Penser l'avenir de la télévision
Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne délaissent pas la télévision. Il se pourrait même que leur consommation ressemble plus tard à celle de leurs parents, tout en sortant du cadre fermé de la maison.
Je m'abonneIl est toujours délicat, dans le monde des études, de se soumettre au jeu de la prospective. Le risque étant de considérer qu'il suffit de «pousser» les tendances actuelles pour prédire les comportements de demain. Une des méthodes consiste à considérer que les comportements des 15-24 ans d'aujourd'hui, ces fameux «Digital Natives», vont devenir la norme et se diffuser au sein de la société. C'est bien entendu oublier que si les comportements média de cette génération correspondent effectivement à une nouvelle donne liée à un nouveau paysage média, certaines de leurs pratiques sont le seul fruit de cette étape de vie qu'est l'adolescence, qui implique un fort besoin de liens avec sa communauté pouvant expliquer l'usage important des chats, par exemple.
Trois évolutions majeures
C'est afin de déterminer ce qui relève du phénomène de société et de l'étape de vie, que Reload a mené une étude sur les jeunes et la télévision, média souvent considéré comme menacé (délinéarisation des nouveaux modes d'écoute). Il ressort que les jeunes ont bien conscience d'avoir une consommation atypique des médias, et que celle-ci se rapprochera de celle de leurs parents une fois qu'ils seront «adultes» (au moment de leur premier emploi ou à l'arrivée d'un enfant, selon eux). La télévision reste pour eux le média du divertissement et de la détente. Trois évolutions majeures, confirmées par une étude quantitative menée sur le panel de Reload
- En premier lieu, notons que la télévision de demain sera totalement choisie. En effet, la multiplication des écrans au sein du foyer fait que la consommation de la télévision n'est jamais subie, l'alternative venant d'Internet ou des mobiles. Toute forme de consommation télévisée étant décidée par l'individu, c'est la fin du pouvoir de la télécommande. Cette tendance est confirmée par le fait que 57% des jeunes regardent la télévision sur un autre support quand la programmation ne leur convient pas.
- Ensuite, le zapping, phénomène de grande ampleur qui inquiète les experts, est davantage une aide à la décision qu'un mode d'écoute. Pour 31% des 15-24 ans, zapper permet de choisir entre les différents programmes diffusés. La décision du programme visionné est donc spontanée.
- Dernier phénomène majeur, la télévision est un objet conversationnel (même s'ils la regardent plus souvent seuls que leurs aînés: 40% vs 30%). Peu importe le mode de visionnage, elle reste au coeur de leur quotidien, structure et alimente leurs conversations, davantage même que pour leurs aînés (83% vs 78%). Au-delà d'être un moteur de lien familial, elle fédère les jeunes en communautés (et n'a donc rien à envier à Internet, média considéré comme média du lien). On assiste notamment à l'émergence de soirées organisées autour de l'objet TV. Les «soirées Nouvelle Star» sont ainsi fréquemment citées par les interviewés.
De ces trois constats, on ne peut que conclure, non pas à la mort de la télévision, mais à l'émergence de «l'hyper télévision», consolidée dans ses fonctions traditionnelles (divertissement, information, lien social) et réinventée dans sa relation aux téléspectateurs. Elle est fédératrice au-delà du salon et sort de la maison grâce aux supports numériques pour rythmer le temps d'information et de divertissement des Français.