Comment Volkswagen a cabossé sa réputation
Tricher sur les tests anti pollution alors qu'on axe toute sa communication produit autour du "clean diesel" et qu'on appartient au fleuron d'une industrie allemande reconnue pour son respect de l'environnement, c'est une stratégie vraiment risquée. Sotte et absurde diront d'autres. Pour le moins "surprenante et dangereuse à l'heure du Web social qui offre une caisse de résonance mondiale à la société civile" et à quelques semaines de la COP21, analyse Christophe Ginisty, spécialiste des médias sociaux et de la gestion de la réputation des entreprises, et organisateur de la conférence ReputationWar. Interview.
- Quel regard portez-vous sur la crise déclenchée par la découverte du mensonge de Volkswagen ?
Christophe Ginisty : La pression du Web social incite les entreprises à être plus transparentes, éthiques et responsables, au risque sinon d'être sanctionnées et de provoquer une crise aux effets dramatiques en termes d'image et de réputation. De toute évidence, Volkswagen n'a pas pris cela en compte. Il est très surprenant qu'une entreprise de cette taille ait cru qu'elle ne se ferait pas prendre la main dans le sac. Dans le monde ouvert qui est le nôtre, c'est faire preuve d'une grande naïveté. L'internet et les réseaux sociaux ont changé la donne : on a aujourd'hui un équilibre des pouvoirs de communication qui fait, par exemple, qu'une association ou une ONG à portée limitée peut provoquer une crise mondiale. C'est le deuxième élément qui me frappe dans cette affaire : l'information s'est propagée dans l'opinion avec une ampleur et une rapidité incroyables et a créé une onde de choc colossale.
- À quelques semaines de la COP21, la révélation du mensonge de Volkswagen ne jette-t-il pas le discrédit sur les entreprises, régulièrement suspectées de "greenwashing" ?
Il ne s'agit pas tant de RSE (responsabilité sociale et environnementale) que de non-respect de la loi à une échelle industrielle. Pour pénétrer le marché américain, on n'a pas demandé à Volkswagen de faire de grandes déclarations sur ses engagements environnementaux, mais juste d'appliquer les normes légales. Une crise ne prend que s'il y a un effet de sidération, c'est-à-dire lorsque les gens découvrent un fait qu'ils ne pouvaient pas concevoir. L'ampleur de la crise ouverte par la découverte du mensonge du constructeur automobile s'explique par cet effet de surprise et de sidération. Autant on sait qu'un véhicule diesel pollue, autant on ne peut pas imaginer qu'une entreprise, a priori aussi respectable que Volkswagen, ait mis en place une telle industrie du mensonge. Ce qui choque profondément l'opinion, ce n'est pas tant que Volkswagen commercialise des voitures polluantes, mais l'énergie que les dirigeants ont déployée pour contourner les règles américaines à travers un logiciel qui a instruit un mensonge à l'échelle planétaire, et ce dans un domaine qui a trait à la santé publique : l'air qu'on respire.
- Quelles sont les conséquences pour Volkswagen en termes d'image et de réputation ?
Sur un plan global, ce type d'affaire contribue à la suspicion générale du public vis-à-vis des entreprises et corrobore le discours selon lequel, pour gagner plus d'argent, elles n'hésitent pas à cacher des éléments clés et à manipuler l'opinion, bref à se comporter comme des voyous. Concernant Volkswagen, cela remet en cause toute leur communication orientée sur... le "clean diesel". Outre de mettre à la benne toutes ses campagnes de communication produit, le constructeur va passer par une phase d'explication et d'excuse publiques. Du point de vue de la gestion de crise, la rapidité et la franchise avec laquelle les dirigeants ont reconnu leur faute sont remarquables. Ils n'avaient guère le choix, me direz-vous. Mais d'autres grandes entreprises qui ont été prises la main de sac ont préféré le déni. Ce fut le cas, par exemple, de Total, qui a refusé de reconnaître sa responsabilité dans la catastrophe de l'Erika alors que c'était son carburant.
De la marque au chiffre d'affaires, un séisme aux multiples répliques
Dans la tourmente créée par la fraude des tests antipollution de 11 millions de voitures, le constructeur allemand doit faire face à un scandale d'une ampleur mondiale. Un séisme aux répliques catastrophiques pour Volkswagen qui en paie le prix fort, en termes d'image et de réputation, mais aussi de chiffre d'affaires.
Pris la main de le sac pour avoir truqué un logiciel de mesure d'émissions polluantes, le géant automobile affronte une crise d'une ampleur colossale. Outre le fait de ternir son image et d'entacher sa réputation de constructeur attachée au respect de l'environnement - et au-delà, celle de toute l'industrie allemande -, le mensonge industriel qu'a mis à jour une ONG américaine se paie très cher. Selon les autorités américaines, l'affaire concernerait 482 000 véhicules diesel vendus aux États-Unis. Volkswagen va devoir payer 16 milliards d'euros d'amende rien qu'Outre-Atlantique, et ce alors même que l'affaire prend une dimension mondiale. L'entreprise a admis hier 22 septembre que 11 millions de ses véhicules dans le monde étaient équipés du logiciel de trucage aux tests anti-pollution. L'Allemagne a ordonné des tests, de même que la Corée du Sud, tandis que la France réclame une enquête européenne. Volkswagen devra rappeler à ses propres frais l'ensemble de ses véhicules (Golf, Audi, Passat) vendus depuis 2008. Un coût gigantesque pour la marque automobile (qui affichait en 2014 un chiffre d'affaires de 200 milliards d'euros).
Après un lundi noir qui s'est soldé par une perte de 15 milliards d'euros de capitalisation boursière, l'action a continué à plonger de 20% le 22 septembre à Francfort. La réplique se fait sentir sur l'ensemble de la filière automobile qui a vu ses actions dévisser à Francfort et à Paris.
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