Data sharing : quand la donnée se met en mode collaboratif
Comment un client d'un fournisseur d'énergie, qui vient de souscrire un abonnement au gaz pour chauffer son nouveau logement, peut-il se retrouver dans la base de données d'un opérateur téléphonique ? La réponse tient en deux mots : data sharing. "Mettre en commun ses données n'a rien de nouveau", rappelle Roland Koltchakian, Sales Development Manager chez Oracle Customer Experience. Dès les années 1990, le géant américain de la distribution Walmart met en place le programme "RetailLink" qui donne à ses fournisseurs, Procter&Gamble le premier, l'accès à ses données (comme le niveau des stocks de chaque point de vente du réseau). "Les entreprises cherchent à échanger leurs données depuis qu'elles font du marketing", renchérit Marc Désenfant, directeur général de la plateforme d'automation marketing Actito. Autrefois artisanale, la pratique s'est industrialisée pour traiter d'importants volumes de données issus du big data. Zoom sur une stratégie en plein développement à l'ère de l'économie collaborative.
Second-party data : quel intérêt ?
First, second ou third-party data, quelles données choisir ? En mutualisant les données de plusieurs annonceurs, le data sharing offre à chacune des parties une second-party data "moins volumineuse et plus qualitative que la third-party data" selon Raphaël Fétique, co-fondateur du cabinet conseil en stratégie digitale Converteo, mais surtout ouvre la voie à une audience plus large car en s'appuyant sur les comportements clients connus, la second-party data effectue un travail de modélisation prédictive auprès d'autres annonceurs. Elle détermine les caractéristiques qui font qu'un consommateur va devenir un client et, ainsi, recherche des profils jumeaux statistiques grâce à la fameuse technique du look alike.
Une augmentation en volume de la data qui ne se fait pas au détriment de la qualité. Au contraire, les partisans du data sharing évoquent son atout en terme de fiabilité des données, dans la mesure où le data sharing offre à l'annonceur des indications sur l'origine des données. De plus, il permet aux entreprises de capitaliser sur ce que le marketing qualifie de "moment de vie". Un heureux événement à venir ? Une information qui intéressera à court terme une marque de vêtements de grossesse... et à plus long terme un acteur de la puériculture. "La second-party data est la réponse au moment de vie", résume Raphaël Fétique. Elle est également la caution d'une donnée intentionniste, donnant de l'avance aux annonceurs alors capables d'anticiper les futurs besoins de leurs clients et prospects.
Partager ses données, à quel prix ?
Cependant, Raphaël Fétique met en garde : "Ni la collecte ni la mise à disposition de la data ne sont gratuites". Dès lors, quel modèle économique adopter pour le partage de données ? Avant d'aborder le volet de la monétisation, les acteurs du data sharing mettent l'accent sur la nécessité d'une affinité entre les annonceurs y ayant recours. À la fois du point de vue de leur univers de consommation et de leurs valeurs, sans pour autant mettre en relation deux entreprises concurrentes de façon frontale mais plutôt complémentaires sur leur secteur d'activité (exemple : un constructeur de téléviseurs et une chaîne de télévision à péage). De même, il est recommandé pour les partenaires de partager une politique de protection des données communes, l'auto-régulation étant de mise dans une certaine mesure en attendant l'application de la nouvelle réglementation européenne. Concernant les modalités de mise en place, les intervenants s'accordent pour désigner les Data Management Plateforms comme le support privilégié du data sharing, via un dépôt de tag sur les sites des entreprises partenaires par exemple. Pour mener à bien un projet de data sharing, certains annonceurs capitalisent sur leur propre DMP quand d'autres font appel à des prestataires externes, à l'instar de Mediarithmics.
Plutôt que de monétiser la data, le data sharing fait le choix d'un échange d'égal à égal, de gré à gré, pour que la stratégie bénéficie à chacun des acteurs impliqués. Peuvent également en résulter des actions de communication communes, comme des newsletters. D'autres encore, même s'ils se font rares, optent pour le partage sans contrepartie aucune : l'open data envisage la donnée comme un actif collaboratif citoyen au service et à la disposition de tous, et plus particulièrement des start-up qui s'en servent pour bâtir de nouveaux services innovants.
Pour aller plus loin :
- Data sharing : quels sont les blocages?
- Quand la data révolutionne le parcours shopper?
- Data visualisation, l'art de montrer la data
- Les initiatives les plus folles en matière de data
- Programmatique-data : un couple qui matche
- Gilles Babinet (Captain Dash): "Il faut démocratiser la culture de la data"
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