Si son origine (probablement militaire puis mathématique) exacte demeure incertaine, la déclinaison qu’en ont faite les économistes suggère de s’en servir comme d’un instrument d’analyse stratégique. La théorie des jeux permet alors de modéliser des situations, de décrire les comportements possibles d’agents économiques rationnels interdépendants, afin de déterminer la stratégie optimale. La situation conflictuelle pouvant exister entre les acteurs d’un même marché constitue alors un « jeu ». Plus précisément, un jeu se définit par l’ensemble des joueurs (acteurs en présence), l’ensemble des choix à leur portée, et l’ensemble des conséquences possibles découlant de ces choix et concernant l’ensemble des participants au jeu (à l’instar d’un jeu classique, la théorie des jeux suppose que les gains et les pertes possibles soient connus à l’avance). Il existe deux grandes catégories de jeux. Les jeux coopératifs et les jeux non coopératifs. Le jeu sera dit « à somme nulle » si aucune coopération entre les joueurs n’est intéressante. En d’autres termes, ce qui est gagné par l’un est perdu par l’autre. En 1928, John von Neumann a défini le théorème du minimax : « Tout jeu à somme nulle et à deux joueurs, qui ont fait leurs choix dans des ensembles finis de stratégie pure, comporte au moins un équilibre en stratégie mixte. » Le théorème du minimax permet notamment de comprendre que dans tout conflit stratégique déterminé, les espérances des deux joueurs sont égales. Mais que si chaque joueur poursuit un but individuel de maximisation de ses gains, le résultat peut être catastrophique. Alain Jolibert et Manuel Velasquez rappellent qu’elle suppose : « Une rationalité des acteurs, des situations simples de monopole bilatéral ou d’oligopole, l’absence de différences individuelles et de comportements autres que ceux qui sont basés sur les utilisés de chaque acteur, la connaissance des utilités de l’autre partie, toutes conditions qui sont souvent éloignées de la réalité. » On doit les premières applications économiques de cette théorie à Oskar Morgenstern et John Von Neumann, en 1944. Elle constitue une théorie très importante de la prise de décision (investissement, participation, positionnement, déplacement stratégique, extension de marque ou de gamme…) recourant à la théorie mathématique. Les probabilités de survenance des événements, de même que l’étude du comportement des concurrents, permettent aux agents économiques concernés de rendre l’univers concurrentiel un peu moins incertain ; le jeu consistant en fait à mettre la réflexion, l’inspiration et/ou la ruse au service de cette prise de décision, afin de limiter les pertes et maximiser les résultats. Chacune des décisions possibles est identifiée, évaluée et analysée afin de connaître le plus précisément possible ses conséquences, et parallèlement permettre le choix de la décision ad hoc. « Les entreprises sont intelligentes si elles reconnaissent que les autres entreprises sont rationnelles. Les règles du jeu signifient une description complète du jeu incluant : 1) le nombre d’entreprises, 2) leurs palettes d’actions disponibles à chaque étape du jeu, 3) leur utilité, 4) la séquence des déplacements et 5) la structure de l’information à propos de ces déplacements (qui sait quoi ? quand ?) », précise Sridhar Moorthy.
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