Naissance du marketing anthropologique ?
Hier appelés clients, aujourd'hui consommateurs et demain citoyens, les individus qui peuplent les points de vente feraient-ils également partie de l'espèce humaine ? Certaines découvertes et initiatives récentes, tant de la part des industriels que des distributeurs, tendraient à répondre par l'affirmative à cette troublante question !
A une époque où les limites des segmentations et nomenclatures
traditionnelles (CSP, âge, sexe, éducation-statut social, s'imposent de plus en
plus comme une évidence du fait d'un processus cumulatif de
démultiplication-hybridation des paramètres, les marketers sont en quête de
nouveaux outils synthétiques d'analyse et de compréhension des populations
disposant d'un pouvoir d'achat ou de prescription.
La femme serait un être biologique !
De plus en plus conscients des limites de
l'approche purement marketo-publicitaire conduisant, d'une part, à l'apparition
de segmentations relevant plus du modèle aspirationnel (style de vie) que de la
réalité quotidienne, et d'autre part, à une multiplication frénétique des
fausses innovations-produits, les industriels se penchent aujourd'hui sur les
véritables besoins physiologiques de l'espèce humaine. Ainsi, force est de se
rappeler que la vie des femmes est ponctuée d'étapes qui, par choix ou par
obligation, vont bouleverser leur état physique et psychologique, donnant
naissance à de réels besoins : puberté et PMS, grossesse ou ménopause. La femme
enceinte. Suite à une étude qui dévoile que 23 % des femmes enceintes changent
de parfum et que 33 % n'en utilisent plus ou réduisent leur consommation,
Fragrance Forward a créé une gamme de trois parfums spécifiquement étudiés pour
ne pas incommoder la femme enceinte dont la perception olfactive est
démultipliée. Selph, marque de beauté américaine, lance une gamme de produits
pour le bain et de soins pour le corps avec un discours mettant l'accent sur
l'innocuité de ces produits. En alimentaire, Pact propose une boisson à base
d'acide lactique pour prévenir les malformations du futur nouveau-né. Les PMS.
Au-delà des solutions médicamentées jugées parfois trop agressives, les
industriels américains de la beauté proposent une alternative à base d'éléments
naturels pour régler les maux quotidiens d'une manière plus douce. La marque
Jason a été l'une des premières à lancer une gamme d'hygiène et de soin, Woman
Wise, à base de Wild Yam, reconnu pour réguler la sécrétion de progestérones.
La ménaupose. Sears, le distributeur américain, confirme cet intérêt pour les
étapes de vie des femmes avec la ligne de soin M. Balance. En France, les
Laboratoires Vichy lancent Novadiol, une crème pour la peau contenant des
extraits de soja pour combattre la perte de "densité" de la peau provoquée par
la ménanopause. En alimentaire, on assiste à de nombreux lancements, pour la
majorité à base de phyto-oestrogènes, compensant la diminution de sécrétion
d'hormones à l'origine des nombreux troubles survenant au moment de la
ménopause. Australian Natural Food et son yaourt So Natural Strawberry à base
d'oméga 3 et de soja, Uncle Tobys avec des céréales enrichies en
phyto-estrogènes et Quaker avec Quaker for Woman, céréales à base de soja.
Dernière née, la marque W.I.N. propose de "donner aux femmes les nutriments
dont elles ont besoin et de renouveler l'énergie qu'elles dépensent à prendre
soin des autres". La gamme comprend huit références dont des céréales, des
barres énergétiques, du jus de fruits et des smoothies. Plus surprenant,
Samsung vient de lancer la nouvelle génération de téléphones portables capables
d'afficher à tout moment votre courbe d'ovulation et de suivre les phases de
perte de poids de votre éternel régime. Il n'est pas encore prévu,
malheureusement, qu'il sonne quand on s'apprête à craquer pour une pâtisserie !
A suivre... Que penser de la désaffection continue pour les hypermarchés et,
dans le même temps, le retour en grâce des supermarchés et supérettes ? Au-delà
des questions de proximité, l'oeil professionnel de l'anthropologue nous livre
comme explication la taille humaine.
L'Homme aurait des limites !
Hier, en pleine société de consommation, où le gigantisme de la
distribution était en phase avec les attentes boulimiques des consommateurs, la
société post-moderne réintroduit aujourd'hui l'Homo Sapiens comme échelle de
mesure et l'éthique comme outil d'attractivité. Ce qui se traduit par un
travail sur les superficies et un merchandising accessibles. L'"Homo-citadinus"
n'est pas, par définition, un grand sportif et déteste les activités trop
violentes comme le marathon sur une superficie trop grande ou, pire, l'escalade
de linéaire le samedi après-midi. Car, au-delà de ses limites physiques,
l'"Homo-citoyenus" cherche à protéger ses congénères, quelle que soit leur
intervention dans la chaîne commerciale : fournisseur, vendeur, client
participent tous d'une même espèce qui doit susciter le respect. Plusieurs
distributeurs ont compris ces nouvelles attentes et travaillent à la fois sur
la mise en scène magasin (Fnac Junior), sur le soutien des fournisseurs, la
valorisation des employés (Starbucks) et l'aide au développement local (Tesco).
La prise en compte des besoins physiques, physiologiques, psychologiques et
éthiques de l'homme moderne ne reviendrait-elle pas tout simplement à
reconsidérer la pyramide de Maslow ? Ne s'agit-il pas maintenant de changer de
logique, de passer de la recherche de croissance de la valeur à la création de
valeurs ? Une démarche qui implique, au-delà de la cohérence marketing, un
marketing de la sincérité.