DossierLes médias se réinventent pour sortir de la crise
6 - Le numérique repousse les frontières du grand écran
Le digital a démultiplié les possibilités de communication des marques dans un univers captif qui favorise l'émergence.
Depuis quelques années, le cinéma connaît un regain de fréquentation. Si le nombre d'entrées est en léger retrait depuis 2012, il reste sur des niveaux très élevés : 204 millions en 2012 et 95 millions sur le premier semestre 2013, selon le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). L'an dernier, 38,9 millions de Français ont fréquenté les cinémas, soit 6,3 millions de spectateurs supplémentaires en 10 ans. Côté publicité, le cinéma reste un marché modeste, qui résiste plutôt bien à la crise : + 0,3 % à 381 M€ bruts en 2012 selon Kantar Media Ad Intelligence et + 0,4 % à 105 M€ en net, selon l'Institut de recherches et d'études publicitaires (Irep). En brut, les tendances se maintiennent sur le premier semestre 2013. La publicité trouve naturellement sa place dans les salles obscures. Pour beaucoup, elle fait même partie intégrante de la séance. L'état d'esprit dans lequel se trouve le spectateur favorise l'attention et la mémorisation des messages. En choisissant les films autour desquels ils souhaitent communiquer, les annonceurs limitent la déperdition auprès de la cible qu'ils veulent toucher.
Des sagas de marque en 3D
Si la numérisation des salles et l'introduction de la 3D ont contribué à renouveler "l'expérience spectateur", le digital a également changé la donne pour la publicité : " Si on était encore en argentique, la publicité au cinéma serait actuellement dans des difficultés abyssales, affirme Benjamin Badinter, président du directoire de Médias & Régies Europe (MRE) et président de Médiavision. Grâce à une réactivité réduite à cinq ou sept jours, le numérique a fait venir de nouveaux budgets et permis de s'adapter aux décisions de plus en plus tardives des annonceurs. " Il y a quelques années, les campagnes devaient être bouclées trois semaines avant la diffusion. Un succès comme Bienvenue chez les Ch'tis n'avait pas pu bénéficier d'une stratégie de suivi optimale de la part des annonceurs car, en 2008, l'argentique ne le permettait pas.
La 3D a également contribué au regain d'intérêt des campagnes. C'est d'ailleurs avec un spot Haribo diffusé avant Avatar que les spectateurs ont vécu leur première expérience en 3D, tentant d'attraper les confiseries qui "sautaient" dans la salle ! Ce spot avait alors bénéficié d'une émergence maximale. Depuis, Haribo ou Oasis continuent de se montrer très actifs, avec des sagas faisant référence aux blockbusters. Des Schtroumpfs avaient pris place au milieu des bonbons Haribo lors de la sortie du long métrage éponyme en 2011. Pour "Iron Man 3", le personnage Jude Citron d'Oasis s'est mué en Citron Man. Il était aussi le héros de "Moi, Moche et Citron", parodie de "Moi, Moche et Méchant 2". La 3D a depuis connu un recentrage tant au niveau des longs-métrages que de la publicité. Malgré le coût des campagnes et la diminution du nombre de spots, elle reste une piste de travail pour les studios et les publicitaires : " Tant que la télévision en 3D ne sera pas démocratisée, les salles de cinéma resteront les lieux privilégiés pour connaître ce type d'expériences ", note Benjamin Badinter.
Jouer l'interactivité avec la salle
Le numérique permet aussi de proposer des campagnes interactives, à l'image de celle qui a été menée début 2012 par l'Office du tourisme du Brésil : les spectateurs pouvaient faire basculer l'angle de vue du film d'un mouvement de bras vers la droite ou vers la gauche. Pour le lancement du Nokia Lumia 710 embarquant l'application Orange Cinédays, l'humoriste Thomas Ngijol a piégé à plusieurs reprises les spectateurs du Gaumont Opéra à Paris. Alors qu'il sortait son portable sur l'écran de cinéma, un téléphone sonnait dans la salle et le spectateur qui répondait se retrouvait en conversation avec le comédien ! Coca Cola a également joué l'interactivité avec la salle autour de son Coca Zéro. Shazam (reconnaissance musicale) va ouvrir de nouvelles opportunités : " Nous avons déjà beaucoup de demandes de la part des annonceurs. On pourra monter au cinéma les mêmes dispositifs qu'en télévision ", souligne Viviane Paban, responsable marketing cinéma chez Canal+ Régie, qui commercialise l'espace publicitaire d'UGC depuis le 1er janvier 2013. Première régie de cinéma à commercialiser aussi d'autres médias, cette régie souhaite amener au cinéma des annonceurs du petit écran : " Nous voulons créer des parcours médias avec une stratégie de cible autour de plusieurs écrans premium ", poursuit-elle. Roche Bobois, Seat, Lenovo ou Prada sont venus au cinéma via le produit +Écrans, qui permet de diffuser une campagne à la télévision, sur internet et en salle. Pour exprimer la montée en gamme du parfum Paco Rabanne, Puig a communiqué lors du Festival de Cannes sur les différents supports du groupe Canal+, notamment sur La Chaîne du Festival, dont il est partenaire officiel.
Le "hors film", une nouvelle frontière à explorer
La numérisation du parc a permis d'élargir la programmation : opéras, spectacles, expositions ou retransmissions sportives diffusés en direct ou en différé sont désormais régulièrement à l'affiche chez Gaumont-Pathé, CGR et UGC. Si le dernier spectacle de Florence Foresti, retransmis en direct de Bercy dans une cinquantaine de salles Gaumont et Pathé, a sans doute séduit un public d'habitués du cinéma, d'autres représentations drainent un public d'occasionnels. Ils constituent une autre opportunité pour les annonceurs : alors qu'Hermès accompagne depuis deux ans les représentations du Bolchoï diffusées par Pathé Live, Canal+ Régie cherche aussi "un parrain très CSP+" autour du partenariat noué par UCG avec l'Opéra de Paris. Oasis s'était associé au spectacle La féerie des eaux, organisé au Grand Rex.