite directeur marketing d'American Express (1984-1987) avant d'être nommé Dg d'IPC (1987-1991), puis directeur commercial de Wunderman (1991-1992). Il rejoint alors le groupe Axa-UAP (1993-1997) où il est Dga de Direct Assurance (Axa France), et directeur marketing et communication à la direction générale du groupe. Il intègre Cegetel (groupe Vivendi) en juin 1997, où il occupe successivement les fonctions de Dg de Cegetel "7" ; puis conjointement de Dg Cegetel Service (1999) ; Dga SFR et Dg Cegetel Service (janvier-septembre 2000) ; Dga SFR, Dg SFR Grand Public et président de Cegetel Services, en septembre 2000. Depuis janvier 2001, il est Dga SFR, Dg SFR Grand Public et Dg Universal Music Mobile.
L'entreprise
Chiffre d'affaires Cegetel : 6,4 Mde en 2001 (+ 24 %) 3,44 Mde au 30 juin 2002 (+ 14 %). Chiffre d'affaires SFR : 5,6 Mde en 2001 (+ 21 %) 2,97 Mde au 30 juin 2002 (+ 14 %) 35 % de part de marché (30 septembre 2002). Les quatre grandes offres de SFR : SFR Pro et Perso, pour les abonnés particuliers ; SFR Entreprises, pour les abonnés entreprises ; SFR La Carte, offre prépayée, et Universal Music Mobile, pour les jeunes 10-25 ans.